Elle est l’une des églises les plus anciennes de la capitale. Pourtant, cet édifice médiéval du Quartier latin reste méconnu d’un grand nombre de riverains. Construite vers 1160, en même temps que la cathédrale Notre-Dame de Paris, l’église Saint-Julien-le-Pauvre s’est métamorphosée au fil des siècles jusqu’à devenir la première paroisse affectée au rite grec melkite catholique dans la ville.
Trois saints pour une église
Tout comme la cathédrale Notre-Dame de Paris, l’église Saint-Julien-le-Pauvre a démarré son chantier vers 1160, ce qui en fait l’une des plus anciennes de la capitale. Une basilique y existait auparavant, mais elle a été détruite par les Vikings en 886. Bien que l’église que nous connaissons désormais est assez modeste, les sculptures de son chœur ont été inspirées par l’emblématique cathédrale, et pourraient potentiellement avoir été exécutées par les mêmes artistes.
Si l’on ne connaît pas le saint auquel ce monument était voué à l’origine, on sait que le lieu était autrefois un hospice pour les pèlerins. Cela expliquerait sûrement son nom, en référence au saint Julien L’Hospitalier, qui est représenté sur l’un des bas-reliefs de l’ancien portail : on le découvre sur une barque, faisant traverser le fleuve à un pauvre voyageur, avec l’hospice visible au second plan. Toutefois, la présence des reliques de saint Julien de Brioude dans l’église laisse supposer qu’il pourrait être le saint patron de l’édifice, tout comme le saint Julien du Mans, évoqué dans certains textes anciens. Face à ce doute, l’église a finalement été placée sous le vocable des trois saints, et a adopté le nom Saint-Julien-le-Pauvre en référence à son hospice pour les pauvres.
Une vie intellectuelle
Après la destruction des Vikings, une charte du roi Henri Ier ordonne en 1045 la restitution de l’église en ruine à l’évêque de Paris. Au début du XIIe siècle, son bénéfice est partagé par le chevalier Étienne de Vitry et Hugues de Monteler, qui le confient tous deux au prieuré clunisien de Longpont-sur-Orge. Vers 1160, les moines de Longpont lancent alors la construction de l’actuelle église, qui est achevée en 1170, bien avant la cathédrale Notre-Dame de Paris. Son plan reste simple et symétrique, avec une nef de quatre travées qui est voûtée d’ogives.
L’église a beau être plus modeste, elle devient le centre d’une grande activité intellectuelle. Comme son chevet se trouve près d’un des principaux lieux d’enseignement de l’Université de Paris, de nombreux lettrés, comme Dante ou Pétrarque, se rendent dans l’édifice pour prier ou pour suivre les cours d’Humanité et de Philosophie – les facultés étant en manque de locaux. Située sur une des routes du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle, l’église héberge aussi une cinquantaine de moines, et accueille les recteurs qui y tiennent leur chapitre.
De nombreux bouleversements
Mais l’église Saint-Julien-le-Pauvre connaît de nouveaux bouleversements. En 1524, une émeute se soulève dans la ville à la suite d’élections et l’édifice est vandalisé. Plus tard, en 1562, les troupes de Louis Ier de Bourbon-Condé détruisent le sud du diocèse de Paris lors de la première guerre de religion, et l’église se voit une nouvelle fois profanée. Lorsque le calme revient, les moines de Longpont décident de s’installer durant un temps dans leur prieuré Saint-Julien-le-Pauvre et entreprennent alors sa restauration. Mais lors de leur retour vers Longpont, l’église tombe peu à peu en ruines. L’Université de Paris ayant déménagé vers la montagne Sainte-Geneviève, celle-ci ne peut plus louer ses salles. Par manque de ressources, l’église périclite : le portail et le toit de la nef chutent, tandis que les bas-côtés commencent à se désagréger.
Une nouvelle fois, un chantier est lancé en 1651 avec le maître-maçon Bernard Roche pour sauver l’édifice médiéval : le bâtiment est alors raccourci de deux travées, une sacristie est créée et la façade est entièrement refaite. Au même moment, les administrateurs de l’Hôtel-Dieu souhaitent s’étendre sur la Rive gauche en achetant toutes les maisons comprises entre la Seine et la rue de la Bûcherie, dont l’église. Un traité final est alors signé le 30 avril 1653 et stipule que tous les biens du prieuré vont à l’Hôtel-Dieu, qui les emploie pour construire un hôpital pour convalescents baptisé Saint-Julien-le-Pauvre. En contrepartie, il doit assurer la continuité des célébrations et des messes dans l’église. Cet accord perdure durant plusieurs siècles jusqu’à la Révolution française, qui fait passer ces biens à l’état.
L’église à l’épreuve de la modernité
À partir de la Révolution française, l’église Saint-Julien-le-Pauvre est reconvertie en magasin à sel et l’Hôtel-Dieu la loue comme entrepôt de laine. Il faut attendre le 20 octobre 1826 pour que l’église redevienne un lieu de culte grâce à l’archevêque Hyacinthe-Louis de Quélen. Elle accueille alors des baptêmes, des offices d’enterrement, ou encore, les vÅ“ux religieux des sÅ“urs hospitalières de l’Hôtel-Dieu. L’activité est néanmoins limitée et ralentie, mais heureusement, l’édifice est classé aux monuments historiques en 1846, et aucune démolition n’est donc envisageable.
Malgré tout, sa fonction reste encore incertaine durant plusieurs décennies : on songe tantôt à en faire la dépendance du musée Carnavalet, ou encore un musée du Vieux-Paris. Puis, dans les années 1880, le père Alexis Kateb décide de ramener l’édifice à sa vocation première : en 1889, l’église est finalement confiée à la communauté grecque-melkite-catholique de Paris, pour fonder sa propre paroisse pour la première fois dans la capitale. Depuis, les messes continuent d’y être célébrées par les fidèles qui, selon Armand Le Brun, « vont y retrouver, avec les cérémonies de leur culte traditionnel, un appui, des consolations, un centre, un foyer national où ils pourront prier dans leur langue et s’entendre pour se prêter une assistance réciproque ». Néanmoins, l’édifice demeure relativement méconnu des Parisiens. Le 14 avril 1921, les artistes du mouvement Dada y organisent d’ailleurs un happening. Selon eux, cette église désertée et sans réelle utilité incarne bien l’idée de leur mouvement artistique.
Église Saint-Julien-le-Pauvre
1 rue Saint-Julien-le-Pauvre, 75005 Paris
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