Si les Parisiens ont tous en tête les manifestations étudiantes de mai 68, ou plus récemment celles de 1995, il faut remonter à bien plus loin pour trouver les premières traces de contestations estudiantines. Ironie de l’histoire, c’est dans le quartier latin, il y a 790 ans, que s’exprime pour la première fois la colère des étudiants !
A l’origine, une bagarre dans une taverne…
Dans une taverne du faubourg Saint-Marcel, non-loin de notre actuel quartier de la Sorbonne, les étudiants aimaient se retrouver et festoyer jusqu’au bout de la nuit. Toutefois, en 1229, une bagarre éclate entre les tenanciers d’une taverne et les étudiants, en réaction à une supposée augmentation du prix du vin. Les échauffourées durent toute la nuit, recommencent le lendemain, et embrasent tout le quartier latin ! Les sergents du guet – les ancêtres de notre police – arrivent sur les lieux et répriment férocement les étudiants : 300 étudiants auraient été jetés dans la Seine et d’autres poignardés. C’est une ambiance de guerre civile qui saisit tous les quartiers sud de la capitale.
La grève… des professeurs
Face à cette répression d’une violence inouïe, les professeurs de l’université de Paris manifestent leur solidarité avec les étudiants. Si, à l’époque, l’université ne possède pas de bâtiments propres -les cours sont dispensés par les professeurs directement chez eux- les professeurs jouissent d’une charge importante, et sont garants du prestige de la ville de Paris. Peu à peu se font jour de nouvelles revendications émanant des professeurs et des étudiants, notamment en ce qui concerne l’autonomie dans la gestion des affaires de l’université.
En réaction au refus de Blanche de Castille (la régente de France) de céder aux revendications des étudiants, les professeurs de Paris usent dans un premier temps de la cessatio, c’est à dire de l’arrêt de travail. Puis, beaucoup d’entre eux s’exilent dans les universités rivales d’Oxford et de Bologne : c’est la fuite des cerveaux parisiens à l’étranger. Paris pâtit alors d’une image désastreuse.
Pour remédier à cette crise d’une ampleur extraordinaire, le pape Grégoire IX intervient et fulmine une bulle, en 1231, qui donne officiellement le droit de grève aux professeurs et garantit les droits de ses étudiants. A partir de cette date, les professeurs et les étudiants auront le droit de se mettre en grève si l’un d’entre eux est victime d’un abus de justice ou d’une arrestation expéditive.
Ce droit de grève ouvre une brèche et bouleverse les relations entre le pouvoir royal et l’université de Paris. Grâce à ce droit obtenu de haute lutte, les professeurs et les universités gagnent en influence et font lever certaines censures : grâce à ce nouveau rapport de force institué par les professeurs, les textes d’Aristote seront peu à peu considérés comme des objets d’étude à part entière, alors qu’ils étaient jusqu’à présent interdits par l’Eglise catholique.
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