Chaque année, des millions de personnes à travers le monde se pressent aux musées Tussaud, impatientes de rencontrer leurs stars favorites… ou presque ! À l’origine de cet empire de l’entertainment : la française Marie Tussaud. Douée pour le modelage de cire dès son enfance, elle est devenue une femme d’affaire visionnaire, maître dans l’art de la communication. Zoom sur le destin de cette britannique d’adoption.
Une jeune fille au talent prometteur
Londres, 1835. Au cœur de Baker street, un nouvel établissement attire les foules en quête de frissons. On se presse pour découvrir les drôles de statues de cire, parfois choquantes, souvent saisissantes, de Madame Tussaud, la propriétaire. Poussés par la curiosité, certains visiteurs n’hésitent pas à payer un second billet pour entrer dans La Chambre des Horreurs, où têtes factices de meurtriers britanniques et de personnages guillotinés lors de la Révolution Française se côtoient. Le succès est retentissant. La recette de Marie Tussaud ? Un soupçon de macabre, une pincée de sensationnel et beaucoup de talent.
Marie Tussaud, née Grosholtz, voit le jour le 1 décembre 1761 à Strasbourg (Bas-Rhin). Dans son enfance, sa mère l’emmène avec elle à Berne, en Suisse, chez l’anatomiste Philippe Curtius, pour qui elle fait des ménages. Son père, issu d’une longue lignée d’exécuteurs publics, est décédé peu avant sa naissance. Connu de son temps, Philippe Curtius a d’abord travaillé à des cires anatomiques pour les médecins, avant de rencontrer un véritable succès pour ses portraits en 3D, très demandés par l’aristocratie. Il enseigne à la petite Marie l’art du façonnage de la cire… et celle-ci se trouve être une élève très prometteuse !
Lorsque Curtius rejoint Paris en 1765, Marie et sa mère le suivent pour qu’elle poursuive son apprentissage. La jeune adolescente réalise les portraits de ceux qui font le Paris de l’époque, comme Voltaire, et enseigne l’art du modelage à la sœur du roi, Madame Elisabeth. Tout lui sourit ! Mais les heures sombres de la Révolution marquent un tournant dans sa vie. Elle est emprisonnée pendant trois mois au cours de l’année 1794. Une fois libérée et pour garder la vie sauve, la jeune Marie est contrainte de mettre ses opinions de côté en servant les Révolutionnaires. Pour cela, elle doit concevoir des masques mortuaires de nobles décapités pendant la Terreur. La légende dit qu’elle les aurait réalisé grâce au moulage à partir de véritables têtes fraîchement coupées… Les historiens pensent que cette histoire est peu probable néanmoins !
En 1795, Marie, qui vient d’hériter du cabinet de Philippe Curtius, épouse François Tussaud. Elle a deux enfants avec son époux, Joseph et François, avant qu’ils ne divorcent sept ans plus tard. Une pratique encore extrêmement rare à l’époque !
Sur les routes britanniques
Au début du XIXe siècle, Marie Tussaud fait une rencontre déterminante : celle de Paul de Philipsthal. Ce dernier, qui est à la tête du spectacle itinérant Phantasmagoria, mêlant illusions d’optique et jeux de lumière, lui propose de partir sur les routes de Grande-Bretagne ensemble. Le marché est simple : lui gère le transport des portraits de cire et la publicité, elle lui reverse 50% de ses gains. Marie part donc à la conquête du royaume de George III, en emportant avec elle son fils Joseph, alors âgé de cinq ans.
Les statues de cire de Marie Tussaud rencontrent un succès quasiment immédiat outre-Manche. La française se montre à l’écoute du public en proposant par exemple une réplique de Napoléon accessoirisées. Le succès est au rendez-vous, mais il y a une ombre au tableau : Philipsthal détourne sans vergogne les recettes de Marie. Ni une, ni deux, cette femme de poigne quitte son compagnon de route pour voyager seule à partir de 1807.
De ville en ville et de foire en foire, Marie Tussaud rivalise d’ingéniosité avec son exposition “Le cabinet de curiosités de Curtius”, car la concurrence fait rage ! Pour se démarquer, elle devient une femme d’affaire inégalable. La française soigne sa communication en éditant des affiches, des tracts et publie des encarts dans la presse locale pour annoncer sa venue. Comme l’explique Cécile Fournier dans le livre Les Infréquentables, elle va même jusqu’à réaliser son propre catalogue illustré !
Petit à petit, Marie Tussaud commence à louer des salles des fêtes pour exposer son travail. Elle a aussi la qualité d’être visionnaire : elle comprend que le public vient désormais à elle, aidé par le développement phénoménal des transports à cette époque. Marie profite de ce mouvement pour installer son musée permanent à Baker Street, à Londres, en 1835. Ce qui était voué aux foires itinérantes est désormais exposé dans un véritable musée ! Elle a vu juste : ils sont nombreux à venir découvrir le musée Madame Tussaud ! Il faut dire que les anglais sont très friands de loisirs effrayants et s’amusent de ces statues plus vraies que nature.
Véritable institution en Grande-Bretagne, son décès fait la Une des journaux de l’époque, le 15 avril 1850. Elle était âgée de 88 ans et n’est jamais retournée en France.
La fabrique du mensonge
Bien décidée à forger sa légende, Marie Tussaud n’a pas hésité à répandre de nombreux mensonges à son sujet. Dans ses mémoires qu’elle dicte à un ami à la fin de sa vie, la strasbourgeoise s’invente une lignée noble et dit avoir vécu un moment à la cour de Versailles… Rien n’est moins sûr ! Pendant son incarcération à Paris, elle aurait même partagé sa cellule avec Joséphine de Beauharnais, la future impératrice. Professionnelle du storytelling ou mythomane ? Difficile de trancher !
De Londres à Las Vegas en passant par Bangkok, il existe aujourd’hui 24 musées Tussaud à travers le monde, où le public se presse toujours autant… pour faire désormais des selfies avec leurs statues de cire de leurs stars favorites.
Lisa Back
Crédit photo de Une : photographie de ELGAR COLLECTION, BRIDGEMAN, ACI via Geo
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