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La Lanterne, la résidence présidentielle gardée secrète à Versailles

La Lanterne - © Elysée / Yvelines Infos

La Lanterne se fait très discrète. Son nom apparaît rarement dans la presse, ses quelques photographies se comptent sur les doigts de la main, et ses vues aériennes sont floutées sur les cartes en ligne. Pourtant, si le roi a quitté Versailles, le président a bien pris le relai dans cet édifice installé au sud du parc. Autrefois simple pavillon de chasse, cette résidence présidentielle s’est anoblie au fil des siècles, et demeure l’un des principaux lieux de villégiature du chef de l’État depuis le quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Un modeste pavillon de chasse

En 1760, le comte Philippe de Noailles, alors capitaine des chasses et gouverneur de Versailles, reçoit de la part de Louis XV une parcelle située au sud du parc, non loin de la ménagerie royale. Celle-ci détient alors un petit pavillon, composé de trois pièces réparties entre le rez-de-chaussée et le premier étage sous combles. Lorsque le domaine revient à son fils, le prince de Poix, celui-ci lance des travaux en 1787 pour agrandir le bâtiment et pouvoir en faire son lieu de vie. Le modeste pavillon gagne ainsi en surface, en se voyant agrandir de plusieurs pièces éclairées par trente-six portes-fenêtres donnant sur le parc. C’est cette importante luminosité qui aurait donné au lieu son nom de « Lanterne ». Une autre explication pourrait également être la présence d’un lanternon qui couronnait le pavillon de la ménagerie royale, aujourd’hui disparue.

Harold Donaldson Eberlein, Le pavillon de la Lanterne, 1926
Harold Donaldson Eberlein, Le pavillon de la Lanterne, 1926

Mais dès 1789, les révolutionnaires s’emparent de la résidence, désertée depuis quelques mois, pour en faire un bien national au même titre que le château de Versailles. Malheureusement, sous la Restauration, le pavillon est finalement récupéré par le roi Louis XVIII, en 1818. Celui-ci est occupé par différentes personnalités, telles que le directeur du haras de la Ménagerie, le baron Maurice de Hirsch ou le millionnaire James Gordon Bennett, avant de devenir la propriété du ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts en 1920.

Les dorures d’une résidence d’État

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’avenir de la Lanterne bascule. Devenue officiellement une résidence républicaine, le pavillon devient successivement le lieu de résidence du vice-président du conseil Félix Gouin, de l’ambassadeur français des États-Unis, David Bruce, et du président de l’Assemblée nationale, André le Troquer. À cette période, l’édifice est alors rénové, notamment pour installer des salles de bain et un chauffage central.

Capture d'écran de l'entrée de la Lanterne sur Google Maps
Capture d’écran de l’entrée de la Lanterne sur Google Maps

Finalement, en 1959, le général de Gaulle décide que la Lanterne devient une résidence de villégiature réservée au Premier ministre. À cette époque, Michel Debré s’y rend tous les week-ends, suivi d’André Malraux qui obtient l’autorisation d’y loger entre 1962 et 1969 après la destruction de son appartement par un attentat de l’OAS. La femme de lettres Louise de Vilmorin, qui fut la compagne du ministre de la Culture, a alors décidé d’une grande partie de la décoration intérieure toujours en place. Puis, dès 1988, Michel Rocard y ajoute une piscine et un court de tennis.

La fantaisie des présidents

Finalement, l’avenir de la Lanterne change de nouveau. Dès 2007, Nicolas Sarkozy décide d’en faire une résidence présidentielle, ce qui contribue à révéler l’existence du domaine auprès du grand public. Élu en tant que président de la République au mois de mai, celui-ci y passe son premier week-end et en fait l’une de ses principales résidences. C’est sous son quinquennat que le pavillon ouvre pour la première fois à la presse, en 2008, lors de la visite du Premier ministre britannique Gordon Brown. Au sein du parc de quatre hectares gardé par deux statues de cerfs, les journalistes y ont découverts un bâtiment d’un étage en forme de U : au rez-de-chaussée, on trouve une salle à manger, un bureau, un grand salon composé de meubles Louis XV et d’un piano à queue, tandis que cinq chambres avec salle d’eau se trouvent à l’étage. L’aile gauche est quant à elle réservée au personnel présidentiel, qui n’a aucune vue sur la piscine et le court de tennis.

Harold Donaldson Eberlein, Cheminée du XVIIIe siècle à la Lanterne, 1926
Harold Donaldson Eberlein, Cheminée du XVIIIe siècle à la Lanterne, 1926

En échange, le Premier ministre se voit attribuer le domaine de Souzy-la-Briche, qui était jusqu’ici réservé au président de la République. Ce fonctionnement est resté le même avec les successeurs, François Hollande et Emmanuel Macron, qui en font également un lieu de villégiature, précieusement gardé en toute discrétion, loin des agitations de la capitale.

Une place bien gardée

Si la Lanterne a gagné en réputation sous la présidence de Sarkozy, elle demeure encore bien secrète. Si la presse a pu découvrir exceptionnellement les lieux, celui-ci n’a jamais été ouvert au public, même lors des Journées du patrimoine. Le domaine de quatre hectares est cerné par un haut mur d’enceinte, tout survol y est strictement interdit, et les vues satellites demeurent quant à elles floutées sur certains sites de référence, tels que Google Maps. Et bien sûr, la porte qui permet d’accéder au parc du château de Versailles est hautement surveillée par des caméras.

Capture d'écran de la vue aérienne de la Lanterne (floutée) sur Google Maps
Capture d’écran de la vue aérienne de la Lanterne (floutée) sur Google Maps

Le pavillon, richement aménagé par Michel Rocard, est donc resté un lieu discret pour assurer la sécurité du président, mais aussi et surtout afin d’éviter les ébruitements autour de ses privilèges – comme cela était le cas autrefois pour le prince. En effet, en plus d’être une luxueuse résidence située à une trentaine de minutes en voiture de la capitale, la Lanterne garde en secret un grand nombre d’atouts : piscine, court de tennis, jardin privatif, ainsi que « la plus belle cave à vin » selon l’ancien Premier ministre Dominique de Villepin. Dans son Journal interrompu, Sylviane Agacinski, femme de Lionel Jospin, écrit quant à elle : « C’était pour moi comme si ce pavillon ancien […] nous mettait à l’abri du temps présent et des crises ». Un cadre de vie royal qui n’est pas donné à tout le monde.

Romane Fraysse

La Lanterne
Au sud du parc du château, 78000 Versailles

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Image à la une : La Lanterne – © Élysée / Yvelines Infos

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