La brève culture*
On aurait pu croire que ce produit désinfectant devait son nom à un certain Monsieur Javel ou à un village français. Il n’en est rien, l’eau de Javel puise bel et bien son origine à Paris.
Bien avant d’être un quartier du 15e arrondissement, il existait un village près de la Seine, le village de Javel. Grâce à son moulin à vent et sa guinguette, l’endroit devient vite attractif au 17e siècle en attirant les pêcheurs et les baigneurs. En 1784, le village accueille une manufacture de produits chimiques, située près du “Moulin de Javelle”. Cette entreprise est pour le moins prestigieuse puisque les propriétaires ne sont autres que des nobles, proches du frère de Louis XVI, le Comte d’Artois. La manufacture est destinée aux lavandières, plus communément appelées blanchisseuses. À cette époque, elles étaient nombreuses sur les bords de Seine.
Provenant du latin populaire gabella, la “javelle” est un mot d’origine gauloise. Si l’on se fie au sens, ce mot désigne “ce qu’on rassemble par poignées”. Une définition qui prend tout son sens ici puisque, pendant le nettoyage du linge, les lavandières battait le linge avec une poignée de branches, ce qui permettait d’extraire le plus d’impuretés possibles du textile.
L’histoire de cette manufacture va prend une tournure plus importante avec l’arrivée de Claude-Louis Berthollet, chimiste et médecin du duc d’Orléans. Ce dernier s’intéresse au blanchiment du linge grâce à l’action de l’oxygène de l’air. Il cherche alors à reproduire artificiellement ce travail de la nature. Pour y parvenir, Berthollet utilise en 1785 l’eau de chlore pour ses propriétés blanchissantes. Dans son travail, il est aidé par les Directeurs de la Manufacture, Alban et Vallet, qui décident de dissoudre le chlore dans une solution de potasse particulièrement adaptée au blanchiment du linge. La “liqueur de Javel” est née, et deviendra ensuite l’Eau de Javel.
Le succès est en marche et la manufacture fabrique uniquement son Eau de Javel. L’usine travaille même à plein régime pendant la Révolution. Elle ne cesse de s’agrandir et compte même en 1875 près de 200 ouvriers. Un succès qui ne sera malheureusement pas éternel puisque la manufacture disparaît entre 1885 et 1889. Elle est vite remplacée par les aciéries de France et les entrepôts et magasins généraux de Paris, lesquels cèdent rapidement la place aux usines Citroën en 1915. Aujourd’hui, difficile de reconnaître le petit village mais il reste toujours la station de métro Javel-Citroën pour en témoigner.
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* Il y a des questions sur Paris dont on aimerait bien avoir la réponse. Que ce soient des interrogations importantes sur la capitale, son histoire ou ses bonnes adresses ou des mini-informations à picorer dont on peut se servir pour briller en société. Avec ses « Le saviez-vous », Paris ZigZag essaie de lever le mystère sur tout ce que l’on a toujours voulu savoir sans jamais oser le demander…