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Au palais de la Porte Dorée, un nouveau parcours explore l’histoire de l’immigration

Vue de l'exposition permanente du palais de la Porte Dorée

Après plusieurs années de travaux, le palais de la Porte Dorée dévoile un tout nouveau parcours au sein de sa collection permanente. À travers un récit chronologique partant de l’année 1685, le musée retrace l’histoire de l’immigration en France à travers 11 dates clés, enrichies par de nombreux documents d’archives, des photographies, des affiches, des vidéos et des œuvres d’art contemporain.

Du Code Noir à la Révolution

Le nouveau parcours très documenté du palais de la Porte Dorée retrace l’histoire de l’immigration en France depuis 1685 jusqu’à nos jours. Il faut donc prévoir plusieurs heures devant soi si l’on souhaite faire cette longue traversée dans les temps. La première salle nous immisce d’emblée dans une période sombre, celle de la traite des esclaves au temps du Code Noir. Ce dernier définit alors près de cinquante ans de réglementations issues de coutumes et de jurisprudences des Antilles, où l’économie de plantation est soutenue par la mise en esclavage de captifs africains. On découvre alors la maquette d’un navire négrier, accompagnée d’un plan présentant la répartition des esclaves entassés à l’entrepont.

Vue de l'exposition permanente du palais de la Porte Dorée
Vue de l’exposition permanente du palais de la Porte Dorée

Chaque section de l’exposition est présentée à travers une date. Celle-ci se passe en 1685, qui est aussi l’année durant laquelle Louis XIV signe l’édit de Fontainebleau. Tout Français a désormais pour interdiction d’exercer publiquement le protestantisme dans le pays, ce qui conduit à l’exil de près de 100 000 huguenots en Europe, aux Antilles et en Afrique australe.

Vue de l'exposition permanente du palais de la Porte Dorée
Vue de l’exposition permanente du palais de la Porte Dorée

Nous passons ensuite en 1789, date de la Révolution française, durant laquelle les étrangers n’ont toujours pas les mêmes droits que les « régnicoles », les sujets du roi nés dans le royaume. Du même coup, la Terreur entraîne le départ de près de 150 000 « émigrés » français, pour la plupart partisans de la monarchie, qui seront plus tard déchus de leurs droits civiques. À travers de nombreux documents et gravures de l’époque, cette section aborde également les différentes dynamiques coloniales et atlantiques, ainsi que la révolution de Saint-Domingue.

Exilé et immigré

Au lendemain de la Révolution française, l’histoire de l’immigration prend un tournant. De nombreux exilés politiques européens arrivent en France sous les Trois Glorieuses. Avec l’adoption du suffrage masculine en 1848, les conditions de naturalisation sont assouplies, et les étrangers participent activement à la vie culturelle et politique du pays. Mais c’est aussi l’époque de la conquête de l’Algérie. Après la défaite de l’émir Abdelkader, la Seconde République divise le nord du pays en trois départements et y installe des colons français.

Vue de l'exposition permanente du palais de la Porte Dorée
Vue de l’exposition permanente du palais de la Porte Dorée

Sous la Troisième République, la loi du 26 juin 1889 rend obligatoire le double droit du sol : un enfant né en France d’un parent né en France est français de plein droit dès sa naissance. Cela empêche ainsi les enfants français, nés de parents étrangers, d’abandonner la nationalité française pour se soustraire au service militaire de cinq ans en Algérie. Une vague de xénophobie commence ainsi à se faire sentir à la fin du XIXe siècle, lorsque de nombreux travailleurs belges et italiens viennent sur le territoire alors qu’une crise économique sévit dans le monde. Des pamphlets et des journaux antisémites font ainsi de l’étranger un véritable bouc émissaire : c’est d’ailleurs à cette période qu’a lieu l’affaire Dreyfus, à laquelle l’exposition consacre un encart.

L’immigration face aux crises

La salle suivante nous fait entrer dans la Première Guerre mondiale, qui aura une réelle conséquence sur la situation des étrangers en France. Dès 1914, l’État contrôle leurs déplacements, les passeports avec visa sont rétablis et le permis de séjour devient obligatoire. Si les ressortissants des puissances ennemies ont pour obligation de quitter le pays, de nombreux immigrés des pays colonisés entrent aussi en tant que soldats. On découvre ainsi plusieurs documents d’époque, dont un récépissé de demande de carte d’identité d’un étranger, celle-ci étant obligatoire depuis 1917. À côté d’une série de photos, les paires de bottes du soldat italien Lazare Ponticelli sont aussi exposées dans le parcours.

