Non loin du jardin des Plantes et du Muséum d’Histoire Naturelle de Paris, il s’agit d’un monument emblématique du 5ème arrondissement, que l’on remarque forcément pour deux de ses éléments architecturaux : sa porte et son minaret de 33 mètres de haut. Tandis que la première représente le seuil, le fait d’entrer dans un édifice sacré, qui constitue en soi une rupture avec l’espace urbain, le second est quant à lui un signal dans le ciel et un signal acoustique dans les pays musulman. Inspiré de l’Alhambra de Grenade, le patio brille par ces arcades sculptées qui l’entourent et la salle des prières est une étape obligatoire de la visite, pour sa décoration et ses magnifiques tapis. Lieu de culte majeur dans la capitale, la Grande Mosquée de Paris est également un parfait lieu de détente, grâce à la présence d’un hammam, un restaurant, un salon de thé et même une boutique aux allures de souk.
Virée paradisiaque au “Jardin des Délices”
Autant de raisons qui font que la plus célèbre et ancienne mosquée de France attire chaque année plus de 60 000 visiteurs, en plus des fidèles qui viennent régulièrement y prier. Il faut dire que, en plus du hammam ou du restaurant, le site est une véritable invitation à l’émerveillement, à commencer par le “Jardin des délices”. Inspirédes plus beaux jardins andalous, celui-ci semble tout droit sortir d’un rêve, avec des fontaines, des bassins en marbre, 5 palmiers symbolisant les 5 piliers de l’Islam ou encore ces glycines s’étirant sur les murs. Si les influences architecturales de la mosquée sont nombreuses, de la mosquée Karaouiyine à Fès à la mosquée de Meknès, la Grande Mosquée est devenue au fil du temps elle-même source d’inspiration, pour la mosquée de Mantes-la-Jolie par exemple. Proche du Quartier Latin, entre les vieux immeubles et le Jardin des Plantes, le lieu classé à l’inventaire des Monuments Historiques depuis 1983 est typiquement une construction maghrébine, avec des matériaux décoratifs tels que des tuiles vertes, des faïences ou des mosaïques issus de cette région. Toutefois, de par son volume, l’importance donnée à la coupole ou l’utilisation du béton armé, la Grande Mosquée de Paris est également un édifice religieux emblématique des années 1920.
Un “tour de passe-passe” pour que le monument voie le jour
Mais si l’on connaît son charme et son influence, force est de constater que l’histoire de la Grande Mosquée de Paris se veut plus discrète. Avant la Première Guerre mondiale, plusieurs capitales européennes ont déjà leur mosquée, à l’image de Londres (1889), Moscou (1904) ou encore Saint-Pétersbourg (1910). Malgré plusieurs projets inaboutis au XIXe siècle, Paris accuse donc un certain retard, qui va toutefois être comblé des suites du grand événement de ce début de XXe siècle : la Première Guerre mondiale. Des troupes musulmanes sont engagées au service de la France et pas moins de 70 000 soldats de l’armée française, de confession musulmane, perdront la vie lors de cette guerre. En guise de reconnaissance, une première mosquée voit le jour en 1916 dans le bois de Vincennes, pour l’hôpital au service des troupes musulmanes. Toutefois, cet édifice de culte n’est que provisoire. Il faut attendre 1920 pour qu’un projet de loi, prévoyant un Institut musulman avec mosquée, bibliothèque et salle de conférence, soit voté au Parlement. Fait assez étonnant pour l’époque : ce projet de loi comporte une subvention de 500 000 francs, alors que la loi de séparations des Églises et de l’État ne date que de 1905. Une combine rendue possible via un enregistrement au tribunal religieux d’Alger, alors département français, dans lequel la loi de 1905 ne s’appliquait pas. De plus, une souscription est lancée dans tout l’empire colonial pour que la communauté musulmane puisse participer à la construction de cette Grande Mosquée.
Lieu de culte emblématique de la capitale
La première pierre de la Grande Mosquée de Paris est donc déposée en octobre 1922 par le maréchal Lyautey, premier résident général du Protectorat français au Maroc et ministre de la Guerre pendant la Première Guerre mondiale. Par ailleurs, l’état d’esprit dans le quartier est très favorable à la construction de la mosquée. D’autant plus qu’il y a un incroyable clin d’œil : en 1767, Louis XV avait signé un contrat avec le sultan du Maroc, Sidi Mohammed ben Abdallah, pour l’établissement religieux de l’islam en France. Par ailleurs, l’emplacement choisi pour ériger ce monument est symboliquement important. Comme une référénce au troisième pilier de l’Islam qui est la charité, la Grande Mosquée repose sur l’emplacement d’un hospice créé par Marie de Médicis pour les nombreux indigents de Paris, puis de la Compagnie du Saint-Sacrement qui, sous Louis XIV, œuvra pour qu’y soit créé un hôpital général. L’inauguration de la Grande Mosquée de Paris intervient quatre ans plus tard, le 15 juillet 1926. Une mosquée fin prête à recevoir les quelque 20 000 musulmans vivant à Paris. Pour l’occasion, et pour l’unique fois, l’appel à la prière est lancé depuis l’élégant minaret. Un moment historique qui fait écho aux paroles quatre ans plus tôt du maréchal Lyautey : “Quand s’érigera, au-dessus des toits de la ville, le minaret que vous allez construire sur cette place, il ne montera vers le beau ciel nuancé de l’Ile-de-France qu’une prière de plus dont les tours catholiques de Notre-Dame ne seront point jalouses.”
Grande Mosquée de Paris
2bis Place du Puits de l’Ermite
75005 Paris
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Image à la une : Grande Mosquée de Paris © Adobe Stock