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Quelques portraits excentriques de Parisiens piochés sur l’INA

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Crieur, bougnat, chanteur de rue ou vendeur de marron… le Paris populaire du XXe siècle regorge de petites histoires quelque peu excentriques, que l’on prend plaisir à découvrir dans les vidéos de l’INA. Qu’il s’agisse de Fred, le chef de bande de Saint-Germain-des-Prés, ou de Zaza, la Montmartroise qui dédie sa vie aux pigeons, ces portraits nous font rencontrer de petites gens passionnées, qui portent un regard truculent sur le défilé de leur vie quotidienne.

Zaza, la dame aux pigeons

Le pigeon n’a pas bonne réputation chez les Parisiens… à part chez Zaza ! Madame Tichon, de son vrai nom, habite sous les toits de Montmartre et s’occupe depuis une dizaine d’années des pigeons de la capitale. Ces oiseaux de la vie ordinaire sont maltraités par les riverains, qui ne les voient plus que comme des parasites. Pourtant, pour Zaza, il ne s’agit pas d’un oiseau banal, mais d’un « soldat de plumes » : « J’ai sacrifié ma vie pour ces bêtes-là. Pendant la guerre de 1914, j’en ai eu un au fort de Vaux qui a sauvé l’un de mes cousins, et pour moi, ces bêtes-là sont sacrées ». Depuis, elle fait des ménages et des travaux pour les ravitailler et les abriter chez elle.

Fred, le chef de bande à Saint-Germain

Pendant plusieurs années, Fred et sa bande passaient leur temps dans les cafés auvergnats de Saint-Germain-des-Prés. Mais les temps changent, et de nouvelles générations d’intellectuels ont pris leur place, ne les considérant plus que comme des « cloportes » à chasser : « [Au départ], on était les maîtres de Saint-Germain. En voyant qu’on attirait la clientèle, ils nous payaient pour qu’on reste ». Cet enfant de la banlieue avait bataillé pour se faire accepter, mais ne se faisait pas d’illusion, voyant sa réussite dans ce nouveau clan comme une espèce de « pouvoir vide dans la tête » : « Moins tu en savais et plus tu étais excentrique, plus tu étais quelqu’un ». À côté de son amie Françoise, il raconte alors ses sorties avec sa bande, ses larcins, et plus largement, sa vision de ce qu’est un « inutile » de la société.

Lily Lian, la dernière chanteuse de rue

Elle est considérée comme la dernière chanteuse de rue parisienne : Lily Lian rencontre un journaliste en 1972 pour lui raconter ses souvenirs du métier, lorsqu’elle chantait aux coins des rues et vendait aux passants ses « formats », des chansonnettes imprimées. Selon elle, trente groupes de chanteurs existaient autrefois dans la capitale et pour éviter la concurrence, le choix de leur emplacement se faisait par tirage au sort à la préfecture de police. La vidéo se termine ensuite avec une ultime chanson dans la rue : « Lily c’est toujours, pour un mot d’amour, un peu de folie dans la tête… ».

Monsieur Tourette, le bougnat moustachu

Sans le savoir, Monsieur Tourette est une célébrité. Un beau jour, une femme vient réclamer son charbon à ce bougnat tenant un café à Paris : « Ah, vous aimez mieux faire la publicité que de vous occuper du charbon ! », lui reproche-t-elle. Quelques jours plus tard, les mêmes plaintes recommencent. Au bout du compte, l’homme comprend qu’une firme a utilisé une photographie de son visage pour faire une publicité. Si cette affaire ne lui a rien apporté, elle lui a tout de même permis de faire connaître son métier, sa clientèle et son amour pour le Beaujolais, le temps d’un reportage…

Bruno, le tatoueur de Pigalle

« Voici Monsieur Bruno… je vous laisse avec ses aiguilles ! », plaisante la voix narratrice. Dans cette vidéo datant de 1964, Bruno Koutsikoli est présenté comme le seul tatoueur parisien, installé temporairement dans son camion-laboratoire à Pigalle. Celui-ci parle de la symbolique de ses dessins, du sadisme de certains de ses collèges et de sa volonté de créer une relation amicale avec sa clientèle. Il présente ses tatouages sentimentaux, esthétiques, ou même mobiles : « Le tatouage mobile, c’est par exemple le grand aigle sur la poitrine qui remue lorsque l’individu bouge les épaules ! Ou lorsque l’on gonfle le bras, le chat qui fait le dos rond », s’amuse-t-il.

