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Connaissez-vous les “munitionnettes”, ces femmes qui ont joué un rôle majeur à Paris pendant la Première Guerre mondiale ?

Parc André Citroën © Ballon de Paris Generali

Moins de 50 ans après la Guerre de 1870 et la Commune de Paris, la capitale subit, tout comme la France dans son intégralité, un conflit aux conséquences terribles : la Première Guerre mondiale. 10 millions de morts parmi les combattants, auxquels il faut ajouter des millions de morts directes ou indirectes parmi les populations civiles, cette Grande Guerre reste un souvenir terrible. Durant le conflit, Paris connaît des mouvements de population inédits. Le centre de commandement du camp retranché, le gouvernement militaire et le retour du gouvernement dans la capitale en font le centre des communications de commandement de toutes les forces armées tandis que le flux des soldats français ou alliés revenant du front ou partant vers se conjugue avec le retour des blessés et des mutilés.

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Les femmes, dernier espoir de l’industrie française

Si les combats n’ont pas lieu à Paris même, ils sont bien présents dans les têtes, les rues et les moindres recoins de la capitale. Véritable bouleversement sur le plan démographique ou économique, la Première Guerre mondiale l’est aussi pour Paris sur le plan industriel. Deux semaines seulement après le début du conflit le 2 août, 3,7 millions d’hommes abandonnent leur poste pour servir leur patrie. L’industrie perd alors un quart de sa main-d’œuvre et, dès la mi-août, la moitié des usines françaises est à l’arrêt. Obligées de remplacer les centaines de milliers d’ouvriers partis au front, les usines prennent la décision, pour continuer leurs activités, d’engager de la main-d’œuvre féminine entre 1914 et 1918. Une décision historique, que beaucoup qualifient comme une première étape vers l’émancipation, qui voit apparaître des héroïnes du quotidien : les “munitionnettes”. Pour assurer le bon fonctionnement de l’industrie de guerre mise en place à l’automne 1914, et qui voit des compagnies comme Pathé ou les usines Renault de Boulogne-Billancourt fabriquer des lunettes de protection ou des obus, les femmes deviennent le dernier recours de la France. Un constat d’autant plus vrai que, avant de faire appel à elles, des civils trop jeunes ou trop vieux pour combattre et des travailleurs étrangers et coloniaux ont été appelés avant. Mais en vain… Dès novembre 1915, les premières circulaires ministérielles incitant les industriels à employer des ouvrières dans leurs usines sont déployées.

Des ouvrières travaillant sur le montage de fusées © CERPI
Des ouvrières travaillant sur le montage de fusées © CERPI

Des ouvrières qui ont joué un rôle majeur dans le dénouement de la guerre

Une décision considérée comme gagnant-gagnant : d’un côté, les industries peuvent compter sur encore plus de main d’œuvre et ainsi continuer à fournir du matériel à l’armée et de l’autre, des femmes seules devant désormais subvenir aux besoins de leurs familles voient ces propositions d’emplois comme une belle opportunité financière. Déjà présentes dans les usines, dans les secteurs du luxe, du textile, dans les conserveries et à des postes d’emballage, les femmes sont désormais associées au conflit qui fait rage, directement depuis les usines d’armement qui alimentent le front. Elles ont pour mission de fabriquer des munitions de toutes sortes, qu’il s’agisse d’obus, de cartouches, de grenades ou de fusées, ce qui leur vaut le surnom de “munitionnettes”. Apprenant sur le tas, sous la supervision d’ouvriers plus qualifiés, elles transportent et nettoient du matériel, actionnent des machines, manient des outils et réalisent parfois même des soudures au chalumeau. Toutefois, ce sont les travaux de finition qui leur sont confiés le plus souvent, leur finesse et leur précision étant très appréciées des patrons. Héroïnes de l’ombre, ces “munitionnettes” ont notamment travaillé sur l’usine mise en place d’urgence par André Citroën à Paris, quai de Javel, qui produisait alors 10 000 obus par jour, puis 55 000 obus par jour en 1917. Après la guerre, cette usine sera reconvertie pour la création de la société Citroën, où se trouve aujourd’hui le Parc André Citroën. Représentant 6 à 7% de la main d’œuvre des usines d’armement en France au début de la guerre, elles sont près de 420 000 femmes à la fin du conflit à manipuler chaque jour des obus, soit un quart de la main d’œuvre totale. Idem au Royaume-Uni, où le total s’élève même jusqu’à plus d’un million. 

L’ingénieur André Citroën employa 13 000 ouvrières et instaura des primes mensuelles © Getty
L’ingénieur André Citroën employa 13 000 ouvrières et instaura des primes mensuelles © Getty

Un effort salué mais vite oublié

Au-delà de s’adapter à des métiers inédits pour elles, les femmes travaillant dans les usines doivent composer avec des conditions éprouvantes. Travaillant parfois plus de 10h par jour, il faut aussi faire des conditions d’hygiène rudimentaires, des positions inconfortables et de nombreux accidents de travail dû au manque de protections. À cela il faut également ajouter des inégalités salariales criantes et des remarques sexistes qui continuent de fleurir. “Il reste de la ménagère dans la tourneuse d’obus et les femmes font de la métallurgie comme du tricot”, écrira notamment l’essayiste Gaston Rageot. Mais les chiffres parlent pour ces ouvrières : en quatre années de guerre, les “munitionnettes” auront fabriqué 300 millions d’obus et plus de 6 milliards de cartouches. Le général Joffre avait déclaré en 1915 : “Si les femmes qui travaillent dans les usines s’arrêtaient vingt minutes, les Alliés perdraient la guerre”. Il y a fort à parier qu’il ne s’y est pas trompé… Mais malgré l’effort considérable qu’elles ont fourni, décisif dans la victoire, les femmes sont priées de retourner à leur vie d’avant sitôt la Première Guerre mondiale terminée. Cette fameuse “émancipation” n’aura été que temporaire : les femmes sont invitées à reprendre leur “devoir naturel”, à savoir celui de mère et épouse. Toutefois, l’effort de guerre fourni durant cette Grande Guerre aura au moins eu le mérite d’ouvrir les yeux à certains chefs d’entreprise, qui prennent conscience que les travailleuses sont tout aussi capables de donner satisfaction que leurs homologues masculins, et pour des salaires inférieurs. Le droit de travailler sans l’accord de son mari et l’égalité salariale pour le même travail attendront, mais la Première Guerre mondiale demeure tout de même une avancée majeure dans la reconnaissance des femmes au travail.

 

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Image à la une : Parc André Citroën © Ballon de Paris Generali

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