“L’architecture, c’est de la musique figée” écrivait Johann Wolfgang von Goethe, célèbre écrivain et savant allemand. Force est de constater que, en entrant dans certains palais, temples ou églises, difficile de ne pas entendre comme une légère note de musique dans sa tête. Une note de sublime ou d’émerveillement, tout simplement, qui se répète au fur et à mesure que l’on scrute les moindres détails d’une pièce : ses voûtes, ses colonnes, ses arches ou sa luminosité. De formidables vestiges du passé qui témoignent avant tout d’un savoir-faire, qui ont su traverser les siècles et continuent d’émerveiller encore aujourd’hui. Des endroits qui font encore résonner cette musique figée, il en existe fort heureusement plein à Paris, certains étant même sous nos yeux…
Bien plus qu’une bibliothèque, un véritable temple…
Héritière des collections royales constituées depuis le Moyen Âge, la Bibliothèque Nationale de France, plus communément appelée BNF, est réputée pour posséder l’un des fonds les plus riches du monde. Ayant pour mission de collecter, d’archiver et d’entretenir tout ce qui se publie ou s’édite en France, ainsi que du patrimoine hérité des collections antérieures et reçu par d’autres voies, sans oublier l’organisation régulière d’expositions et de manifestations culturelles, il s’agit tout simplement de la plus importante bibliothèque de France et l’une des plus importantes au monde. Pour mieux s’en rendre compte, il est question de 150 millions de documents imprimés et spécialisés répartis dans pas moins de 14 départements. La BNF est donc un formidable terrain de jeu et de savoir, qui n’abrite pas seulement des livres historiques… mais aussi des pièces inimaginables. Rouvert en 2017 après d’importants travaux de rénovation et d’embellissement, il existe un espace qui fut longtemps la salle de lecture principale de la Bibliothèque nationale de France et l’un des joyaux du patrimoine parisien : la salle Labrouste. Étendue sur pas moins de 4 500 m2, cette salle met à disposition des étudiants et chercheurs en art et patrimoine près d’1,7 millions de documents (photographies, manuscrits anciens, dessins…).
Un formidable vestige du Second Empire
550 000 livres imprimés, 7 000 titres de périodiques, 12 000 thèses, 16 000 ouvrages anciens, rares et précieux, 700 000 photographies, et 130 fonds d’archives accueillis sur plus de 4 500 m2, il faut avouer qu’il y a de quoi avoir le tournis. Mais ce tournis n’est rien en comparaison du choc que l’on peut avoir en découvrant la salle. En entrant dans cette bibliothèque digne des plus beaux palais, on ne peut qu’être attirés par la hauteur du lieu : les neuf coupoles qui composent son plafond sont en effet situées à plus de 12 mètres du sol. Une hauteur qui offre, quand le soleil pointe le bout de son nez, une lumière époustouflante pour baigner ce vaste espace. Un formidable travail architectural que l’on doit à Henri Labrouste, à qui l’on doit déjà la bibliothèque Sainte-Geneviève. Ce chef-d’oeuvre, réalisé entre 1860 et 1868 à la demande de Napoléon III, abrite également quelques magnifiques sculptures, parmi lesquelles les deux cariatides qui entourent la porte monumentale située au fond de la pièce ou encore des dizaines de médaillons célébrant des auteurs et penseurs célèbres. Bien plus qu’une bibliothèque, la salle Labrouste est une œuvre d’art à part mêlant les influences antiques, byzantines et baroques, avec des matériaux modernes. Il suffit d’admirer les colonnes de fonte, hautes de 10 mètres, supportant des arcs en fer et des coupoles percées d’oculus, permettant à la lumière de baigner l’espace.
Une merveille qui n’est malheureusement accessible qu’à quelques conditions
Initialement ouverte au public en 1888, la bibliothèque accueillait alors le département des Imprimés de la Bibliothèque nationale de France. Elle demeura en service jusqu’en 1998, date à laquelle ses collections sont transférées vers la toute nouvelle bibliothèque François-Mitterrand avant qu’elle soit affectée en 200 à l’Institut National d’Histoire de l’Art (INHA). Un véritable joyau du Second Empire, qu’il n’est malheureusement pas si facile de découvrir. La Salle Labrouste étant principalement une bibliothèque de recherche, elle n’est accessible au grand public que lors d’événements spéciaux comme les Journées européennes du patrimoine ou des conférences. Pour les universitaires, chercheurs et professionnels, des visites peuvent toutefois être organisées sur rendez-vous en contactant l’INHA. Pour les plus téméraires, il est toujours possible d’accéder à l’entrée et de la prendre en photo sur un espace délimité. Située à proximité des stations de métro Palais-Royal-Musée du Louvre, Bourse, ou Pyramides, cette salle pas comme les autres est ainsi l’occasion de prolonger un formidable voyage en arrière jusqu’au Second Empire, comme si l’une des plus belles bibliothèques au monde n’était pas la parfaite occasion de conclure une virée dans le cœur de Paris ?
Salle Labrouste – Bibliothèque Nationale de France Richelieu
5 rue Vivienne
75002 Paris
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Image à la une : Salle Labrouste © INHA