Cet hôtel particulier du XVIIIe siècle fut le théâtre du mariage rocambolesque de Napoléon Bonaparte !

Par Alexandre M

Tous les monuments parisiens ne sont pas forcément repérables à des centaines de mètres au loin, indiqués bien à l’avance par un panneau ou évidents par la foule de curieux qui se pressent devant pour le découvrir. Pour découvrir certaines pépites du patrimoine parisien, il faut se renseigner bien à l’avance ou, tel un explorateur, avoir la “chance” de tomber dessus parce qu’on a choisi d’emprunter cette rue plutôt qu’une autre. C’est de cette manière que l’on peut par exemple découvrir un sublime hôtel particulier, caché parmi les immeubles haussmanniens depuis plusieurs siècles…

D’hôtel particulier à banque, en passant par le statut d’hôtel de ville

Au fil du temps, bon nombre d’hôtels particuliers, autrefois propriétés de riches hommes d’affaires ou de princes et barons, sont devenus de formidables bureaux pour des banques ou grandes entreprises. Si l’un des meilleurs exemples demeure assurément le Centorial, une construction digne d’une Exposition Universelle qui servit notamment de banque ou de décor pour des défilés de mode, une autre merveille se cache dans le 2ème arrondissement. Pendant longtemps, il était difficile de ne pas voir, en passant devant, l’inscription indiquant qu’il s’agissait du siège de la banque BNP Paribas. Mais derrière cette porte d’entrée monumentale se cache en fait un hôtel particulier dont l’origine remonte à 1720 : l’hôtel de Mondragon. Cette vaste bâtisse est construite dans le cadre de l’urbanisation du quartier de la place Vendôme. Commandité par Pierre Etienne Bourgeois de Boynes, trésorier général de la Banque royale, le bâtiment passe ensuite de mains en mains, comme celles de Duval de l’Epinoy, secrétaire du roi, avant d’être confisqué après la Révolution française pour devenir l’hôtel de ville de l’arrondissement. L’hôtel revient finalement à la famille de Mondragon en 1815, lors de la Restauration, et garde ses fonctions d’hôtel de ville jusqu’en 1835. La donne change en 1869, lorsque la bâtisse est cédée à la Banque de Paris et des Pays-Bas, devenue Paribas en 1982.

Un hôtel particulier caché parmi les bâtiments haussmanniens © Franck Genestoux

Une cérémonie de mariage qui interroge plus qu’elle ne fascine

Aujourd’hui inscrit aux Monuments Historiques, le bâtiment ne manquerait assurément pas d’histoires à raconter s’il pouvait parler. Car, aussi passionnantes qu’aient pu être les nombreuses opérations financières survenues du temps des banques, c’est assurément en tant qu’hôtel de ville que l’hôtel de Mondragon a vu passer du beau monde. Qui dit hôtel de ville dit en effet union civile, et c’est justement dans cet édifice du 2ème arrondissement que s’est déroulée l’union du couple le plus emblématique de France post-Révolution Française : Napoléon Bonaparte et Joséphine de Beauharnais. Le 9 mars 1796, c’est dans la salle des Mariages, qui existe toujours en l’état, qu’est célébré un mariage… aux multiples rebondissements. Joséphine de Beauharnais se présente à huit heures du soir alors que l’attendent ses témoins, Barras et Tallien, ainsi que Calmelet, le premier témoin de Bonaparte. Ce dernier n’arrivera qu’à dix heures, suivi de son second témoin, Le Marois. Si la cérémonie se déroule sans encombres, c’est l’acte de mariage qui se révèle être une étonnante curiosité. Un document truffé d’erreurs, puisqu’on y déclare que Bonaparte est né le 5 février 1768 au lieu du 15 août 1769, ce qui fait de lui un citoyen génois et non plus corse. Par ailleurs, il est nommé général en chef de l’armée de l’Intérieur alors que, depuis le 2 mars, il est général en chef de l’armée d’Italie. Enfin, il est domicilié rue d’Antin alors que sa résidence à cette époque est rue Neuve des Capucins.

Un bâtiment discret qui abrite toutefois quelques trésors

Quant à Joséphine, elle n’échappe aux erreurs de l’acte de mariage, puisqu’elle est tout simplement rajeunie de 4 ans conformément aux dates données par le contrat de mariage signé la veille. Enfin, la dernière irrégularité concerne le capitaine Le Marois, qui n’a pas l’âge requis pour être légalement témoin. Le mariage est cependant prononcé et c’est dans l’hôtel de Joséphine, rue Chantereine, que le couple passe sa nuit de noces. Les festivités seront d’ailleurs de courte durée puisque, le surlendemain, Napoléon se met en route à la tête de l’armée d’Italie. Du temps où l’hôtel de Mondragon est un siège de banque, le bureau du président, inaccessible au public, est d’ailleurs établi dans le salon du mariage de Napoléon et Joséphine. En plus de 2 plaques aujourd’hui apposées sur les murs extérieurs du bâtiment, on trouve encore dans ce bureau un buste de Joséphine par Chinard et la copie de l’acte de mariage délivrée en 1829, l’original ayant été détruit dans les incendies de 1871 lors de l’insurrection de la Commune. Le tout dans une décoration rocaille parfaitement conservée, avec des boiseries blanches rehaussées d’or et d’élégants stucs. Mairie jusqu’en 1834, l’hôtel de Mondragon vit également se dérouler les mariages de Marmont en 1798 et celui des parents de George Sand en 1804.