En plus de 2000 ans d’existence, Paris est une ville qui n’a cessé d’évoluer, en agrandissant constamment ses frontières. Ville prospère connue sous le nom de Lutèce à l’époque gallo-romaine, Paris a traversé plusieurs grandes époques, du Moyen Âge à la Révolution industrielle, où la capitale va se transformer en une ville plus moderne. Une constante transformation qui, malgré l’apparition de nouveaux monuments et de bâtiments, a également vu des édifices disparaître, de manière accidentelle ou volontaire. Un sort qui aurait pu malheureusement pu arriver à l’un des monuments les plus visités au monde : le palais du Louvre.
Une semaine tristement mémorable dans l’histoire de Paris
Il faut pour cela remonter plus de 150 ans en arrière. Le 21 mai 1871, l’armée pénètre dans Paris par la Porte de Saint-Cloud et l’on n’imagine alors pas à quel point le sang s’apprête à couler. Depuis le 18 mars, la Commune, un pouvoir insurrectionnel né du double refus du gouvernement conservateur institué après la chute de Napoléon III et de la paix conclue avec les Prussiens, fait régner sur la capitale une dictature révolutionnaire. Aujourd’hui encore, la Commune fait tragiquement partie de l’histoire de Paris pour sa brutalité rare : du 21 au 28 mai, durant la semaine dite “Semaine sanglante”, pas moins de 5000 morts sont dénombrés dans les deux camps (1000 soldats, 4000 insurgés). Un chiffre conséquent auquel il faut ajouter les 17 000 victimes de la répression postérieure. Ce chapitre de l’histoire parisienne a également laissé une importante trace pour une autre raison : les nombreux dégâts infligés à des monuments emblématiques. Les communards ont en effet incendié à grands seaux de pétrole les Tuileries, le palais d’Orsay, l’Hôtel de Ville, le Palais de justice ou encore les Gobelins. Mais un autre bâtiment tout aussi historique a également été durement touché, et aurait même pu disparaître sous les flammes : le palais du Louvre. Le brasier allumé rue de Rivoli va en effet gagner l’aile ouest du palais, du pavillon de Marsan au pavillon de Flore, ainsi que la Bibliothèque impériale qui faisait face au Palais-Royal.
Le combat héroïque d’un bataillon
Mais contrairement au Palais des Tuileries, dont les ruines seront finalement abattues en 1883, ou l’Hôtel de Ville qui sera reconstruit à l’identique, le Louvre est bel et bien toujours là. Comment l’expliquer alors que cet incendie durant la Commune aurait pu tout emporter ? Bien que 80 000 livres aient été consumés, le musée sera sauvé grâce à son conservateur, Barbet de Jouy, et à un commandant de chasseurs, Martian de Bernardy de Sigoyer, qui joua les pompiers de service avec ses hommes. Issu d’une famille de militaires, ce dernier possède déjà une impressionnante carrière militaire lorsqu’éclate la Commune, lui qui s’est engagé chez les zouaves à 20 ans ou qui a été capitaine durant la bataille de Solférino en pleine guerre de Crimée. Alors commandant du XXVIe bataillon de chasseurs à pied, ce natif de la Drôme mobilise ses hommes avec un objectif bien précis : tout faire pour éviter la propagation des flammes vers les autres bâtiments et les précieuses collections du musée. Tout ce qui peut servir est alors récolté, qu’il s’agisse de haches, pioches ou marteaux. Le reste est détaillé dans l’historique du XXVIe bataillon de chasseurs, expliquant notamment “la dernière compagnie s’élance dans les escaliers, grimpe jusque sur les toits et, entre la salle des États et le pavillon de la Tremouille, essaie de pratiquer une coupure. Le cœur ne manquait à personne, mais l’endroit n’était pas tenable, l’intensité de la chaleur, sinon les flammes, repoussait les travailleurs. Les quatre autres compagnies, sous la direction des officiers, faisaient la chaîne depuis les prises d’eau jusque sur les toits, à l’aide de tous les récipients que l’on avait pu découvrir. Trente hommes furent envoyés au pavillon Richelieu, où la bibliothèque embrasée était une menace pour le Louvre.
Un héros tragique qui veille encore sur le Louvre
Sur ces entrefaites arrivèrent un détachement du 91e et un détachement de sapeurs pompiers de Paris. Grâce à ce renfort, l’incendie fut maîtrisé et le bataillon put rejoindre la division”. Ainsi, le musée du Louvre était sauvé ! Malheureusement, Bernardy de Sigoyer n’aura pas le temps de féliciter ses hommes et de recevoir les compliments pour ce sauvetage in-extremis : son corps à demi-carbonisé est retrouvé le 26 mai au matin, entre le boulevard Beaumarchais et la rue Jean-Beausire. Vraisemblablement assassiné d’un coup de crosse de fusil et dévalisé, sa mort est un choc pour les hommes du bataillon qui adoraient leur commandant. Éternel héros qui sauva le Louvre, le chef du XXVIe bataillon est célébré quelques mois plus tard, lorsqu’une loi en faveur de sa famille est promulguée. Tandis que sa veuve reçoit une pension viagère de deux mille francs, chacun de ses quatre enfants reçoit également une pension viagère de cinq cent francs, en plus de la faculté d’être élevé gratuitement dans les écoles de l’État. Tout aussi symboliquement, une plaque commémorative située au rez-de-chaussée de l’aile Denon, à proximité de la galerie Daru qui mène à la victoire de Samothrace, est encore aujourd’hui visible, avec la mention suivante : “Le 24 mai 1871, Martian de Bernardy de Sigoyer, commandant le 26e bataillon de chasseurs à pied, par son initiative énergique, a préservé de l’incendie le palais et les collections nationales du Louvre.”
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Image à la une : Louvre © Adobe Stock