Ce château du XIXe siècle aux styles bien différents fut équipé des plus grandes avancées technologiques de l’époque !

Par Alexandre M

Si l’on ne cesse de louer le Finistère pour sa nature incroyablement riche et variée, à l’image de l’incroyable archipel des Glénan qui nous plonge immédiatement dans un décor digne des Seychelles, on a parfois tendance à oublier que ce département regorge aussi de magnifiques sites patrimoniaux. Depuis plus de 15 ans, cinq domaines patrimoniaux du Finistère, tels que l’abbaye de Daoulas, l’abbaye du Relec, le manoir de Kernault ou le château de Kerjean sont réunis au sein de l’établissement public de coopération culturelle “Chemins du patrimoine en Finistère”, visant à promouvoir ces trésors méconnus.

Le projet d’une vie d’un richissime politicien

À ces quatre merveilles finistériennes il faut ainsi ajouter un cinquième, et pas des moindres : le château de Trévarez. Une fascinante demeure, située au sein d’un parc de 85 hectares depuis plus d’un siècle. Tout comme le château de Versailles reflète l’idéal de Louis XIV, ce site incontournable, labellisé “Patrimoine du XXe siècle”, est avant tout marqué par l’empreinte d’un homme : James de Kerjégu, né à Trévarez en 1846 et mort peu de temps après la fin de la construction du château en 1908. Lui, dont le beau-père n’est autre que le Baron Samuel de Haber, richissime financier d’origine allemande à qui appartient le château de Courances, hérite donc de ce château dans la dernière décennie du XIXe siècle. Du passé seigneurial du site, il ne reste alors que le manoir, modifié et modernisé au milieu du XIXe siècle, la chapelle Saint-Hubert, autrefois dédiée à Notre-Dame puis placée sous le vocable de saint Hubert, patron des chasseurs, ainsi que la Fontaine Saint-Hubert, datée de 1700, nichée au pied de l’actuel château. Partagé entre une implication locale et une vie parisienne parmi l’aristocratie et la grande bourgeoisie, le riche politicien qu’est James de Kerjégu va alors édifier un château doté des équipements les plus novateurs, où tout ne sera que luxe et modernité. De fait, ce château constitué de briques roses et de pierres de Kersanton est l’un des tout derniers châteaux construits en France.

Des touches de style victorien et néo-gothique, avec des éléments de la culture bretonne, soit un parfait exemple de style éclectique © Flickr

Le nec plus ultra de l’époque et le théâtre des plus belles réceptions

Outre sa stature imposante, renforcée par une position dominant la vallée de l’Aulne, l’édifice est surtout reconnu comme la dernière folie architecturale de l’époque. À l’intérieur, le château est ainsi doté des équipements les plus novateurs, à la pointe de la modernité à l’époque : charpente métallique, ascenseurs, eau chaude, sanitaires ou encore chauffage central. Fait rare pour un tel projet, James de Kerjégu fait profiter de ce confort ses domestiques, lui qui se revendique profondément humaniste. Ainsi, les domestiques disposaient d’un ascenseur spécial pouvant également leur servir de monte-charge. Quant aux invités qu’il reçoit, afin qu’ils puissent profiter de fruits et légumes frais, il fait également construire de vastes serres, dotées de chauffage, à eau modulable. La cuisine ne fait pas non plus exception à cette volonté de modernité, avec la présence d’une glacière électrique, d’une rôtissoire, un superbe piano à quatre fours, un four à pâtisserie, deux étuveuses ou encore deux bains-marie et ses plaques de cuisson. Durant la Belle Époque de Trévarez, on compte jusqu’à 80 domestiques travaillant au château, qui devient le théâtre de fastueuses réceptions pour la noblesse venue de France ou du monde entier. Un domaine également apprécié de par son emplacement, pour les parties de chasse à courre organisées jusqu’en 1939.

Un vestige qui fait la fierté de son département

Un triomphe dont ne profitera jamais James de Kerjégu, qui meurt en 1908, peu après l’achèvement des travaux. Tout comme les parties de chasse à courre, le faste du château de Trévarez prend fin en 1939. Lorsqu’éclate la Seconde Guerre mondiale, l’édifice sert très vite à recevoir et abriter les objets classés et les collections des musées du Pas-de-Calais. Réquisitionné par les forces d’occupation allemandes, le château sera bombardé deux fois à l’été 1944, voyant ainsi le salon d’apparat et les appartements de réception partir en fumée. Laissé à l’abandon, il faut attendre 1968 pour voir le conseil général du Finistère racheter le château et œuvrer à sa restauration. Au prix de nombreux efforts et investissements, plusieurs espaces sont désormais accessibles à la visite et mis en valeur par l’exposition permanente “Bâtir un rêve”. Les curieux peuvent ainsi profiter d’expositions, événements et animations organisés tout au long de l’année pour valoriser l’histoire incroyable de ce lieu devenu incontournable en Finistère. L’occasion également de profiter d’un vaste parc de 85 hectares, labellisé “Jardin Remarquable” et “Jardin d’Excellence” pour sa collection de camélias. Pour en prendre plein la vue, rendez-vous à Noël, où les grandes écuries accueillent une scénographie digne des plus grands shows avant le bouquet final : les projections monumentales de lumières sur la façade de l’étonnant mais non moins fascinant château de Trévarez.