La 17e édition du Drawing Now Art Fair s’est tenue en mars au Carreau du Temple, rassemblant 300 artistes représentés par 73 galeries internationales. L’occasion d’évoquer l’engagement actif de son organisatrice, la Drawing Society. Fondée par Christine Phal en 2021, cette entité regroupe une foire annuelle, un centre d’art et deux hôtels parisiens qui mettent en lumière toute la diversité du dessin contemporain, et donnent ses lettres de noblesse à cet art autrefois tenu pour une ébauche.
Un salon tout en nuances
C’est la 17e fois que le Drawing Now Art Fair investit le Carreau du Temple pour dévoiler toute la diversité du dessin contemporain. Autrefois considéré comme un travail préparatoire, cet art trouve depuis plusieurs années une place à part entière au sein des musées et des salons. En tout, 73 galeries issues de 14 nationalités différentes ont été sélectionnées par le comité de l’événement pour mettre en lumière 300 artistes recourant à des techniques diverses : graphite, encre, acrylique, pastel, mine de plomb…
Du 21 au 24 mars 2024, des dessinateurs reconnus exposaient plusieurs de leurs oeuvres, à l’instar de Fabienne Verdier, Fabien Mérelle, José Muñoz, Catherine Meurisse, ou Françoise Pétrovitch, mais aussi des artistes émergents, dont certaines oeuvres ont retenu notre attention : on pense notamment aux graphites énigmatiques de Maxime Verdier (galerie Anne-Sarah Bénichou) ou de Mathieu Dufois (galerie C), aux collages monumentaux de Susanna Inglada (galerie Maurits van de Laar), aux Femmages de Camille Chastang (galerie Double V), aux visages sensibles d’Edi Dubien (galerie Alain Gutharc), ou encore, aux compositions mélancoliques de Christos Venetis (galerie Martin Kudlek).
Un prix annuel
Chaque année, le Drawing Now Art Fair met en lumière un dessinateur contemporain exposant dans la foire. Décerné par le comité, le prix Drawing Now lui permet d’obtenir 5 000 euros de dotation, 10 000 euros d’aide pour organiser une exposition au centre d’art Drawing Lab, ainsi que l’édition d’un catalogue monographique. Pour la 17e édition, c’est l’artiste polonaise Tatiana Wolska qui a remporté ce prix, représentée par la galerie Irène Laub.
En créant un dialogue entre ses dessins et ses sculptures, Tatiana Wolska répète avec obsession les sinuosités des courbes, dont elle cherche à exprimer l’énergie organique tout autant que l’indétermination de la forme. Pour cela, elle utilise de nombreux matériaux recyclés, comme des bouteilles en plastique ou des clous abandonnés qu’elle fait renaître ses oeuvres en pleine expansion. “Je travaille sans dessin préparatoire et sans croquis, de façon très instinctive. L’idée de croissance organique et d’autonomie des formes est très présente”, explique-t-elle. En s’intéressant à l’informe, l’artiste questionne ainsi les limites entre le réel et le fictif, le vivant et l’inanimé sans jamais livrer d’explication.
Le centre d’art
Convaincue par la nécessité de mettre en lumière le dessin contemporain au sein de la capitale, Christine Phal a surenchéri en fondant un centre d’art privé qui propose trois expositions par an autour de cet art. Nommé le Drawing Lab, cet espace de 150 m2 est géré par l’association Drawing Projects & Friends qui a à cœur de soutenir les artistes. En plus des expositions, ses acteurs accompagnent les dessinateurs dans la réalisation de leurs projets à travers des manifestations publiques et des résidences, ou dans l’édition de catalogues.
L’accès au centre d’art demeure gratuit tous les jours de la semaine, et toute une programmation culturelle est proposée durant l’année afin d’initier le public au dessin contemporain (conférences, médiations, ateliers pour enfants, visites guidées, etc.). En plus des prix Drawing Now, des artistes comme Vanessa Enríquez, François Réau, ou Noémie Sauve ont eu le droit à une mise en lumière de leur art.
Deux hôtels parisiens
Certes, la création d’un hôtel ne semble pas indispensable pour intéresser le public au dessin. Toutefois, Carine Tissot, la fille de Christine Phal, dit avoir pris l’initiative de créer le Drawing Hotel dans le but de “mettre en avant le travail d’artistes contemporains comme une oeuvre d’art totale”. Situé à deux pas de la Comédie française, cet hôtel 4 étoiles a été construit en 2017 à la même adresse que le Drawing Lab, situé dans son sous-sol. Le principe ? Six artistes contemporains – dont un duo – ont eu carte blanche pour personnaliser les couloirs et les chambres de l’établissement : Thomas Broomé, Françoise Pétrovitch, Clément Bagot, Abdelkader Benchamma, LEK & SOWAT et Stéfane Perraud.
Puis, en 2022, le projet se poursuit avec l’ouverture d’un second hôtel, dénommé la Drawing House – la répétition quelque peu mécanique du mot “Drawing” peut faire sourire, mais il permet à la société de Christine Phal d’assoir son identité dans le paysage parisien. Cette fois, l’établissement 4 étoiles est situé à deux pas de la gare Montparnasse. Réparti sur neuf étages, il est quant à lui décoré par les artistes Mathieu Dufois, Karine Rougier, Alexandre et Florentine Lamarche-Ovize dans les couloirs et les chambres, tandis que Daniel Otero Torres présente une oeuvre surplombant le bar. Une chose est sûre, le duo Christine Phal-Carine Tissot ne manque pas de projets pour mettre en lumière la diversité de la création autour du dessin contemporain : s’il existe actuellement un véritable engouement pour cet art, on peut leur reconnaître d’avoir été parmi les initiatrices de ce mouvement, avec la création de leur foire dès l’année 2007.
Romane Fraysse
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Image à la une : © Drawing Now Art Fair