Vue de l'exposition permanente du palais de la Porte Dorée
Vue de l’exposition permanente du palais de la Porte Dorée

La surveillance des étrangers va considérablement s’accroître au XXe siècle. Face à la montée du chômage, la main- d’œuvre nationale est privilégiée et l’accès des étrangers au marché du travail est considérablement limité. Un sentiment de méfiance s’installe dans l’ensemble du pays, nourrissant la xénophobie et l’antisémitisme jusqu’au sein du gouvernement : certains conseillers suggèrent même d’imposer une hiérarchie des étrangers selon les origines. Bien sûr, la situation deviendra critique dès la déclaration de la Seconde Guerre mondiale : si la France républicaine accorde l’asile aux réfugiés fuyant le nazisme dans les premiers mois, le régime de Vichy impose une nouvelle fracture en contribuant à la déportation de nombreux juifs et Tziganes dans les camps d’extermination.

Vue de l'exposition permanente du palais de la Porte Dorée
Vue de l’exposition permanente du palais de la Porte Dorée

Avec l’aide de résistants souvent étrangers, et de colonisés mobilisés dans l’armée, la France est libérée. Une forte vague migratoire a alors lieu entre 1947 et 1975, doublant le chiffre d’étrangers sur le territoire français de 1,7 million à 3,4 millions. Ceux-ci servent alors de main-d’œuvre pour participer à la reconstruction du pays, qui va traverser une période prospère avec les Trente Glorieuses. Face à ces nombreux efforts, la question de l’indépendance des pays colonisés est mise sur la table. Après 8 ans de guerre, l’Algérie devient officiellement un état souverain le 3 juillet 1962. À ce moment, 1 million de Français rapatriés migrent vers la métropole, la plus importante vague que le pays n’ait jamais connue.

Les conflits du monde contemporain

Ces dernières décennies, l’immigration est l’un des grands sujets qui animent la société française. Si les étrangers sont accueillis à bras ouverts durant la croissance économique des Trente Glorieuses, celle-ci va peu à peu se refermer sur elle-même. Avec le choc pétrolier de 1973, le gouvernement décide de suspendre l’immigration de travail et recours fréquemment aux expulsions. Les agressions et les crimes racistes augmentent sur le territoire, tandis que les travailleurs étrangers se retrouvent dans des situations de plus en plus précaires. Durant la révolte de mai 1968, les manifestants dénoncent alors les violences xénophobes et défendent les droits des ouvriers immigrés à travers de nombreux slogans et affiches que l’exposition présente.

Vue de l'exposition permanente du palais de la Porte Dorée
Vue de l’exposition permanente du palais de la Porte Dorée

Après l’élection de François Mitterrand en 1981, le gouvernement régularise les sans-papiers, accorde le droit d’association aux étrangers et suspend les expulsions. En parallèle, le Front national gagne de plus en plus d’électeurs aux municipales, et pointe du doigt l’immigration comme cause de nombreux maux. Les problèmes des banlieues deviennent alors un véritable sujet de débat politique. En quelques années, l’accès à l’asile se restreint tandis que la mention du droit de la nationalité prend une place importante dans le programme de certains partis.

Vue de l'exposition permanente du palais de la Porte Dorée
Vue de l’exposition permanente du palais de la Porte Dorée

Avec la convention de Schengen, entrée en vigueur en 1995, un espace de libre circulation est défini entre certains pays européens, sans passeports ni contrôles. Néanmoins, en France, le durcissement des conditions de séjour et d’asile entraîne de nouvelles mobilisations. Les attentats du 11 septembre 2001 vont également renforcer la méfiance des Français envers les étrangers. Si la libre circulation bénéficie surtout aux Portugais et aux Italiens, les exilés des révolutions du Printemps arabe et des guerres en Libye dès 2011 reçoivent un moins bon accueil. De nombreuses images de migrants traversant la Méditerranée circulent depuis plusieurs décennies, et soulèvent de nombreux débats sans véritablement parvenir à installer une politique plus égalitaire. Dans le parcours, une œuvre de Barthélémy Toguo illustre ce « Bateau fragile », tandis que d’autres artistes contemporains, comme Kader Attia, questionnent le conformisme imposé par l’ordre capitaliste.

Palais de la Porte Dorée
293 avenue Daumesnil, 75012 Paris

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