Marcel, le chanteur du marché aux puces

Au marché aux puces du Kremlin-Bicêtre, Marcel est un disquaire comme les autres. En effet, parmi ses vinyles, le journaliste s’étonne de reconnaître son visage… car Marcel est aussi chanteur populaire ! Avec ses rouflaquettes et son chapeau, il raconte avoir trouvé l’inspiration avec son métier, mais aussi grâce à l’ambiance particulière du marché. La vidéo se transforme alors en un clip faussement improvisé dans lequel le chanteur interprète son titre : « Au Kremlin-Bicêtre ».

René et son cheval Kiki

« C’est le progrès, on peut rien y faire. C’est triste, mais c’est comme ça ». C’est sur ces mots que René termine sa dernière course de pains de glace dans le quartier de Montparnasse, avec son cheval Kiki. Depuis l’annonce d’une nouvelle législation, les charrettes doivent être remplacées par des camions pour effectuer les livraisons dans la capitale. Cela faisait vingt ans que René faisait ce métier, et qu’il vivait quotidiennement en compagnie de son cheval. Face aux véhicules motorisés, le livreur persiste en soutenant qu’il n’existe « rien de tel que le cheval », et souhaite continuer à rendre visite à Kiki chez son propriétaire.

Monsieur Cefalas, le peintre vendeur de marrons

C’est au 53 rue de Rivoli que l’on pouvait rencontrer Georges Cefalas, un marchand de marrons qui y travaillait depuis 25 ans. Mais à l’époque, si l’homme a une certaine renommée dans la capitale, c’est pour sa pratique parallèle de la peinture : « [après une grave maladie], pour me distraire, j’ai commencé à mélanger les peintures. Et là, on m’a découvert que j’étais un peintre, chose que j’ignorais complètement ». Cet autodidacte explique que le marron l’inspire pour faire des natures mortes, comme une toile exposée au Salon d’Automne, mais aussi les silhouettes des passants, et notamment des sans-abris fréquentant le quartier des Halles : « Je pense beaucoup à ces personnages, c’est pourquoi vous avez remarqué qu’il y a toujours un pauvre malheureux dans mes tableaux ».

Monsieur Mandil, le chercheur de fossiles

Les fossiles peuplent la région parisienne, à en croire Monsieur Mandil, ce passionné qui ne cesse de mener des recherches pour agrandir sa collection. « Elles ont conservé un brillant extraordinaire ! », s’enthousiasme l’homme. Sous les yeux de son chat Fricotin, il présente ses diverses coquilles trouvées « en deux ou trois fois », classées d’après l’épaisseur et la forme de leur ombilic, et espère remplir les dernières pièces manquantes de ses boîtes.

A voir sur le site de l’INA

Robert Danielou, un des derniers crieurs de journaux

Nous avons tous entendu parler des crieurs de journaux qui peuplaient en grand nombre les rues parisiennes au XIXe siècle. Mais Robert Danielou, qui est-il ? C’est en 1974 que la télévision s’intéresse à ce crieur du faubourg Saint-Denis, l’un des derniers de la capitale reconnaissable à son annonce « Sensationnel ! ». Depuis vingt-cinq ans, l’homme chanteur et farceur choisit habilement ses formules pour vendre ses 300 « canards » aux passants. Il partage aussi son amour pour Édith Piaf et sa bonne humeur quotidienne : « Moi je chante toujours, et croyez bien que lorsque je chante dans la rue, je suis persuadé que certaines personnes sont touchées par ma gaité ». Son rituel de fin de journée ? Une petite coupe de champagne au comptoir d’un café du faubourg.

Romane Fraysse

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Image à la une : Robert Doisneau, Les Maries au Bar.

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