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Juliette Drouet, maîtresse de l’ombre de Victor Hugo

Elle a vécu pendant cinquante ans dans l’ombre du plus grand écrivain français. Comédienne, épistolière, amoureuse désespérée, Juliette Drouet mérite qu’on lui accorde enfin l’attention dont elle a manqué de son vivant.

Un début de vie difficile

En passant Place des Vosges, dans le 4ème arrondissement de Paris, nous avons tous une pensée pour Victor Hugo. Pourtant, peu de monde ont en tête la femme qui l’a accompagné pendant un demi-siècle, Juliette Drouet.

Juliette Drouet nait Julienne Joséphine Gauvain en 1806 en Bretagne. Le début de sa vie est marquée par les malheurs : sa mère meurt quelques mois après sa naissance, et son père la rejoint dans la tombe un an plus tard. Orpheline, la petite Julienne est recueillie par son oncle René-Henry Drouet qui l’emmène à Paris. Son épouse Françoise n’ayant jamais eu d’enfant, il a pour projet d’élever sa nièce de cinq ans comme sa fille.

Hélas, la tante Françoise est stricte et bigote, et elle traine la jeune fille contre son gré à l’église. Quelle n’est pas sa colère lorsqu’elle surprend Julienne, alors âgée de dix ans, à assister aux spectacles de rue sur le Boulevard du Temple au lieu d’être à confesse ! Elle veut ôter le démon du théâtre de sa nièce, et l’envoie au pensionnat religieux.

Là-bas, elle subit la règle stricte des religieuses, qui n’hésitent pas à maltraiter les pensionnaires. Fort heureusement, son confesseur comprend qu’elle n’a pas la foi pour entrer en religion, et elle sort du couvent à 16 ans.

Carrière artistique

Julienne commence alors à prendre des cours de dessins, et par l’intermédiaire de son professeur, elle rencontre un sculpteur, James Pradier. Elle commence à poser pour lui. Il est d’ailleurs très probable que la Statue de Strasbourg de Pradier, place de la Concorde, soit inspirée de son visage. Elle devient sa muse, puis sa maîtresse. Ensemble, ils ont une fille, Claire.

Statue de Strasbourg par James Pradier, Place de la Concorde

Repérant le potentiel de sa compagne, Pradier conseille à Julienne de devenir comédienne. Elle change alors de nom et devient Juliette Drouet, du nom de son oncle qui l’a recueillie. Elle commence sa carrière à Bruxelles avant de revenir à Paris, au théâtre de la Porte Saint-Martin.

Elle a alors beaucoup de succès et des articles de plus en plus élogieux paraissent sur elle dans la presse. Sans avoir de véritable talent pour la scène, elle est une très belle femme qui correspond aux critères romantiques de l’époque : mince, pâle, les yeux et les cheveux noirs. Et c’est d’ailleurs ce qui va lui permettre d’obtenir un petit rôle dans la dernière pièce de théâtre d’un grand écrivain…

Rencontre et vie avec Victor Hugo

C’est en 1833, lors de la lecture de Lucrèce Borgia que Victor Hugo remarque Juliette. Rapidement, ils se rapprochent et deviennent amants dans la nuit du 16 au 17 février 1833. Trente ans plus tard, Victor Hugo transposera cette nuit dans la nuit de noces de Marius et Cosette des Misérables, le chef d’œuvre de sa vie.

Juliette Drouet dans le rôle de la princesse Negroni. Portrait peint par Charles-Émile Callande de Champmartin

La carrière de Juliette commence à s’essouffler, malgré son entrée au Théâtre Français (ou Comédie-Française) grâce aux relations de Victor Hugo. Elle est même sifflée lors de la première de Marie Tudor. Hugo veut lui donner le premier rôle dans Ruy Blas, mais sa femme, Adèle, écrit au directeur du théâtre pour faire échouer le projet. Juliette Drouet obtient une réputation d’actrice très belle mais sans aucun talent. Déçue, elle décide d’abandonner sa carrière à l’âge de 34 ans pour se consacrer toute entière à son amant.

Elle devient alors sa maîtresse de l’ombre. Hugo lui loue un appartement près de chez lui et lui rend visite quand bon lui semble, ce qui déplait à Juliette. Pire, pendant sept ans, il la trompe avec l’écrivaine Léonie Biard. Après leur rupture, cette dernière envoie à Juliette toutes les lettres qu’elle a échangées avec Victor Hugo. En apprenant la trahison de l’homme qu’elle aime, elle veut se suicider mais Hugo la supplie de lui pardonner…ce qu’elle fait.

Une carrière littéraire refoulée

Sa vie près de Victor Hugo est loin d’être enviable : il l’isole du monde, ne lui accorde que rarement une robe neuve, lui fait recopier ses manuscrits sans aucune compensation…Juliette fait preuve d’une dévotion extraordinaire à son égard.

Elle semble vivre sa vie littéraire à travers lui, par procuration. Elle a même souvent inspirée Victor Hugo pour ses romans. Il lui demande d’écrire ses mémoires et de raconter les conditions de vie au pensionnat où elle a été maltraitée. Des épisodes qui se retrouveront notamment dans les Misérables.

En plus de ses mémoires, Juliette Drouet est une immense épistolière, puisqu’elle a écrit plus de 22 000 lettres à son Victor au cours des cinquante années de leur relation. Sans doute eut-elle aimée écrire des romans, mais comment faire dans l’ombre écrasante de Victor Hugo ?

Lettre de Juliette Drouet, Guernesey, 1er janvier 1861, mardi matin 8h1/2
©Maison Victor Hugo

Juliette meurt en 1883, après avoir subi de nombreux malheurs : les infidélités, la mort prématurée de sa fille, l’exil depresque vingt ans avec Victor Hugo…Même si l’écrivain n’a pas toujours été tendre avec elle, nul doute qu’elle lui était indispensable. Preuve en est : après la mort de Juliette, il n’écrira plus jamais une ligne.

Virginie Paillard

Image à la une : Lithographie d’Alphonse-Léon Noël

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