Il y a plus de 100 ans, on entendit une forte explosion du côté du parc de Wembley au nord de Londres, là où l’on trouve aujourd’hui le fameux stade de foot. Ce n’était rien de plus que la preuve du cuisant échec essuyé par M. Watkin alors qu’il tentait de doter la ville de Londres de sa propre “tour Eiffel”. Voici son histoire !
La tour la plus haute du monde
Si l’histoire de la tour Eiffel est connue de tous, celle sur la convoitise qu’a suscitée sa construction l’est moins. Dès son inauguration le 31 mars 1889 notre chère Dame de Fer connaît un franc succès. Plus haute tour du monde à l’époque, elle est sans conteste l’attraction principale de l’Exposition Universelle : le monde entier se presse pour admirer cette grande tour d’observation à l’architecture si unique dont le sommet culmine à 324 mètres.
Cet engouement n’est pas aussi bien accueilli outre-manche. La tour Eiffel à peine inaugurée, un an après en 1890, un certain Edward Watkin, membre du Parlement Anglais, décide lui aussi de faire construire une tour de fer… de quelques mètres plus haute, comme par hasard… Watkins, qui n’est autre que le président du Metropolitan Railway, une compagnie de transport londonienne, cherche en fait à rendre certains endroits en périphérie, notamment dans le Nord, plus attractifs. D’après lui, cela permettrait d’attirer plus de touristes ce qui aurait pour conséquence la construction de davantage de stations sur la première ligne de métro londonien, mais également l’augmentation des prix de l’immobilier dans ces quartier où la Metropolitan Railway détient de nombreux terrains !
Une tour Eiffel à Londres ?
Dans cette optique, Watkins le visionnaire décide donc de faire aménager un parc dans le quartier peu fréquenté du Wembley. Peu satisfait du faible attrait de cet espace vert sur les habitants, il se met en tête d’y faire construire la plus haute tour du monde – 358 mètres – qui coifferait le chapeau à sa rivale française. C’est ainsi que nait le projet de la Watkin’s Tower. Très culotté, Watkin va même demander à Gustave Eiffel en personne de dessiner et construire la future tour Eiffel londonienne. Bien heureusement,  l’ingénieur français va refuser son invitation : “si je fais cette tour après en avoir fait une à Paris, les gens vont croire que je ne suis pas un bon français”. Et il aurait eu raison !
Mais Watkin n’abandonne pas pour autant. Selon lui : “tout ce que Paris peut faire, Londres peut le faire en plus grand”. Il décide donc de lancer un concours pour savoir qui sera l’heureux élu, le futur Gustave Eiffel version British. Il reçoit soixante-huit propositions et bizarrement, parmi elles, on retrouve des sacrés copiés-collés de notre chère tour Eiffel, plus ou moins réussis.
Sur les 68 projets reçus, la grande majorité s’est fortement inspirée de l’oeuvre de G. Eiffel
Le grand gagnant de ce concours, qui porte le n°37, est un projet de tour métallique à 8 pieds proposée par Stewart, MacLaren and Dunn of London. Une tour de 358 mètres, soit seulement 34 petits mètres de plus que la tour Eiffel…
Une construction chaotique
La construction de la tour débuta en 1892, peu après le début des travaux du Parc Wembley. En 1894 le parc est inauguré et la nouvelle station de métro dépose les premiers anglais à l’orée du parc alors que la tour est toujours en construction. En septembre 1895, la construction du 1er étage est enfin achevée et la tour culmine alors à  47 mètres de haut, on est encore bien loin des 358 mètres prévus… Mais le reste doit être construit dans la foulée comme l’avait prévu Watkin, qui, affaibli par la maladie part à la retraite au même moment.
La plateforme du premier étage est aménagé, les curieux y grimpent ou viennent se rafraîchir à l’un des nombreux cafés qui ont fleuri aux pieds de la tour. Peu de temps après, les architectes réalisent que les fondations de la tour sont instables : le nombre de pieds de la tour avait été réduit à quatre pour diminuer les coûts. Ne reposant plus sur ses huit pieds tel qu’initialement prévu, la pression exercée par la tour sur les pieds restants était trop forte générant un inquiétant affaissement de la structure. En parallèle, le constructeur rencontre des problèmes de financement qui  aboutissent à une liquidation volontaire en 1899. Les travaux qui avaient repris depuis peu s’arrêtent pour de bon et la tour ne sera donc jamais terminée.
Le dessin gagnant du concours organisé par M. Watkin
De la tour au stade en passant par le moignon
Watkin décède en 1901 sans savoir que son oeuvre n’aboutira jamais ! L’année suivante l’accès à la tour, jugé trop dangereux, est interdit au public. Entre 1904 et 1907, la Watkin Tower est peu à peu détruite à la dynamite, et disparaît sans laisser de traces. Le Wembley Park n’en devient pas moins un haut lieu de loisir notamment sportif. En 1906, le constructeur de la tour renaît d’ailleurs de ses cendres sous le nom de Wembley Park Estate Company et fait fortune en y construisant de luxueuses villas ainsi qu’un terrain de golf.
À l’occasion de l’Exposition Universelle de Londres en 1924, l’état rachète le terrain du parc de Wembley pour y construire ses pavillons. Parmi eux, une grande arène sportive devant accueillir jusqu’à 125,000 personnes et qui deviendra le célèbre stade Wembley, devenu mythique. Lors de sa rénovation en 2000-2003, l’abaissement du niveau du terrain entraîne la re-découverte des fondations de la tour Watkin, restée dans les mémoires sous le nom de “folie Watkin” ou encore du “moignon de Londres”.
La tour Wembley à son apogée en 1895