Quelle chance pour Paris et le Musée d’Orsay d’être les heureux propriétaires du tableau le plus érotique, mystérieux et provocant du 19e siècle ! En effet, L’Origine du monde de Courbet offre aux visiteurs une vision pour le moins troublante et soulève bien des questions, notamment sur l’identité du modèle… Paris ZigZag mène l’enquête.
L’un des plus grands scandales de l’histoire de l’art
Lors de la réalisation de cette peinture en 1866, la mode est au réalisme et les mœurs à Paris sont débridées : c’est l’époque des maisons closes et des sulfureuses courtisanes. Courbet s’inscrit donc totalement dans ce contexte mais son cadrage serré, ce sexe sans visage et sans jambes, choque. L’artiste ne la signera donc pas de sa main, l’œuvre se montrera sous le manteau et il faudra attendre 125 ans avant qu’on ose enfin la présenter au public !
Un sexe qui parcourt le monde secrètement
Commandée à l’origine par un diplomate turc – Khalil-Bey – collectionneur d’art érotique, l’oeuvre est ensuite vendue, voyage en Hongrie, passe entre les mains de différents propriétaires (dont le psychanalyste Jacques Lacan) qui la mettent toujours en scène. Elle est tantôt dissimulée derrière un rideau, des peintures cache-sexe ou d’autres tableaux, tous ses amateurs ont aimé le dévoiler à leurs amis autour d’un rituel. Elle sera ensuite exposée aux Etats-Unis avant de finir sa course à Paris, au Musée d’Orsay, où vous pouvez l’admirer aujourd’hui.
Un modèle mystérieux
Cependant L’Origine du monde n’a toujours pas livré tous ses secrets, notamment sur l’identité de la femme représentée. De nombreux fantasmes circulent mais 5 pistes « sérieuses » sont retenues :
– Joanna Hiffernan, une rousse flamboyante qui a servi plusieurs fois de modèle à Courbet (pour La Belle Irlandaise et Le Sommeil) et au peintre anglais Whistler dont elle était l’amante ;
– Jeanne de Tourbey , admirée par tous les artistes de son temps (Gustave Flaubert, Théophile Gautier, Alexandre Dumas…) et maîtresse de Khalil-Bey, le commanditaire ;
– Julie de Neverly, qui donna un enfant à Khalil-Bey en 1867 laissant supposé qu’elle aurait pu être enceinte sur le tableau (d’où l’arrondi du ventre) ;
– Victorine Meurent, qui a posé pour la célèbre Olympia de Manet et dont Courbet aurait représenté ce sexe comme la face cachée du premier tableau ;
– ou encore Apollonie Sabatier, courtisane surnommée « La Présidente » de Paris qui fut adulée par Charles Baudelaire, Alfred de Musset, Gérard de Nerval… Et Courbet qui la représenta dans son Atelier du peintre.
Une image plus symbolique
Malgré tout, de nombreux spécialistes pensent qu’en réalité Courbet aurait pu réaliser ce tableau sans modèle précis, s’inspirant de mémoire de ses visions personnelles ou de photographies pornographiques, très en vogue à son époque. Il aurait voulu rendre hommage à la Femme, à toutes les femmes, et représenter la source – thème qui lui était cher par ailleurs – symbolique, enceinte de l’humanité. Une image en tout cas qui continue de marquer les esprits de nos jours puisqu’elle a été censurée sur certains réseaux sociaux en 2015 !
Crédits photo de couverture © Daniele Dalledonne