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L.T.Piver, les racines de la parfumerie de synthèse en France

Usine L.T.Piver à Aubervilliers

L’histoire de la parfumerie remonte quasiment aux origines de l’humanité ; peu importe la civilisation, l’Homme a toujours cherché à sentir bon ou à couvrir son odeur naturelle par divers processus – un parcours d’ailleurs intimement lié à celui des cosmétiques en général.

Racines, bulbes, fleurs, mais aussi pierres, encens, savons… Une multitude de procédés existent, dont certains remontent même au temps des sumériens ! Aujourd’hui, la rédaction de Paris Zigzag a choisi de se pencher sur l’histoire de la maison L.T.Piver, pionnière parisienne en matière de parfums de synthèse.

À la Reine des Fleurs, point de départ d’une grande histoire

Tout commence par une enseigne au doux nom caractéristique : “À la Reine des Fleurs“. À l’origine de celle-ci, le maître gantier et parfumeur versaillais Michel Adam. L’homme donne naissance à son eau de toilette À la Reine des Fleurs (agrumes, épices frais, lavande, thym, romarin) en 1774, puis monte sa propre affaire dans un même souffle.

L.T.Piver, le Krisma des Sirènes
Geneanet – page de Louis Toussaint PIVER

Spécialisé dans les essences destinées aux pièces vestimentaires du beau monde, ce premier parfum à part entière va marquer un tournant pour un homme aux ambitions pourtant humbles. Michel Adam parvient à envoûter la Cour de Louis XVI et à se faire un nom grâce à son Essence vestimentale (lavande, épices, herbacés), qui séduit aussi bien ces messieurs que ces dames.

Une passation déterminante

En 1805, Pierre-Guillaume Dissey succède à Michel Adam aux commandes de l’entreprise familiale. Cousin du fondateur, il embauche un jeune Louis Toussaint Piver en 1809… Une décision qui va façonner la suite du parcours de La Reine des Fleurs.

A la Reine des Fleurs - L.T.Piver
Geneanet – page de Louis Toussaint PIVER

Erudit et doté d’une bonne connaissance de la chimie, le jeune Louis apporte un regard nouveau sur le maniement des essences et la confection des parfums. L’alliance entre Dissey et Toussaint Piver est actée en 1813 et donne lieu à un remodelage de l’image de la marque, qui étend peu à peu ses ambitions jusqu’à offrir à sa clientèle une large gamme de produits cosmétiques.

À la conquête du monde

Usine L.T.Piver à Aubervilliers
© Département de la Seine-Saint-Denis

Flacons élégants et affiches raffinées contribuent à projeter l’enseigne, qui devient un symbole du chic de la Cour et de Paris dans le monde entier. Cette incarnation du luxe à la française commence d’ailleurs à s’exporter très tôt, puisque l’entreprise s’installe également à l’étranger dès 1817. Petit à petit, La Reine des Fleurs prend racine à New-York, à Mexico, à Moscou et même à Hong-Kong, s’imposant comme l’un des incontournables en matière de parfums et d’eaux de toilette.

Un nouveau départ – L.T.Piver

À La Reine des Fleurs semble au point culminant de son ascension, mais il n’en n’est rien. L’année 1823 viendra clore un chapitre et en ouvrir un nouveau ; Pierre Guillaume Dissey s’éteint, laissant le destin de la maison mère entre les mains de Louis Toussaint Piver. La Reine des Fleurs se rebaptise dans la foulée, et prend le sobre nom de L.T.Piver. À l’époque, l’équipe compte d’ailleurs Pierre Guerlain dans ses rangs, qui créera sa propre maison en 1828.

L.T.Piver, affiche de la boutique à Bruxelles
Calame, A., Dessinateur – Imprimerie Lemercier, Imprimeur | Entre 1852 et 1870
19e siècle
© Musée Carnavalet, Histoire de Paris

La même année, le succès toujours bien présent de L.T.Piver lui vaudra de se voir discerné le titre de fournisseur officiel de la Cour par Charles X. Un accomplissement doux-amer qui va servir de nouveau tremplin à Louis Toussaint Piver, qui décide de rebondir et de s’entourer d’une nouvelle équipe pour parer aux impératifs de sa fonction. En 1860, Piver possède dorénavant trois usines et cinq boutiques, consolidant son statut d’élite de la parfumerie française. Louis Toussaint Piver s’éteint en 1877 à Paris, laissant L.T.Piver entre de bonnes mains.

Vers les premières essences de synthèse

Important mécène du XXe siècle, Jacques Rouché rejoint L.T.Piver et en devient même l’administrateur courant 1896, bien après le décès de Louis Toussaint Piver. Seulement, son influence ne va pas se limiter à un pur rôle de gestion, car lui et Louis Toussaint Piver avaient une vision commune. L’avenir du parfum repose sur la chimie, qui permettra de grandes choses.

Le Trèfle Incarnat, parfum et poudre conservés au musée Fragonard à Paris
© Musee Fragonard | Le Trèfle Incarnat, parfum et poudre dans leurs étuis d’origine

Il décide alors de faire un pari ambitieux en embauchant Auguste Georges Darzens, un scientifique de profession qui se cherche encore à l’époque. Celui-ci est à l’origine de la synthétisation du salicylate d’amyle, qui deviendra l’un des ingrédients clés du parfum Trèfle Incarnat pour son odeur estivale et herbifère. Cette percée en la matière lui ouvre les portes du laboratoire de recherche de L.T.Piver, dont il prendra la direction de 1897 à 1920.

En parallèle, Rouché continue à exporter la marque à l’étranger : c’est la consécration. Aux côtés des parfums et gants, il fait une place à divers produits d’hygiène, savons, poudres et même cartes et éventails parfumés font leur apparitions dans les étalages des boutiques, tandis que les clients prestigieux s’enchaînent. Aux rois ont succédés les empereurs, et même une certaine Sarah Bernhardt. En 1901, Jacques Guerlin crée un parfum pour Piver, la Fleur Qui Meurt.

L’usine de la Villette – Aubervilliers

Tandis que la marque continue à s’exporter à l’étranger, une usine en particulier se démarque des autres pour sa place centrale dans la production de L.T.Piver. Il s’agit de l’usine située au 57 rue de Flandres à Aubervilliers, devenue le 151 – 153 avenue Jean-Jaurès. Au fil des années, L.T.Piver a continué à y acquérir toujours plus de terrain, pour finalement y faire bâtir les structures qui demeurent de nos jours par l’architecte Georges Roussi et son gendre, Jacques Bonnier.

Bâtiment L.T.Piver à Aubervilliers
© Département de la Seine-Saint-Denis

Appréciées pour leur aspect typique du rationalisme constructif et le jeu de couleur entre ciment, briques et touches de blanc, ces bâtiments attirent l’attention de la Société de La Tour Eiffel, qui les acquiert en 1999. En 2022, l’entreprise signe un contrat d’occupation temporaire des bâtiments auprès de l’organisateur Manifesto, qui en fera un tiers-lieu artistique et culturel en banlieue pour les deux années à venir.

Aujourd’hui, la maison L.T.Piver compte parmi les plus ancienne parfumeries françaises encore en activité, et elle le doit en grande partie aux nombreuses figures marquantes qui ont contribué à son ascension. Désormais, l’avenir de L.T.Piver est entre les mains de Nelly Chenelat, passionnée par le domaine et qui détient également l’enseigne E.Coudray.

Crédit image à la une : © Département de la Seine-Saint-Denis

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