Depuis son ouverture en 2021, la Bourse de commerce fait beaucoup parler d’elle. Ce spectaculaire édifice circulaire situé dans le quartier des Halles regroupe les œuvres de 350 artistes internationaux appartenant à la célèbre collection Pinault. Mais d’où vient ce curieux nom, qui se rend témoin de la riche histoire de l’édifice ?
L’histoire d’un lieu et ses fantômes
Au Moyen Âge, ce vaste terrain accueillait la demeure d’une lignée de seigneurs, avant d’être transformé en couvent des filles repenties. Dès 1572, Catherine de Médicis décide d’abandonner son palais aux Tuileries, et prend pour domicile un hôtel voisinant l’édifice. Faute de place, la régente l’agrandit de plusieurs bâtiments et fait déplacer le couvent pour installer un vaste jardin devant sa nouvelle demeure, que l’on nomme « l’hôtel de la Reine ». Mais après de nombreux problèmes de succession, la propriété est entièrement détruite en 1748. De cette époque, il ne reste désormais plus que la colonne astronomique cannelée, appelée « colonne Médicis », que l’on peut voir accolée à l’actuel bâtiment de la Bourse de commerce. Restée bien mystérieuse, elle est supposée avoir servi aux observations de l’astrologue personnel de la reine, le florentin Côme Ruggieri.
A partir de 1763, il est décidé qu’une halle au blé serait installée non loin de la Seine pour faciliter le commerce. L’architecte Nicolas Le Camus de Mézières est alors en charge du projet. Sur les terrains de l’ancien hôtel de la Reine, il conçoit un bâtiment circulaire comprenant deux galeries concentriques ouvertes sur l’extérieur par 24 arcades. Celles-ci renfermaient les locaux de la police, et permettaient d’effectuer le contrôle des poids et mesures, ainsi que les statistiques de vente. Deux escaliers tournants menaient ensuite à un vaste grenier, où les grains étaient conservés. Les passages étaient alors clairement établis, l’un étant dédié aux négociants quand l’autre était réservé aux portefaix.
Un exploit architectural
A l’époque de sa construction, l’architecture de la nouvelle halle au blé fascine le tout-Paris. Comme la plupart de ses contemporains, Nicolas Le Camus de Mézières admire les édifices antiques circulaires tels que le Panthéon ou le Colisée. Pour concilier les différents besoins, le bâtiment est à la fois conçu avec une ouverture sur l’extérieur permettant de juger la qualité des marchandises, et un grenier voûté afin de les protéger des intempéries. Avec une circonférence de 122 mètres, entourant une belle cour à ciel ouvert, l’architecte souhaite concevoir son bâtiment comme un immense théâtre classique dont les différents décors se rassemblent en une seule action, celle du commerce. Majestueux, l’édifice circulaire devient un véritable monument public au cœur de la capitale. L’historien de l’art Michel Gallet précise ainsi qu’il « fut accueilli comme le symbole d’un gouvernement paternel et d’une administration prévoyante, comme un témoignage du zèle municipal pour le bien public. L’activité dont elle était le théâtre enseignait au peuple que l’abondance est la récompense du travail ».
Mais les nombreuses ouvertures du bâtiment ne permettent pas d’assurer une bonne conservation des grains. En 1783, les architectes Jacques-Guillaume Legrand et Jacques Molinos décident alors de construire une immense coupole, haute de 38 mètres. Un véritable exploit, qu’il n’était pas rare de comparer au dôme de la basilique Saint-Pierre de Rome. Malheureusement, cette prospérité tend peu à peu à décliner. Un important incendie ravage la coupole en 1854. En parallèle, l’effondrement des cours du blé contraint la halle de fermer. En 1885, ce prestigieux bâtiment situé en plein centre de la capitale est alors transformé en bourse de commerce, où circulent céréales, huiles, alcools et caoutchoucs. Pour redéfinir ce nouvel espace, l’architecte Henri Blondel décide de conserver l’impressionnante structure circulaire, mais reconstruit la coupole en fonte et en cuivre. Un parti pris moderne qui n’est pas au goût de tous, Victor Hugo la comparant ainsi à une vulgaire casquette de jockey.
Inauguré lors de l’Exposition universelle de 1889, l’édifice est alors décoré d’un immense portique encadré par quatre colonnes corinthiennes cannelées. Celles-ci sont surmontées de trois sculptures néo-Renaissance conçues par Aristide Croisy, représentant l’Abondance et le Commerce. L’intérieur est quant à lui orné d’une fresque monumentale dans la partie inférieure de la coupole. Réalisée par cinq peintres entre 1886 et 1889, cette œuvre de 140 mètres de long fait l’apologie du commerce international entre les cinq continents. Dans un style réaliste, typique de l’académisme de la IIIe République, cette fresque dérange aujourd’hui par sa mise en valeur de la colonisation, alors importante à l’époque.
L’éveil d’un centre d’art
Au cours du XXe siècle, les marchés à terme s’ouvrent progressivement sous la grande coupole. Mais les débuts de l’informatisation laissent peu à peu l’espace vacant. Occupé par la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, l’édifice se métamorphose sans réellement définir son rôle, devenant tour à tour un centre d’aide aux entreprises, un espace d’exposition, un bureau de vote ou un lieu associatif.
C’est en 2016, sous l’initiative de François Pinault et de la mairie de Paris, que le bâtiment est officiellement converti en centre d’art contemporain. Réparties sur 3 000 m2, les salles accueillent près de 10 000 œuvres appartenant à l’importante collection de l’homme d’affaires. Pour ce nouveau projet, l’architecte Tadao Andō réalise une grande coursive intérieure de béton afin d’observer l’immense fresque. Le sous-sol est quant à lui investi d’un grand studio permettant d’accueillir une riche programmation ponctuée de performances, de projections et de conférences dynamisant le cœur de Paris.
Romane Fraysse
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