Château-Rouge, avenue du Maine, place de la Bastille… Il n’est pas rare d’utiliser ces noms sans connaître véritablement leurs origines. Pourtant, à Paris, la toponymie a de nombreuses choses à nous apprendre sur l’histoire de la ville, et notamment sur ses anciens châteaux. En effet, si certains édifices ont entièrement disparu, ce sont les noms qui les font subsister dans les mémoires.
La Bastille
L’une des forteresses disparues les plus connues est sûrement celle de la Bastille, à qui l’on doit le nom de la célèbre place parisienne. C’est du côté de la rue Saint-Antoine que l’ancienne bastide a été construite dès 1370, pour renforcer la porte Saint-Antoine de l’enceinte de Charles V. Sur ordre du roi et sous la direction du prévôt de Paris Hugues Aubriot, le fort s’étend sur 66 m de long, et est entouré d’un large fossé alimenté par les eaux de la Seine. Il est aussi constitué de huit tours permettant de défendre l’Est parisien d’éventuelles menaces extérieures, tout en protégeant la résidence royale de tout soulèvement du peuple.
Au cours de son histoire, la bastide a été assiégée de nombreuses fois durant la guerre de Cent Ans, la Journée des barricades ou la Fronde de 1649. Elle a aussi été provisoirement transformée en prison à plusieurs reprises, notamment lors des guerres de Religion, jusqu’à ce que le cardinal de Richelieu en fasse officiellement une prison d’État. L’homme au masque de fer ou le marquis de Sade y ont alors été détenus. Détruite en 1789, elle est aujourd’hui connue comme un symbole de la Révolution française, à la suite de sa prise d’assaut par les républicains, le 14 juillet.
Le château de Grenelle
Au cœur de la plaine de Grenelle se trouvait une grande bâtisse, appartenant à l’abbaye de Sainte-Geneviève au cours du Moyen Âge. Elle comprenait un hôtel seigneurial, une chapelle, des étables, une grange, ainsi que des terres agricoles, et était reliée à Paris par l’actuelle rue de Grenelle. Dès le XVIIIe siècle, le domaine, qui s’agrandit d’un jardin à la française, fait alors 115 hectares. Il est finalement cédé au roi Louis XV afin d’y faire bâtir l’École militaire en 1753.
Avec la construction du mur des Fermiers généraux en 1788, la partie nord de la plaine de Grenelle entre dans la ville de Paris, tandis que sa partie sud est rattachée à la commune de Grenelle. Puis à la fin du XVIIIe siècle, le château devint un bien national, et est transformé en fabrique de poudre. Mais une tragédie va mener à sa destruction : le 31 août 1794, la poudrerie explose. Cette catastrophe cause la mort d’un millier de personnes et ravage l’ensemble du domaine, ainsi qu’une grande partie des édifices voisins.
Le château de Chaillot
Dans le fief médiéval de Chaillot, on trouve un manoir érigé sur une colline – à la place de l’actuel palais de Chaillot – qui fut acquis en 1542 par Hippolyte d’Este, archevêque de Lyon. Quelques décennies plus tard, la reine Catherine de Médicis achète elle-même cette bâtisse, ainsi qu’une partie du domaine du couvent des Minimes de Chaillot, situé dans les actuels jardins du Trocadéro. Elle y fait alors construire un château nommé “Catherinemont” dans un style antiquisant, avec des jardins en terrasse et une cour en forme d’hippodrome.
Au siècle suivant, la reine d’Angleterre Henriette de France, réfugiée en France, décide de confier le site de Chaillot aux religieuses de l’ordre de la Visitation, qui l’acquièrent en 1651. Une église et plusieurs bâtisses sont alors construites pour agrandir le domaine. Mais l’explosion de la poudrerie de Grenelle détruit l’ensemble des édifices en 1794.
