Émile Zola était un amoureux de Paris et sans doute l’un des auteurs qui en a décrit le mieux l’évolution. Il y est né en 1840, au n°10 de la rue Saint-Joseph, dans le 2ème arrondissement, au quatrième étage d’un immeuble qui existe encore aujourd’hui !  A partir de 1865, Zola quitte sa mère et emménage avec sa compagne dans le quartier des Batignolles, à proximité du faubourg Montmartre. Le 29 septembre 1902, Zola et son épouse sont intoxiqués dans la nuit, par la combustion d’un feu de cheminée, dans leur chambre de la rue de Bruxelles (Paris 9e). Lorsque les médecins arrivent sur place, il n’y a plus rien à faire il décède à 10h du matin.
Cet auteur trés prolixe sur Paris nous donne suffisamment de détail dans ses romans pour entrevoir ce qu’était Paris dans les années 1860-1900 en tant que ville mais également en tant que société. Les trois livres décrivant sans doute le mieux Paris sont la Curée, l’Assommoir et Au bonheur des Dames
Voici donc sa vision d’un Paris souvent marqué par les nombreuses transformations d’Haussmann et l’évolution du peuple de Paris.
Dans la Curée, on découvre les transformations haussmanniennes. Une destruction géographique mais surtout sociale nous est présentée. En effet, en supprimant un grand nombre de quartiers, Haussmann a entrainé la chute de la société bourgeoise, représentée ici par M. Béraud du Châtel. On comprend que son désir de faire de Paris une capitale riche et attirante, provoquera la chute de toute une culture populaire.
Avec la creusée des grands boulevards, si souvent évoquées dans la Curée, ce sont des rues, des quartiers entiers qui disparaissent, engloutis par les spéculateurs. En effet, souvenez-vous du passage où Saccard, contemple Paris de la butte Montmartre : il prédit un Paris anéanti par les futurs travaux.
” C’est bête ces grandes villes ! II ne se doute guère de l’armée de pioches qui l’attaquera un de ces beaux matins, et certains hôtels de la rue d’Anjou ne reluiraient pas si fort sous le soleil couchant, s’ils savaient qu’ils n’ont plus que trois ou quatre ans à vivre “
 ” Paris tranché à coups de sabre, les veines ouvertes, nourrissant cent mille terrassiers et maçons… ” (Chap 2)
Dans l ‘Assommoir, Zola nous embarque dans les arcanes du monde d’ouvriers et de petits commerçants de Paris, et comme dans les ouvrages précédents, la part faite à la description est grande. Vous découvrirez les lavoirs, les toits de Paris couverts de zinc, les blanchisseries, l’atelier miteux du chaîniste de la Goutte d’Or, les fleuristes, le Louvre, puis bien évidemment, les bistrots fétide et maléfique où les ouvriers viennent s’abîmer.
Alors que Paris évolue, le quartier de l’Assommoir piétine et s’embourbe dans la pauvreté ouvrière. C’est fatal : exclu de la société, rejeté à la périphérie de Paris, le peuple ouvrier vivant dans le quartier de la Chapelle ne peut que plonger dans l’alcoolisme, la misère étant devenue plus forte que l’espoir de gagner un jour de l’argent.
Sans être impliquée directement dans les travaux, la population ouvrière du quartier de la Chapelle se détruit par l’alcool. Tout Paris se remet à neuf et ce quartier relativement pauvre ne le peut pas, d’où son exclusion et son plongeon dans la misère. Cela marque encore plus la différence entre ce quartier et le reste de Paris. Il y a quelque chose de rageant pour les habitants de la Chapelle de voir Paris renaître et d’être tenu à l’écart de cette renaissance en vivant dans des conditions de vie d’une grande détresse et en restant dans des logis délabrés et insalubres.
A la fin du  roman, le décor de Paris est bouleversé par les travaux.  En 1860, Haussmann abat totalement le mur de l’octroi (qui entour alors Paris), à l’exception de quatre barrières de 1786, et il agrandit Paris de 11 à 20 arrondissements, en absorbant 24 villages limitrophes. On assiste à la construction des premiers grands immeubles de six étages et des larges boulevards.
Pour info, l’hôtel Boncoeur où vit Gervaise au début du roman se trouve Boulevard des poissonniers & sur le prolongement du boulevard de la Chapelle
Dans Au Bonheur des Dames, Zola retrace l’épopée des grands magasins, cathédrales du commerce moderne, triomphant des petites boutiques d’un autre âge. Le Bon Marché, Le Printemps, La Samaritaine, c’est le progrès ! La mise en scène magistrale de leur stratégie commerciale éclaire celle de la grande distribution d’aujourd’hui.
Ce roman montre surtout l’anéantissement du vieux Paris. L’achèvement du réseau ferré qui converge vers la capitale, fait de la ville le centre du commerce français. On commence de nombreux travaux plus ou moins destinés à aider l’enrichissement de la capital. Au temps de Napoléon III, on trouve une détermination pour l’urbanisation, Haussmann s’occupe des travaux de manière à favoriser l’essor du grand magasin (au sens large). Dès le début du roman, le Bonheur des Dames est construit et supprime déjà les petits commerçants. Les rues anciennes ou étroites sont élargies ce qui entraîne évidemment l’abattement des maisons aux alentours, les vieux quartiers sont éventrés. L’argent est le roi de l’époque ! On voit bien que la mécanque de baisse des prix entraîne la désertion en masse des clientes des petits commerçants, ce qui a pour cause de provoquer leur faillite en cascade dans tout Paris.
Mais Zola montre aussi que les travaux ont une action positive puisque de larges boulevards ont été construits (positif pour l’hygiène), de vastes parcs ont été créés, ainsi que des réseaux souterrains d’eaux, des gares et des halles : Haussmann a donc totalement modernisé la ville.
Zola écrivait à propos du peuple de Paris : « Le bain de sang qu’il vient de prendre était peut-être d’une horrible nécessité pour calmer certaines de ses fièvres. Vous le verrez maintenant grandir en sagesse et en splendeur»….