En quelques mois, Marcel Petiot est passé de résistant venant en aide à ses patients et combattant de la libération de Paris, à tueur en série implacable et manipulateur. On vous raconte l’histoire de celui qui restera connu comme le “Docteur Satan” de la rue Le Sueur.
Découverte macabre au numéro 21 de la rue Le Sueur
Le 11 mars 1944 en milieu d’après-midi, les pompiers sont alertés par des voisins qu’une odeur nauséabonde s’échappe de la cheminée du numéro 21 de la rue Le Sueur, dans le 16e arrondissement. Ce bâtiment est l’hôtel particulier d’un certain Marcel Petiot, docteur en médecine qui y a établi son cabinet en 1941. Craignant qu’un feu soit à l’origine du dégagement de fumée, les pompiers entrent dans l’immeuble en fracturant une fenêtre. À l’intérieur, le constat est édifiant : un calorifère brûle des restes humains, des morceaux de cadavres jonchent le sol, des valises et effets personnels sont répandus dans la pièce. Les restes de 27 victimes et 72 valises sont retrouvés par les enquêteurs dépêchés sur place.
Des doubles portes, une chambre à gaz équipée d’un judas, un puits rempli de chaux vive… Tout l’attirail pour tuer quelqu’un et le faire disparaître se trouve dans cet immeuble . En temps normal, il n’y aurait eu aucun doute quant à la culpabilité du médecin, rapidement surnommé “Docteur Satan” par la presse. Sauf que nous sommes en mars 1944 et que la France est occupée par les Allemands depuis presque quatre ans. Aussi, Marcel Petiot a été arrêté et torturé quelques mois plus tôt par la Gestapo, soupçonné d’être un passeur. Une question se pose alors pour les enquêteurs : qui sont les victimes ? Des allemands assassinés par un patriote, des patients tués par un Docteur Jekyll plus vrai que nature, des juifs trompés par un médecin se faisant passer pour un passeur ?
Un piège bien huilé et des victimes en situation de détresse
Marcel Petiot est introuvable et les réponses tardent à arriver. Au fil de leur enquête, les policiers découvrent que l’homme est connu dans le milieu comme le Docteur Eugène, un bon samaritain qui aide les personnes menacées à quitter la France. Les prétendants, des juifs et des malfrats aisés, retrouvaient le médecin en pleine nuit, munis de leurs biens les plus précieux, et disparaissaient. En Argentine croyait-on alors.
Arrêté le 31 octobre 1944 à la station Saint-Mandé – Tourelle, l’homme n’aura qu’une défense tout au long de son procès : il a bel et bien tué, mais ses victimes étaient des criminels nazis et des “traîtres à la Patrie”. Une défense qui ne tient pas très longtemps. Lors d’une exposition au public des valises et vêtements retrouvés rue Le Sueur, la femme de Joachim Guschinow, un fourreur juif voisin du médecin, reconnait les effets personnels de son époux. Le 2 janvier 1942, ce dernier avait rejoint le docteur Petiot au milieu de la nuit afin qu’il l’aide à rejoindre l’Argentine. Personne n’entendra plus parler de lui.
D’autres effets personnels seront identifiés, dont ceux du petit René Kneller, disparu avec ses parents. Les policiers se rendent vite compte que la piste des criminels nazi ne tient pas et que la vérité est bien plus cruelle. Les victimes de Petiot étaient des personnes terrifiées par la Gestapo qui lui avaient accordé toute leur confiance. Le vrai visage du docteur, celui d’un homme manipulateur qui profite du chaos généré par la guerre, se révèle alors.
Le procès d’un homme instable au passé trouble
Né en 1897 à Auxerre, cet homme – doté d’un charisme et d’une situation professionnelle qui le placent au-dessus de tout soupçon – s’avère être aussi intelligent que pervers. Dans l’Yonne où il a vécu de 1921 à  1933, il s’était immédiatement placé en personnalité appréciée de la population et de ses patients. Marcel Petiot avait pourtant déjà fait plusieurs séjours en hôpital psychiatrique, été condamné pour vols et réformé pendant la Grande Guerre pour “déséquilibre mental”. Et lorsqu’il quitte Villeneuve-sur-Yonne pour Paris, c’est pour fuir la police locale qui le suspecte dans la mort de plusieurs personnes de son entourage. Déjà .
Le procès de cette personnalité au passé trouble débute le 18 mars 1946 à la Cour d’Assises de la Seine. Immédiatement, l’homme étonne par son bagout et sa capacité de manipulation. Alors qu’il était recherché par toutes les polices parisiennes, il n’a pas hésité à intégrer les Forces Françaises de l’intérieur pour se cacher sous une fausse identité. Habile, il grimpera les échelons très rapidement et sera affecté à la caserne de Reuilly en tant qu’officier chargé de l’épuration des traîtres et des collaborateurs, jusqu’à son arrestation le 31 octobre 1944.
Condamné à mort pour 24 des 27 assassinats pour lesquels il comparaissait, il est exécuté le 25 mai 1946 à la prison de la Santé. Au matin de son exécution, quand on lui demande s’il a quelque chose à déclarer, Marcel Petiot répond ironiquement : « Je suis un voyageur qui emporte ses bagages ».
À lire également : Les plus grands criminels parisiens au fil des siècles.
Cyrielle Didier