Du 14 février au 13 juillet 2024, le musée français de la Carte à jouer souhaite mettre en lumière l’œuvre oubliée d’un paysagiste de la fin du XIXe siècle : Constant Pape. Inspiré par l’école de Barbizon et l’impressionnisme, le peintre n’a eu de cesse de représenter la banlieue parisienne encore rurale, à travers ses clairières et ses guinguettes. Des compositions peu originales, dont la palette et la touche peinent à émouvoir.
L’ « élève de MM. Français et Guillemet »
Il y a peu de chance que le visiteur franchisse la porte de cette exposition en connaissant l’œuvre de Constant Pape sur le bout des doigts. Le peintre, né à Meudon en 1865, n’a pas été retenu par l’histoire de l’art – et à vrai dire, cela n’a rien de vraiment étonnant. Le goût de Pape pour le paysage a commencé très tôt, puisque son père tenait une auberge dans laquelle se retrouvaient les paysagistes de ce que l’on nomme désormais l’école de Barbizon. Parmi ces peintres de plein air qui venaient poser leur chevalet dans les sous-bois de Meudon et Clamart, on trouvait Louis Français, Antoine Guillemet ou encore, Paul Trouillebert.
La première salle de l’exposition présente ainsi une courte biographie du peintre, accompagnée par quelques rares photographies, un portrait au pastel par le peintre américain Leslie Cauldwell, ou un buste en plâtre par Gustave Crauk. Représentés par des artistes renommés en leur temps, toujours entouré d’autres personnes sur les tirages, Constant Pape est découvert comme un homme sociable, qui se réclame lui-même comme étant l’ « élève de MM. Français et Guillemet ».
Entre l’école de Barbizon et l’impressionnisme
En effet, c’est sous l’enseignement de Français et de Guillemet que Pape développe un intérêt pour la peinture de paysage. Ces deux paysagistes de la génération précédente sont d’ailleurs exposés dans le parcours : on ne peut passer à côté du monumental Paris vu de la butte des Moulineaux par Guillemet, scène d’une banlieue parisienne encore rurale, qui provient du musée d’Orsay.
Profondément attaché à l’art de ses maîtres, Pape découvre également les impressionnistes lors d’un passage à Auvers-sur-Oise : influencé, celui-ci éclaircit alors sa palette et ajoute du mouvement à sa touche. Difficile de ne pas penser à Boudin lorsque l’on découvre ses paysages marins : mais contrairement au génie des ciels nuageux, les effets de la lumière sur l’eau peinent à ressortir de la toile de Pape. Les touches sont maladroites, tandis que les associations de couleurs ne parviennent pas davantage à créer de réelle atmosphère.
Les grands formats
Cela n’empêche pas pour autant le Salon des Artistes français d’exposer les tableaux de Constant Pape à de multiples reprises, entre 1886 et 1914, en 1920 et en 1921. L’artiste obtient même une médaille d’Or pour son paysage Les Brillants à Meudon, peint en 1913. Si le nom de Pape commence à se faire connaître, celui-ci a besoin d’exercer un autre travail en parallèle, celui de restaurateur d’œuvres d’art.
Constant Pape devient alors un peintre paysagiste qui réalise de nombreuses commandes, son style malgré tout très classique séduit le public. Ainsi, il est reçu par plusieurs mairies de la banlieue parisienne de l’époque, telles que Villemomble, Noisy-le-Sec, Clamart, Fresnes ou Vanves afin de réaliser le décor de leur bâtiment. Dans le parcours, on découvre ainsi trois grands formats de l’artiste provenant de l’hôtel de ville de Paris.
Malgré le dynamisme de jolies petites pochades exposées les unes à côté des autres, le reste ne parvient pas à se démarquer : on y voit plusieurs paysages d’une banlieue pas encore urbanisée, mais ceux-ci paraissent comme figés. De même, les quelques grands formats présentant des scènes de guinguette ne paraissent être que de pâles copies des œuvres impressionnistes réalisées quelques décennies auparavant.
Un paysagiste de commande
L’exposition dévoile donc plusieurs grands formats, des pochades de vues urbaines prises sur le vif, ainsi que des esquisses des décors de mairie conservées dans les collections du Petit Palais. Tout en rappelant que les trois grands formats de l’hôtel de ville ont été « exceptionnellement décrochés », la commissaire d’exposition Charlotte Guinois semble avoir à cœur de défendre un « coloriste talentueux » devant lequel on peine pourtant à s’émouvoir.
Pour dire vrai, Constant Pape n’a rien d’un « paysagiste talentueux » ni d’un « grand coloriste ». Il demeure simplement un peintre de commande, influencé par l’école de Barbizon et l’impressionnisme sans apporter de touche personnelle à ses compositions. La vision nostalgique des sous-bois, des fêtes champêtres, et des paysages de carrières de la banlieue parisienne était déjà celle des générations précédentes, qui sont parvenues à la retranscrire avec bien plus d’éclat. On ne s’étonne donc pas de notre oubli de l’œuvre de Constant Pape, et il est à parier que cette exposition n’y changera pas grand-chose.
Romane Fraysse
Constant Pape
Musée français de la Carte à jouer
16 rue Auguste Gervais, 92130 Issy-les-Moulineaux
Du 14 février au 13 juillet 2024
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Image à la une : Exposition “Constant Pape, la banlieue postimpressionniste” – © Romane Fraysse