En se baladant dans Paris, on pense souvent à privilégier les grands classiques que sont la Tour Eiffel, l’Arc de Triomphe ou le Louvre, et à oublier d’autres merveilles méconnues. Pire encore, il arrive même que l’on passe devant sans y prêter attention plus que cela. Témoin silencieux mais privilégié de plusieurs décennies, voire siècles d’histoire, les églises font partie de ce patrimoine ô combien majeur qui peuple la capitale. Pénétrer dans ces sanctuaires, c’est se laisser emporter par une atmosphère paisible, où l’on peut admirer une architecture époustouflante, mais aussi des trésors artistiques et spirituels dignes des plus grands musées.
Une église parmi les plus colossales de Paris
Comme bien d’autres à Paris, l’église de la Sainte-Trinité a été construite sous le Second Empire. L’Empereur Napoléon III souhaite embellir la partie ouest des Grands Boulevards et c’est à l’architecte Théodore Ballu que revient la mission de bâtir une église devant être vue depuis l’arrière de l’Opéra Garnier. Cette église voit le jour après six ans de travaux, de 1861 à 1867. D’emblée, l’église de la Sainte-Trinité impressionne par son architecture rappelant la Renaissance italienne, prisée de la bourgeoisie du Second Empire pour sa monumentalité et ses ornements. Sans nul doute, l’architecture et la décoration avaient pour but d’impressionner les foules et de marquer la présence du catholicisme dans ce quartier de Paris. Il suffit par exemple d’admirer la façade, où trônent seize statues incarnant la Justice, la Force, la Prudence et la Tempérance, ainsi que les quatre évangélistes, Saint Luc, Saint Matthieu, Saint Marc et Saint Jean. La Trinité (le Père, le Fils et le Saint-Esprit) y est bien entendu représentée par une mosaïque faïencée sous le porche. À l’intérieur, les chapelles latérales abritent une série de peintures religieuses créées au XIXe siècle. Autre raison de s’extasier devant cette superbe église du 9ème arrondissement : ses dimensions. Avec 90m de long, 34m de large et 30m de haut, le monument est tout simplement digne d’une basilique, notamment par sa grande nef de 17m de large. Comment de telles proportions sont-elles possibles ? Tout comme l’église Saint-François-Xavier, ce sanctuaire situé place d’Estienne-d’Orves possède en fait une ossature métallique. Par ailleurs, les bas-côtés ont été voulus étroits pour ne pas déranger les fidèles pendant la messe.
Une maison de Dieu aux fonctions bien variées par le passé
Mais les messes n’ont pas toujours été les seuls événements à faire résonner ce superbe édifice. Aussi étonnant que cela puisse paraître, la chaire de la Sainte-Trinité a en effet servi… de tribune révolutionnaire. Pendant la Commune de Paris, une trentaine de femmes se présentent devant la Sainte-Trinité et exigent que le bâtiment soit mis à la disposition de leur “Club de la Délivrance”.Très vite, la nef se remplit de femmes et de jeunes filles qui assistent, sous les yeux curieux de badauds, au discours de la présidente, portant une large ceinture rouge où trônent deux pistolets, dont l’ordre du jour est : “Moyens à prendre pour régénérer la société”. Dégoûtée par le peu de succès obtenu, la présidente mettra rapidement fin à la réunion, en déclarant qu’il est impossible de délibérer dans un quartier aussi réactionnaire. Quelques jours plus tard, l’activité révolutionnaire opte pour une méthode plus musclée : une troupe de communards entre dans l’église et saccage l’endroit. Des filles de joie s’invitent même à ce qui devient un lieu de fête, jusqu’à ce que l’arrivée des Versaillais les contraigne à la fuite. Pour venir à bout des tirs des insurgés, on dut même utiliser des canons amenés sous le porche. Un épisode de plus à l’histoire décidément mouvementée de l’église puisque, quelques mois plus tôt, l’église de la Sainte-Trinité fut transformée en hôpital pendant le siège de Paris. Les paroissiens se mirent en quatre pour aider malades et blessés tandis que tout le nécessaire était stocké dans les chapelles latérales.
Un monument engagé dans un vaste chantier
Depuis 2018, et jusqu’en 2027, un échafaudage recouvre toutefois le campanile et les deux tours-lanternes jusqu’au sommet, soit 67 mètres de haut. La raison ? Pour nettoyer, remplacer les pierres abîmées et restaurer la façade dans son intégralité. Achevée en 1867, l’église avait connu un premier chantier à peine 15 ans après sa construction, à cause de pierres résistant mal aux intempéries et la pollution de la gare Saint-Lazare. Par la suite, l’église de la Sainte-Trinité a connu deux nouvelles périodes de restauration, pour remplacer quatre statues représentant les vertus cardinales par des copies en pierre neuve puis pour consolider le clocher du campanile. Des restaurations bienvenues mais malheureusement pas assez efficaces, car très ponctuelles. Ce qui explique ce nouveau chantier prévu sur de nombreuses années, pour ainsi restaurer le massif sud, le campanile, les tours-lanternes, le porche et le perron. Une vaste mission qui revient à la Ville de Paris, car l’église de la Sainte-Trinité fait partie de ces édifices anciens datant d’avant la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905. En 2019, un inventaire avait mis à jour le fait que les horloges de l’église Sainte-Trinité sont constituées du même mécanisme que celui qui animait l’horloge de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Les deux horloges ayant été construites par les mêmes ateliers Collin-Wagner la même année, avec un modèle plus petit côté Sainte-Trinité, cela pourrait s’avérer utile pour une éventuelle restitution à l’identique de l’horloge de Notre-Dame.
Église de la Sainte-Trinité
Place d’Estienne d’Orves
75009 Paris
À lire également : Saviez-vous que le plus important palais gothique du monde, classé à l’UNESCO, se trouvait en France ?
Image à la une : Église de la Sainte-Trinité © Adobe Stock