12 avril 1925. Cette date est à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire de la Dame de Fer. Ce jour-là , Victor Lustig, jeune bourgeois tchécoslovaque et escroc notoire, réalise le coup du siècle en vendant, pour pièce, le plus emblématique des monuments parisiens.
L’histoire débute en mars de cette année quand Victor Lustig, récemment arrivé à Paris, est interpellé par un article qu’il lit dans le journal : la tour Eiffel nécessite de constantes réparations, toujours plus coûteuses, et est un véritable gouffre financier pour la mairie de Paris. Le coquin a alors l’idée, aussi folle que géniale, de vendre le monument en se faisant passer pour un haut fonctionnaire mandaté par la ville. La mairie de Paris aurait décidé de se séparer, par souci d’économie, du monument élevé pour l’Exposition universelle de 1889.
Avec un complice, il se lance alors dans une escroquerie hors-norme. Il fabrique des papiers à en-tête de la ville de Paris et de la société d’exploitation de la tour Eiffel, et envoie une lettre à cinq des plus riches ferrailleurs parisiens en leur proposant d’acquérir les 7000 tonnes de métal de la Dame de Fer qui doit être démontée sous peu. Le 12 avril 1925 à 14 h, les cinq potentiels acheteurs sont priés de se rendre au Crillon, luxueux hôtel parisien de la place de la Concorde, et de conserver la plus grande discrétion à propos de cette transaction qui doit absolument rester secrète.
André Poisson mord à l’hameçon
Manipulateur jusqu’au bout, Victor Lustig fait jouer la concurrence et promet la transaction au plus offrant. Le plus offrant, et le plus naïf, sera André Poisson, un jeune entrepreneur qui débute dans les affaires et pense flairer le bon filon : après une rapide visite de la tour et quelques jours de réflexion, le ferrailleur hypothèque sa maison et fait un gros chèque à Lustig. Il vient d’acheter la tour Eiffel !
Croit-il… Quelques jours plus tard, le pigeon découvre le pot aux roses, mais il est trop tard. L’escroc tchécoslovaque s’est enfui à Vienne avec le magot. Par peur du ridicule, la victime ne dira rien. On apprendra l’insolite mésaventure du ferrailleur Poisson quelques années plus tard, lorsque Lustig et un complice tenteront à nouveau l’arnaque, mais se feront démasquer par l’acheteur… sans doute un peu moins crédule.
Cyrielle Didier