Dans dix mois, les Jeux olympiques mettront un coup de projecteur sur la ville de Paris. Si l’événement sportif sert à magnifier l’image du pays à l’échelle internationale, il est aussi accompagné d’une série de controverses à l’échelle locale. Mais plusieurs mois après l’annonce du déménagement des bouquinistes ou de la réquisition des logements étudiants, où en est-on réellement ?
Le déménagement des bouquinistes
C’est en juillet dernier que la polémique a été lancée. Après une réunion de la mairie de Paris au sujet des Jeux olympiques, les bouquinistes ont découvert une lettre de la préfecture leur demandant de quitter temporairement les quais à compter du 26 juillet 2024, afin d’accueillir la cérémonie d’ouverture en toute sécurité. Quel rapport entre le déplacement de ces 570 boîtes vertes et la sécurité du lieu, peut-on se demander à juste titre ? Selon la préfecture, celles-ci pourraient abriter des engins explosifs et mettre en danger les personnes présentes lors de l’événement sportif. Dans une version officieuse, on peut surtout penser que leur présence fait tache dans le paysage.
Au lendemain de cette annonce, de nombreuses voix sont montées au créneau contre ce projet ahurissant qui, en plus de menacer des centaines de boîtes vieilles de 450 ans, met à mal l’activité des bouquinistes, déjà en grande difficulté. Malgré tout, nous sommes au mois d’octobre, et la situation semble ne pas avoir avancé d’un hiatus : jeudi 28 septembre, une réunion entre la mairie et les commerçants a été organisée afin de rassurer ces derniers sur la faisabilité du projet, avec un test réalisé sur quelques boîtes. Le déménagement n’a toutefois pas été remis en cause par les autorités, bien que de nombreux bouquinistes aient déclaré rester sur la Seine durant les Jeux. On ne s’étonne guère de cette indifférence, la mairie de Paris n’ayant jamais eu de grande préoccupation pour ses bouquinistes, pourtant inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1991. L’intérêt se porte davantage sur la célébration d’un événement ponctuel, sûrement peu rentable, mais censé faire rayonner la puissance française à l’échelle internationale.
La réquisition des logements étudiants
En mai dernier, le directeur général délégué du Centre national des Å“uvres universitaires et scolaires (Cnous) a annoncé que l’État souhaitait réquisitionner 3 000 des 22 000 logements étudiants d’Île-de-France pour le personnel mobilisé lors des Jeux olympiques. De nombreuses associations ont alors réagi contre la possible expulsion de leurs occupants, des boursiers qui restent en grande majorité actifs durant l’été (examens de rattrapage, travail saisonnier, stage d’étude) et ne partent pas en vacances. Aucun argument ne semble d’ailleurs devoir être donné pour justifier l’attribution de ces logements à des jeunes précaires.
Bien heureusement, face aux réactions d’indignation, ce projet est tombé à l’eau. Le vendredi 1er septembre, le tribunal administratif de Paris a finalement suspendu cette décision controversée. Celui-ci a ainsi dénoncé l’absence de « garanties offertes aux étudiants », pourtant considérés comme des « personnes prioritaires ».
L’utilisation de caméras « intelligentes »
On l’a à peine remarqué, mais l’année 2023 a marqué une réelle évolution dans la légalisation des moyens de surveillance en France. En effet, le 12 avril dernier, l’Assemblée nationale a donné son accord pour mettre en place la vidéosurveillance dite « intelligente » sur tout le territoire lors des Jeux olympiques. Ce système automatisé fera ainsi recours à une intelligence artificielle capable d’analyse des images en continu afin de détecter des mouvements dits « suspects » durant l’événement – d’où l’adjectif « intelligent » que l’on aime désormais attribuer à des algorithmes.
La machine est donc lancée : les grands acteurs de la vidéosurveillance avaient jusqu’au lundi 11 septembre pour répondre aux appels d’offres visant à déployer ces caméras d’un nouveau genre. Si la rumeur disait jusqu’ici que ce système servirait uniquement pour l’événement sportif de 2024, la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra a osé la transparence ce dimanche 24 septembre, sur France 3. En effet, celle-ci a reconnu à l’antenne que ce nouveau dispositif pourrait être utilisé lors d’autres grands événements s’il « fait ses preuves », tout en restant évasive sur une possible application de manière pérenne.
Le transfert des sans-abris en région
Nous vous parlions récemment de la hausse mirobolante des prix des hôtels parisiens lors des Jeux olympiques. Les établissements souhaitent en effet mettre la main sur une clientèle aisée, prête à payer six fois plus cher pour profiter d’une chambre, tandis que les publics les plus précaires se retrouvent sur le carreau. Face à cela, le gouvernement veut inciter des milliers de sans-abris à migrer vers d’autres régions de France en ouvrant des « sas d’accueil temporaires régionaux » afin de désengorger les centres d’hébergement d’Île-de-France.
Reste à interroger ce qui est réservé à ces personnes, après un accueil d’une durée de seulement trois semaines. De plus, ces nouvelles arrivées ajoutent de nouvelles difficultés aux centres d’hébergement locaux, parfois contraints de déloger des migrants d’un hôtel social pour obtenir des places. Selon certaines associations, ce dispositif n’aura d’ailleurs qu’un impact provisoire, puisqu’une partie des sans-abris reviendra vivre à Paris au bout des trois semaines d’accueil. En même temps, qui a dit que cacher la poussière sous le tapis était une solution ?
Et plus récemment…
À dix mois des Jeux olympiques de Paris, deux nouvelles mesures ont récemment été annoncées. Parmi elles, l’interdiction du port du voile pour la délégation française afin de ne faire « aucune distinction » entre les athlètes, une mesure à laquelle l’ONU s’est dite opposée. Le gouvernement a également annoncé la création d’un « consulat olympique » à partir du 1er janvier 2024 afin de centraliser les 70 000 demandes de visa déposées dans le cadre de l’événement sportif. Un projet qui peut sembler justifié, mais dont la mise en place simple et rapide peut interroger en comparaison aux difficultés habituellement rencontrées par les immigrés. Une injustice d’autant plus insoutenable lorsque l’on sait, grâce au dossier de Libération datant de 2022, que de nombreux sans-papiers ont contribué au chantier du village olympique dans la parfaite indifférence.
Romane Fraysse
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Image à la une : Affiche des Jeux olympiques de Paris 2024 sur les quais – © Jean-Baptiste Gurliat/Ville de Paris