Le château du Louvre
Entre 1190 et 1202, ce château fort a été construit à l’emplacement de l’actuel palais du Louvre par le roi Philippe-Auguste afin de renforcer l’enceinte autour de Paris. Bien que cette théorie soit contestée par la majorité, certains historiens disent que le nom « Louvre » proviendrait de la racine saxonne leovar, qui signifie « château ». À cette époque, la forteresse était composée de deux tours jumelles et entourée d’un fossé alimenté par la Seine. Au fil des règnes, elle sera agrémentée de nouvelles salles, d’escaliers à vis et de grands jardins. Le roi Charles V y fait aussi construire la première bibliothèque royale, composée de 900 manuscrits.
Au XVIe siècle, François Ier décide de faire du lieu sa principale résidence, et commande à l’architecte Pierre Lescot la construction d’un palais moderne de style Renaissance. Le donjon du château est alors détruit, puis progressivement, la façade est démolie pour laisser place au nouvel édifice. Toutefois, lors de la construction du musée du Louvre sous le président François Mitterrand, les bases du donjon et de murailles ont été dégagées. Plusieurs centaines d’objets ont aussi été découverts et sont aujourd’hui exposés dans les collections médiévales du musée.
Le Château Rouge
On estime qu’un petit manoir, dénommé « Château Rouge », aurait été construit entre 1775 et 1795 dans le quartier parisien qui lui doit son nom. L’édifice de style néo-classique servait de poste de commandement à Joseph, frère de Napoléon Ier, qui était chargé de défendre Paris contre la Sixième Coalition.
Puis, en 1847, le château est transformé en bal public connu du Tout-Paris, qui était surnommé « le bal du Château-Rouge ». Mais une quinzaine d’années plus tard, il devient passé de mode, et tombe en désuétude. De nouvelles constructions réduisent son parc, et ses salles sont occupées par la garde nationale pendant le siège de 1870. Finalement, le bal public ayant définitivement fermé ses portes en 1882, le bâtiment est entièrement détruit en 1889.
Le château du Maine
De ce château, on connaît aujourd’hui peu de choses, mais le nom subsiste. Situé dans l’actuel 14e arrondissement, il a donné son nom à la rue du Château et à l’avenue du Maine. Si une légende prétend que l’édifice a été construit pour le duc du Maine, on sait désormais qu’il était la propriété d’un critique littéraire dénommé Élie Catherine Fréron – bien connu pour être l’ennemi juré de Voltaire – de 1766 à 1778.
Ce petit château, qu’il appelait sa « Fantaisie », avait son entrée à l’actuel 142 rue du Château, et était entouré d’un vaste parc. À cette époque, il était situé dans la commune de Montrouge, essentiellement composée de plaines agricoles, d’élevages de lapins ou de moulins à vent. Bien qu’aucune gravure ne nous soit parvenue, certains textes nous indiquent que le château faisait 250 m2 de surface et possédait des dépendances, ainsi que deux pavillons à l’entrée. À la mort de Fréron, le domaine fut repris par différents propriétaires, dont le marquis Louis-Justin Talaru. Progressivement abandonné à la fin du XIXe siècle, il est entièrement démoli en 1898 pour réaliser de nouvelles constructions.
Le Grand Châtelet
Tout Parisien connaît le nom “Châtelet”. Mais la place est davantage connue pour sa station de métro que pour son ancien château. Pourtant, c’est à cet endroit qu’une forteresse a été édifiée par Louis VI. Dès le IXe siècle, les accès aux deux ponts reliant l’ÃŽle-de-la-Cité aux berges de la Seine étaient protégés par deux châtelets : le Grand Châtelet au nord pour contrôler le passage à l’actuel pont au Change, et le Petit Châtelet au sud, qui régulait celui du Petit-Pont.
Paris étant ensuite protégé par des murailles, la forteresse a ensuite été confiée au Prévôt de Paris. Les plus grands criminels y étaient alors enfermés. Mais à partir de 1802, en raison de sa vétusté et de ses mauvaises conditions de détention, le Grand Châtelet est progressivement démoli jusqu’en 1857.
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