“Paris est une fête”, c’est bien ce que disait Ernest Hemingway, et pas seulement pour le titre de son autobiographie parue en 1964. Le célèbre écrivain américain, amoureux de la capitale, y a vécu quelques temps dès le début des années 20, où il côtoie du beau monde (Gertrude Stein, Scott Fitzgerald) et fréquente les plus beaux établissements, tels que La Closerie des lilas, la bibliothèque Shakespeare and Co. ou encore le Dôme. Des endroits qui font partie de l’histoire de Paris, où l’on s’attendrait à voir débarquer aujourd’hui Hemingway et compagnie. Charme historique, endroit de fête et accueil de personnalités : une description qui pourrait également correspondre à un célèbre hôtel parisien, la Païva. Vous ne connaissez pas ce majestueux hôtel ? Alors c’est parti, Paris ZigZag vous dit tout sur ce lieu incroyablement fastueux et festif !
Le rêve d’une femme ambitieuse
Pour attirer les curieux, un établissement doit d’abord miser sur un très bon emplacement. Et sur ce critère-là, on ne peut pas dire que l’hôtel de la Païva ait fait les choses à moitié, puisqu’il se trouve tout simplement sur la plus belle avenue du monde : l’avenue des Champs-Élysées, plus précisément au numéro 25. Classé au titre des monuments historiques en 1980, l’établissement se remarque immédiatement, malgré les autres bâtiments prestigieux de l’avenue, grâce à sa façade. Bien que masquée par un restaurant, cette devanture en pierre de taille de style néo-Renaissance décorée d’angelots dodus nous renvoie instantanément aux heures de la Belle Époque. Ce splendide hôtel particulier fut construit entre 1856 et 1865 pour Thérèse Lachman, alias la marquise de Païva, aventurière russe d’origine polonaise très modeste devenue marquise portugaise, puis comtesse prussienne. Épouse du comte prussien Henckel von Donnersmarck, multimillionnaire et cousin de Bismarck, la jeune femme avait un rêve bien précis : construire un somptueux hôtel avenue des Champs-Élysées.
Quand le Tout-Paris vient s’émerveiller de l’hôtel
C’est le 31 mai 1867 que la marquise de Païva fait enfin la crémaillère de son hôtel rêvé. La finalisation d’un projet qui a tout de même duré dix ans et alimenté bon nombre de rumeurs : un budget de 10 millions de francs or (alors que le salaire mensuel d’un ouvrier à l’époque s’élevait à 50 francs) ? Qui est vraiment cette énigmatique marquise ? Née à Moscou en 1819 dans le ghetto juif, Esther Lachmann a connu des années de quasi-misère, avant que sa chance tourne lorsque le pianiste Henri Herz s’entiche d’elle. Lui permettant de sortir de sa condition difficile, cette rencontre lui ouvre surtout les portes du milieu intellectuel où elle fait la rencontre de Richard Wagner, Franz Liszt ou encore Théophile Gautier. Après une fin de relation abrupte, la jeune femme épouse se sépare aussitôt d’un pseudo-marquis portugais qui lui laisse nom et titre : la voici désormais marquise de Païva. Longtemps exclue des salons aristocratiques du fait de son parcours singulier, la comtesse prend ainsi sa revanche avec son hôtel particulier, en recevant désormais des gens célèbres : les frères Goncourt, Théophile Gautier, Léon Gambetta, Ernest Renan, Hippolyte Taine, Émile de Girardin…
Une demeure royale en plein cœur de la capitale
À l’image de son parcours personnel, la marquise de Païva veut atteindre la perfection avec son hôtel particulier. L’objectif est clair : impressionner le moindre visiteur dès qu’il pénètre au sein de cet établissement prestigieux. Mission réussie d’emblée avec l’escalier en onyx jaune d’Algérie, extrait d’une carrière romaine redécouverte en 1849 près d’Oran par un marbrier, et unique au monde. De plus, comment ne pas être émerveillé devant la majestueuse cheminée verte en malachite réalisée par Barbedienne, ou par les sculptures de Dalou ou de Carrier-Belleuse. Au plafond, on peut également admirer le Jour pourchassant la Nuit, une œuvre de Baudry, artiste connu pour ses décors de l’opéra Garnier ou du château de Chantilly. Des nymphes dénudées et des amours en supplément viennent ajouter une ambiance quasi-érotique à la gloire de la marquise. Ce qui ne manquera pas aux frères Goncourt, qui méprisent l’endroit, de dire que la demeure est tout simplement “le Louvre du cul”. Mais qu’importe ! Outre le grand salon de réception, la salle à manger ou la chambre, la salle de bains d’inspiration mauresque impressionne aussi, notamment grâce à sa baignoire en argent, dont on dit que le troisième robinet aurait été prévu pour déverser des flots de champagne. Rien que ça !
Un morceau du Paris d’antan à découvrir d’urgence
La popularité de la marquise et son hôtel ne faiblissent pas jusqu’à l’année 1877, lorsque la marquise est soupçonnée d’être une espionne à la solde de Bismarck, au lendemain de la guerre franco-prussienne. Elle quitte alors la France pour se retirer au château de Neudeck en Pologne, où elle y meurt le 21 janvier 1884. Fermé pendant plusieurs années, l’hôtel est finalement vendu par le comte von Donnersmarck en 1893 à un banquier. Un restaurant réputé dans lequel le Tout-Paris se retrouve est alors installé mais, en dépit de sa renommée, l’établissement ferme ses portes en 1898. Il faut attendre 1903 pour que le Travellers Club, célèbre gentleman’s club, s’y installe, avant de faire l’acquisition des lieux en 1923. De quoi permettre au majestueux hôtel de la Païva de perdurer encore aujourd’hui. Pour admirer ses moindres charmes, l’établissement peut se découvrir le week-end grâce à des visites guidées. De quoi s’imaginer, le temps d’un instant, au cœur des plus belles fêtes parisiennes d’antan !
Hôtel de la Païva
25 avenue des Champs-Élysées
75008 Paris
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Image à la une : Hôtel de la Païva @ginacharma