Le mercredi 16 mars 2022, nous fêtions le bicentenaire de Rosa Bonheur ! Cette artiste peintre spécialiste de la représentation des animaux, promue officier de la Légion d’honneur, est également une pionnière du féminisme. Elle est une des rares femmes de son époque à avoir connu une célébrité internationale de son vivant, avant de tomber dans l’oubli. Rencontre avec ce génie de la peinture réaliste.
L’art sinon rien !
Il y a deux cent ans, en 1822, naissait la petite Rosalie Bonheur. Dans les premières années de sa vie, ce nom de famille ne lui a malheureusement pas porté chance… Tout juste arrivé sur Paris, son père, Raymond Bonheur, abandonne femme et enfants pour rejoindre le couvent des Saint-Simoniens. La famille sombre dans la misère. A bout de force, Sophie Bonheur décède deux ans plus tard alors que Rosa n’a que 11 ans. Ce traumatisme fait naître chez elle le souhait de ne jamais vouloir dépendre d’un homme.
Son père tente de la placer en pension et dans un atelier de couture, dont elle s’échappe aussitôt. Rosa Bonheur est déjà habitée par deux passions : le dessin et la peinture. Raymond Bonheur est lui-même artiste et finit par accepter de prendre sa fille avec lui dans son atelier. La jeune femme passe son temps à copier les grands maîtres au Louvre ou à comprendre l’anatomie au muséum d’histoire naturelle.
L’artiste la plus célèbre du XIXème siècle
Rosa Bonheur fait preuve d’une détermination et d’une émancipation rare pour son époque. Consciente que la société veut que les femmes mariées se vouent à leur époux et à leurs enfants, elle préfère renoncer à fonder une famille plutôt qu’abandonner son art. C’est un choix fort au XIXème siècle ! Prouver que les femmes peuvent réussir aussi bien que les hommes est le combat qu’elle mène tout au long de sa vie. Certaines sources avancent que Rosa Bonheur était homosexuelle… nous n’en avons cependant aucune preuve.
La jeune artiste se consacre alors pleinement à la peinture et son travail est exposé pour la première fois lorsqu’elle a 19 ans. Ses toiles se concentrent sur le vivant et les animaux qu’elle aime : les chevaux, les vaches qu’elle observe aux marchés aux bestiaux, les chiens, les moutons… Leur réalisme ne manque pas de fasciner ceux qui les découvrent ! “Les experts disaient qu’elle défiait les daguerréotypes, c’est-à-dire que ses dessins étaient tellement proches de la réalité qu’aujourd’hui, ils sont utilisés pour retrouver les caractéristiques d’espèces disparues” expliquait Marie Borin, autrice d’une biographie sur Rosa Bonheur à nos confrères de FranceCulture.
En 1848, elle obtient le premier prix du Salon avec son œuvre Bœufs et Taureaux, race du Cantal. Rosa Bonheur est couronnée de succès ! Elle reçoit l’année suivante une commande de l’Etat, pour qui elle réalise le Labourage nivernais, une œuvre monumentale aujourd’hui exposée au musée d’Orsay. En 1853, Le marché aux chevaux fait à son tour l’unanimité, avant de partir pour les Etats-Unis. C’est le début d’une renommée internationale pour la peintre, dont l’art passionne nos amis outre-Atlantique.
Riche et célèbre, Rosa Bonheur a réussi à se faire une place dans le milieu de l’art grâce à son travail et son talent, sans avoir à dépendre d’un maître, d’un mari ou d’un proche plus connu qu’elle. Avec le temps, l’artiste n’a même plus besoin de présenter son travail aux Salons, ses œuvres sont achetées avant même qu’elle n’ait posé la première touche de couleur !
Première femme officier de la Légion d’honneur
En 1859, Rosa Bonheur fait l’acquisition du château de By à Thomery (Seine-et-Marne). Elle y installe une véritable ménagerie, dont un couple de lion qu’elle représente de nombreuses fois. Dans cette grande demeure, elle cohabite joyeusement avec son amie d’enfance Nathalie Micas et la mère de cette dernière.
En juin 1865, c’est la consécration. Elle reçoit la Légion d’honneur des mains de l’impératrice Eugénie, venue en personne au château. “Notre civilisation commence à comprendre que les femmes ont une âme” écrit le journal L’Opinion Nationale à ce moment-là. Vingt ans plus tard, elle est promue officier de la Légion d’honneur par le président Sadi Carnot. C’est historique : elle est la première femme artiste décorée et la première femme a obtenir ce grade d’officier !
En 1889, elle accueille au château la jeune artiste américaine Anna Klumpke, venue réaliser son portrait. Rosa Bonheur décède quelques mois plus tard, le 25 mai 1899, après avoir contracté une congestion pulmonaire. Elle est enterrée au cimetière du père Lachaise auprès de son amie Nathalie Micas.
Anna Klumpke, qui hérite de ses biens, tente de dresser l’inventaire de l’œuvre de la peintre, rédige sa biographie et crée le prix Rosa Bonheur. Malgré ses efforts, la vie et l’œuvre de l’artiste sont progressivement oubliées, balayées par ses contemporains.
Actualité
Pour fêter le bicentenaire de cette artiste exceptionnelle, de nombreux musées proposent des expositions pour faire découvrir ou redécouvrir son œuvre.
– “Sur le motif : peindre en plein air”, l’exposition de la Fondation Custodia à découvrir jusqu’au 3 avril 2022.
– Rétrospective au musée des Beaux-Arts de Bordeaux du 18 mai au 18 septembre 2022.
– “Capturer l’âme. Rosa Bonheur et l’art animalier” au château de Fontainebleau à partir du 3 juin 2022.
– Divers événements toute l’année au Château-Musée Rosa Bonheur à Thomery (Seine-et-Marne).
– Une exposition à partir du 17 octobre 2022 au musée d’Orsay. Plus d’informations à venir.
Crédit tableau de Une : Portrait de Rosa Bonheur (1898) par Anna Klumpke
L.B
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