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1709 : quand Paris connut un hiver atteignant les -20 °C

Par Romane Fraysse

Nous sommes habitués à trouver l’hiver parisien quelque peu morose. Mais l’on est loin de se douter que la vieille capitale a connu en 1709 un épisode de grand froid quelque peu tragique pour sa population. Les températures négatives de ne cessaient de chuter, provoquant désastres humains et économiques.

Des températures inouïes

L’hiver 1709 a marqué Paris comme l’un des plus froids. Dès l’année précédente, de fortes précipitations en mai et des gels précoces en automne avaient provoqué des moissons médiocres. Puis le nouvel an s’était passé sans encombre. Mais c’est dans la nuit du 5 au 6 janvier que les températures ont surpris les Parisiens en train de fêter l’épiphanie. En quelques heures, elles ont considérablement chuté dans les négatifs, et cela a persisté durant tout le mois, jusqu’à atteindre les -20° C ! En moyenne, la température du mois de janvier 1709 a été estimée à -3,7°C.

Le Grand Hyver de l’année M.DCC.IX, estampe, XVIIIe siècle, Paris

Il semblerait que ce phénomène inédit ait été provoqué suite aux quatre éruptions volcaniques survenues entre 1707 et 1708. L’expulsion de nombreuses poussières atmosphériques empêchait en effet l’irradiance du soleil vers la terre, provoquant ainsi une chute importante des températures. Les scientifiques ne sachant pas encore prévoir les changements météorologiques, nombre de Parisiens voyaient dans cette catastrophe une punition divine.

Un Paris apocalyptique

Suite à ces événements, six autres vagues de froid s’enchaînent jusqu’à la mi-mars. Face à cela, le sol gèle en profondeur, la Seine reste verglacée. Les arbres fruitiers se fendent, les légumes se gâtent et le bétail ne résiste pas plus. L’approvisionnement devenant impossible par bateau, Paris ne reçoit plus aucun ravitaillement entre janvier et avril. En conséquence, le prix des céréales atteint alors jusqu’à six fois le cours habituel.

Après le grand hyver, la famine. Gravure

La vie est ainsi suspendue. Les commerces ferment, les mariages et les procès sont suspendus. On organise de grands feux publics sous les halles, mais cela ne suffit pas : le deuxième fléau des parisiens est la famine. Emeutes et pillages bousculent la capitale. Tandis que les nobles parviennent difficilement à subsister avec les provisions qui n’ont pas encore gelé, les plus démunis s’affaiblissent vite et sont touchés par un bon nombre de maladies. Dans ses Correspondances, la duchesse Elisabeth-Charlotte de Bavière relève ainsi 24 000 morts à Paris suite à cette vague de froid. Et le climat plus clément de l’été n’arrange rien à l’affaire. Ce réchauffement brutal provoque du même coup les plus importantes inondations que le siècle ait connu, ravageant les nombreuses habitations construites en bois.

Un grand froid jusqu’au Roi-Soleil 

Le grand froid n’épargne pas non plus la Cour du roi. A Versailles, Madame de Maintenon note dans ses Mémoires : « La France, épuisée par la guerre, fut désolée par la famine. On se souviendra longtemps de cet hiver qui fit périr les hommes, les bestiaux, les arbres ». La nouvelle épouse du roi indique ainsi se nourrir de pain d’avoine, ce qui laisse deviner dans quelle misère était plongée la capitale à ce moment-là. Saint-Simon indique quant à lui que « les glaçons tombaient dans nos verres ».

André Leroux, Le secours du potage à Paris pendant la famine de 1709.

Inquiet de la situation, Louis XIV fait distribuer gratuitement des vivres à Paris et fait même fondre sa vaisselle en or pour aider l’ensemble de son royaume. Il invite aussi les aristocrates à se rendre solidaires, quitte à réprimer ceux qui gardent plus que nécessaire. Néanmoins, le pays eut du mal à se remettre de cet épisode inédit, qui reste l’un des plus grands froids connus à ce jour.

Romane Fraysse

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