
Henri Matisse, Niki de Saint Phalle, Joséphine Baker ou Alberto Giacometti… On a pour habitude de contempler leurs œuvres dans les musées ou dans les cinémas, mais qu’en pensent les principaux concernés ? À travers dix rares extraits d’entretiens, on découvre ainsi les voix et les visages de ces artistes qui ont bouleversé le XXe siècle.
Henri Matisse
Cette courte vidéo présente Henri Matisse en train d’esquisser un portrait dans son atelier. Le peintre fauve, dont il n’existe que de rares entrevues filmées, défend ainsi une réconciliation entre la peinture et le dessin, faisant taire l’opposition historique entre la ligne et la couleur : « Moi, je crois que la peinture et le dessin, c’est la même chose. Le dessin est une peinture faite avec des moyens réduits ».
René Magritte
Dans cette interview de 1965, René Magritte évoque ses souvenirs d’enfance, en particulier sa rencontre mystérieuse avec un peintre en train de peindre près d’un cimetière où il allait jouer : « Un jour, j’ai vu un peintre qui besognait, et ça m’a fait beaucoup d’impressions ». En partageant cette vision, ainsi que ses diverses influences et amitiés, Magritte revient sur son apprentissage artistique, son amour pour Giorgio de Chirico, ou sa recherche plastique motivée par son « sentiment du mystère ».
Alberto Giacometti
Interviewé dans son emblématique atelier parisien, Alberto Giacometti reconnaît vouloir « en finir avec la sculpture ». Obsédé par l’idée de saisir l’essence des choses qu’il perçoit, l’artiste raconte un choc esthétique ressenti au cinéma des Actualités de Montparnasse : « Je ne voyais plus les images sur l’écran, mais simplement des taches qui bougeaient, et les personnes assises à côté, c’était comme si je les voyais pour la première fois ». Le sculpteur explique alors cette recherche incessante, et son rapport à l’œuvre comme un moyen de parvenir à une vérité.
Niki de Saint Phalle
« Ah, j’ai l’impression que j’ai affaire à un antiféministe ! Alors une femme devrait peindre des bouquets de fleurs ? Moi je préfère faire des accouchements ». Dans cette interview de 1965, Niki de Saint Phalle défend corps et âme la féminité de son art, face aux questions quelque peu maladroites du jeune réalisateur Roger Kahane. Au sein de son atelier, on découvre plusieurs œuvres en cours de création : « Ce qui m’intéresse, c’est exprimer une certaine poésie que je sens en moi », mais aussi « les problèmes de la femme d’aujourd’hui ».
Salvador DalÃ
On ne s’étonne plus de la personnalité extravagante que Salvador Dalà ne se lasse pas d’interpréter lors de ses interventions publiques. Dans cet entretien de 1958, celui-ci évoque une « nouvelle renaissance spirituelle ». Il se présente alors comme l’artiste le plus important de la création contemporaine, qu’il n’hésite pas à qualifier de désastreuse comparé à la Renaissance italienne : « Mon œuvre picturale est une grande catastrophe […] Ça paraît paradoxal de penser d’un côté que je suis le plus grand génie, et de l’autre côté que ma peinture est très mauvaise ». L’artiste poursuit en évoquant sa « mystique nucléaire », son rapport avec le cinéma, ou encore de la personnalité supérieure de « Dalà ».
Marc Chagall
À la question « Pouvez-vous donner un conseil à un jeune peintre ? », Marc Chagall répond qu’il n’y a pas de conseil à donner : « Quand quelqu’un a quelque chose à dire, il y a une chimie psychique, physique, plastique, il ne demandera pas de conseil ». On découvre aussi le témoignage de plusieurs de ses proches, dont Valentina Brodsky, alias Vava, sa dernière épouse.
Françoise Gilot
Exilée aux États-Unis après sa rupture ombrageuse avec Pablo Picasso, Françoise Gilot a fait une carrière outre-Atlantique à défaut d’être reconnue par son pays natal. Cela se remarque jusque dans les archives vidéo concernant la peintre : la grande majorité des interviews françaises s’intéressent à son couple avec le Minotaure et n’évoquent que très rarement ses œuvres. Il faut donc se tourner vers des entretiens enregistrés dans son atelier, au cœur de New York, pour l’entendre évoquer ses œuvres, et son processus de création : « il faut mettre l’énergie de son être au sein des peintures. C’est le plus important ».
Joséphine Baker
Cette émission télévisée du 18 mars 1968 est dédiée à Joséphine Baker, chanteuse et danseuse qui a marqué la France de l’entre-deux-guerres, mais aussi résistante récompensée de la Légion d’honneur. Dans cet échange très enjoué, celle-ci revient alors sur sa première apparition au music-hall à New York, son succès aux Folies-Bergères à Paris et les réactions hostiles qu’elle a reçu. Une entrevue qui retrace une histoire hors du commun, au cours de laquelle Baker s’illustre avec son caractère bien trempé comme une véritable humaniste.
Georges Braque
De Georges Braque, on connaît en vérité peu de choses. Le cubisme, habituellement associé à l’imposant Picasso (que l’on peut aussi voir filmé par Georges Clouzot dans Le mystère de Picasso), est pourtant le fruit d’une recherche commune avec Braque. Dans ce reportage, l’artiste réservé partage quelques-unes de ses réflexions tout en fuyant la caméra. Humblement, celui-ci cherche à faire réagir sans vouloir imposer une école : « Il s’agit de ne convaincre personne. Ce qu’il faut surtout, c’est forcer à réfléchir ».
Agnès Varda
Dans cet entretien, la jeune Agnès Varda revient sur son premier long-métrage, La Pointe courte. Celle-ci reconnaît avoir voulu faire un film « qui n’est pas tellement agréable à voir, mais auquel on pense beaucoup après ». Son engagement, en tant que cinéaste, est de réveiller la sensibilité du spectateur, lui faire prendre conscience des subtilités du monde qui l’entoure : « Le cinéaste doit être habile », défend-elle.
Romane Fraysse
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