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Connaissez-vous cet épisode sombre du XVIIIe siècle où les tombeaux des rois de France furent profanés ?

Nécropole Basilique Saint-Denis © le CMN

La France est reconnue à travers le monde pour de nombreuses choses, qu’il s’agisse de la gastronomie ou de la mode. Mais une autre raison pousse aussi des millions de visiteurs à venir découvrir le pays chaque année : les monuments. Outre les lieux prisés que sont la Tour Eiffel ou l’Arc de Triomphe, on vient aussi en France pour assouvir une autre passion : celle des châteaux. De formidables édifices qui témoignent du passé du pays, lorsqu’il était connu comme un royaume et que, logiquement, les rois dirigeaient. Si certains châteaux sont propres à un roi en particulier, comme Versailles est l’écrin de Louis XIV, il existe un lieu aux portes de Paris, connu comme la dernière demeure des rois de France… 

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L’une des plus importantes collections de sculptures funéraires de France

Fondée à l’origine en tant qu’abbatiale, la Basilique Saint-Denis est d’abord associée à l’histoire des Francs, et s’élève sur l’emplacement d’un cimetière gallo-romain, lieu de sépulture de saint Denis martyrisé vers 250. Ce n’est qu’à l’époque mérovingienne qu’elle est dénommée basilique, comme beaucoup d’autres églises alors. La nef de l’église abbatiale étant d’une ampleur exceptionnelle, celle-ci est destinée depuis toujours à accueillir les tombeaux royaux et c’est ainsi que la basilique est la nécropole des rois de France, depuis les Robertiens et Capétiens directs. 42 rois, 32 reines, 63 princes et princesses ou encore 10 grandes figures du royaume y reposèrent : des Mérovingiens avec Dagobert, en passant par les Carolingiens tels que Pépin Le Bref, jusqu’aux Valois et Bourbons, avec les priants de Louis XVI et Marie-Antoinette, la nécropole royale de Saint-Denis fut le témoin privilégié de l’histoire de France. Avec plus de 70 gisants et tombeaux monumentaux, la nécropole de la basilique s’impose encore aujourd’hui comme le plus important ensemble de sculptures funéraires du XIIe au XVIe siècle. Mais depuis sa construction au début du XIIIe siècle, la cathédrale basilique de Saint-Denis a subi de nombreux outrages, pas seulement du temps, mais aussi venant des hommes. Les plus violents étant assurément ceux de 1793, menés par les révolutionnaires…

Les rois de France devenus des tyrans à punir

Peu après la Révolution Française, la chute de la monarchie constitutionnelle intervient lors de la journée du 10 août 1792, lorsque le gouvernement provisoire ordonne la fonte des monuments en bronze, argent ou métaux divers pour en faire notamment des balles patriotes. En 1793, la Convention nationale ordonne la destruction de tous les insignes de la féodalité et des tombeaux nobles ou princiers dans tous les édifices de la République. Le 31 juillet, l’homme politique et juriste Bertrand Barère propose à la tribune, sous prétexte de récupérer le plomb des cercueils, de s’attaquer aux “cendres impures” des tyrans afin de fêter le premier anniversaire de la prise des Tuileries. Le lendemain, il est décidé par décret que : “Les tombeaux et mausolées des ci-devant rois, élevés dans l’église de Saint-Denis, dans les temples et autres lieux, dans toute l’étendue de la République, seront détruits le 10 août prochain.” Une profanation qui va donc toucher Saint-Denis, en deux fois. La première salve a lieu début août, avec la violation des monuments funéraires des rois mérovingiens et carolingiens. Puis, en octobre, les ouvriers se présentent de nouveau pour s’attaquer au monument funéraire du maréchal de Turenne, ainsi qu’au caveau des Bourbons dans lequel ils pénètrent en fracassant un mur. Un espace où reposent pas moins de cinquante-quatre cercueils. Sous la surveillance d’un entrepreneur marbrier et de plusieurs commissaires de la Convention, les ouvriers commencent par le cercueil d’Henri IV, puis Louis XIII, Louis XIV, Marie de Médicis, etc.

Violation des caveaux royaux de Saint-Denis, huile sur toile par Hubert Robert © Musée Carnavalet
Violation des caveaux royaux de Saint-Denis, huile sur toile par Hubert Robert © Musée Carnavalet

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De la fosse commune à la réhabilitation

Tandis que des substances purifiant l’air comme le genièvre ou le vinaigre sont disposées pour atténuer les odeurs, ces exhumations sont l’occasion de scènes étonnantes, connues aujourd’hui grâce à des procès-verbaux. Premier exhumé, le corps du maréchal de Turenne fut le seul à ne pas être profané, même si un gardien vendra au détail les dents du maréchal. Parfaitement conservé et reconnaissable, le corps d’Henri IV fut exposé deux jours durant, avant d’être jeté entier au fond de la fosse commune. La rumeur selon laquelle un délégué de la Commune aurait pris une empreinte au plâtre de son visage, donnant ainsi naissance au concept des masques mortuaires, est sans doute une légende. Des petites reliques comme un ongle ou une mèche de barbe furent toutefois prélevées. “Le Bon Roi Henri” fut rejoint dans la fosse commune par ses descendants, comme Louis XIII, Louis XIV, dont le corps aurait été noir comme de l’encre, ou encore Marie de Médicis, qui fut injuriée, accusée du meurtre d’Henri IV et arrachée de quelques cheveux. Les corps de plus de 170 personnes sont ainsi jetés dans deux fosses communes, creusées dans le cimetière des moines attenant à la basilique vers le nord, puis, recouvertes en partie de boisseaux de chaux vive puis de terre. Sous la Seconde Restauration, Louis XVIII fait rechercher les restes de son frère Louis XVI et de Marie-Antoinette au cimetière de la Madeleine et les fait ré-inhumer à Saint-Denis au cours d’une fête funéraire grandiose le 21 janvier 1815. Puis, en 1817, après une semaine de recherches ordonnées par le roi, des ouvriers guidés par le marbrier François-Joseph Scellier retrouvent les fosses du cimetière des moines. La chaux ayant empêché leur identification individuelle, les ossements royaux des prédécesseurs royaux sont rassemblés au sein de la crypte de la basilique. Placés dans un ossuaire, comportant une dizaine de coffres, lui-même scellé par des plaques de marbre sur lesquelles sont inscrits les noms des monarques, la nécropole des rois et reines de France demeure assurément l’une des visites les plus importantes d’Île-de-France.

Tombeau de Louis XII et Anne de Bretagne © Office de Tourisme de Plaine Commune Grand Paris
Tombeau de Louis XII et Anne de Bretagne © Office de Tourisme de Plaine Commune Grand Paris

 

Basilique Saint-Denis
1 rue de la Légion d’Honneur
93200 Saint-Denis

 

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Image à la une : Nécropole Basilique Saint-Denis © le CMN

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