Elle est l’une des sculptrices françaises les plus connues de l’histoire moderne : Camille Claudel (1864-1943), souvent associée à son amant Auguste Rodin, nous a laissé un grand nombre de sculptures expressives et autobiographiques, qui demeurent bouleversantes.
Être artiste quand on est femme
Élevée à Nogent-sur-Seine aux côtés de son frère, le poète Paul Claudel, Camille Claudel commence très tôt la sculpture grâce à l’enseignement d’Alfred Boucher. Celui-ci remarque une aisance et une créativité exceptionnelles chez la jeune femme. Passionnée, Claudel souhaite devenir sculptrice, à une époque où la majorité des écoles d’art n’acceptent pas les femmes sur leurs bancs. Cette carrière n’est d’ailleurs pas vue d’un bon Å“il par sa mère, qui n’acceptera jamais son choix. Rien de vraiment étonnant, à une époque où la création artistique est considérée comme un don réservé aux hommes, là où la femme ne serait vouée qu’à la copie. Claudel est donc l’une des rares artistes femmes du tournant du XXe siècle à avoir reçu des commandes et à avoir exposé ses sculptures.
Claudel et Rodin, une histoire trouble
On évoque souvent Camille Claudel à travers son histoire d’amour avec Auguste Rodin. Si la jeune femme est d’abord son élève et son modèle, elle participe ensuite à l’élaboration de plusieurs Å“uvres majeures du maître, dont les Bourgeois de Calais. Si elle reste admirative des sculptures de Rodin, qui mêle la sensualité du corps aux références symboliques, Claudel se forge une identité propre en renforçant l’expressivité des corps sculptés. Une grande partie de ses oeuvres font d’ailleurs écho à sa vie et à ses tragédies.
Toutefois, Camille Claudel doit interrompre une grossesse, et Rodin ne veut pas se séparer de sa femme Rose Beuret. Dès lors, leur relation se détériore, et une inégalité s’installe entre les deux artistes : lui, sculpteur reconnu, est célébré de tous, tandis que Camille Claudel est souvent comparée à son ancien maître – certains l’accusent même de s’approprier des oeuvres créées par Rodin. Dans ses lettres, elle accuse le sculpteur de vouloir la maintenir dans l’ombre, tandis que celui-ci affirme la soutenir financièrement… L’histoire, qui a fait couler beaucoup d’encre, reste encore assez trouble.
Des sculptures expressives
D’abord influencée par Auguste Rodin, Camille Claudel se démarque par la suite en se concentrant sur l’expressivité passionnée du corps, avec un travail précis sur les drapés, comme dans son chef-d’Å“uvre La Valse. Ses oeuvres, toujours très autobiographiques, représentent tantôt la vivacité du sentiment amoureux, la détresse de la séparation, ou encore, le temps qui nous entraîne irrémédiablement jusqu’à la mort. À cet art de l’intimité, Claudel ajoute une touche d’orientalisme : certaines oeuvres, comme La Vague, dévoilent une tendance japonisante à travers l’élégance des formes et la pureté des sujets.
30 ans dans un hôpital psychiatrique
Obsédée par l’idée d’être volée par Auguste Rodin, Camille Claudel tombe dans la psychose – du moins, selon le constat du docteur Michaux, établi le 7 mars 1913, à une époque où l’on croyait encore dur comme fer à l’hystérie féminine. Le 10 mars, celle-ci est donc internée à l’hôpital de Ville-Evrard, à 48 ans, sur demande de sa mère. Durant la guerre, l’artiste est transférée à l’asile de Montdevergues à Montfavet en septembre 1914. Malgré ses demandes, Claudel ne reçoit aucune visite de sa mère ni de sa sÅ“ur, tandis que son frère Paul la voit une douzaine de fois. Souffrant du froid et de la faim, elle meurt finalement le 19 octobre 1943, à l’âge de 78 ans.
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Image à la une : Camille Claudel, avant 1883