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Le mythique cinéma La Pagode : une rénovation qui inquiète de plus en plus

Par Romane Fraysse

La Pagode, ce cinéma unique en son genre avec son architecture japonisante, est fermé depuis 2015 pour être rénové. Mais de plus en plus de Parisiens s’inquiètent du nouveau traitement réservé à ce lieu culte du 7e arrondissement, qui semble déjà transformé par les travaux mis en place.

La Pagode, cinéma culte et unique du 7e arrondissement

Comment retrouvera-t-on La Pagode à sa réouverture ? C’est la question que se posent de nombreux Parisiens, et notamment l’association Sites & Monuments qui regrette la destruction de l’emblématique jardin japonais entourant le cinéma. Qu’il soit classé comme « site patrimonial remarquable » n’a visiblement pas empêché le nouveau propriétaire de le faire tout bonnement disparaître. Ce havre de paix détenait pourtant des arbres centenaires, dont un splendide gingko.

Autrefois rattaché à un hôtel particulier situé au 57 rue de Babylone, ce rare pavillon japonisant a été édifié en 1896 par Alexandre Marcel (1860-1928) pour François-Émile Morin, directeur du Bon Marché et légataire d’Aristide Boucicaut. C’est en 1931 qu’il devint l’un des premiers cinémas d’art et d’essai de la capitale. « C’était un endroit merveilleux, plein d’exotisme et de charme. Un endroit secret et préservé », se remémore Julien Lacaze, le président de l’association Sites & Monuments.

cinéma la pagode
© Elisabeth Byrs

La mairie défend alors sa démarche, en expliquant que « le creusement du jardin est nécessaire pour la mise en œuvre des travaux de confortation de la pagode et des murs de clôture ». Une argumentation difficilement convaincante puisque, selon l’association, une reprise en sous-œuvre aurait suffi et permis la conservation du jardin en pleine terre. Ces travaux auraient surtout pour projet d’agrandir le cinéma avec une nouvelle salle souterraine.

Mais l’Association craint surtout que ce calme jardin soit transformé en « une dalle sur béton entouré d’un grand mur vitré, avec l’impression d’être directement dans la rue », un contresens avec l’esprit du lieu qui se voulait d’être un endroit intime et caché.

A l’initiative de ce projet, l’homme d’affaires américain Charles S. Cohen, repreneur du site, entouré des architectes de renom Françoise Raynaud et Pierre-Antoine Gatier. Ceux-ci ont toujours assuré que le jardin « sera reconstitué tel que l’avait pensé Alexandre Marcel à l’époque », mais que le délabrement du lieu nécessitait d’importants travaux, soutenus par la DRAC.

Le cinéma La Pagode après sa restauration
Le cinéma La Pagode après sa restauration

« Pour préserver la restauration de la grande salle japonisante et la doter de tout le confort d’un cinéma moderne, il faut supprimer la moitié des fauteuils […] mais pour que le lieu soit rentable, je suis obligé de créer deux salles en sous-sol » a quant à lui signalé le nouveau propriétaire de ce cinéma qui était menacé de disparaître. Jean Laussucq, l’adjoint du maire, le soutient aussi en rappelant que ce projet cherche avant tout à ce que la Pagode « reste un cinéma » dans un arrondissement qui n’en compte pas d’autres. Et ce n’est pas tout, puisque ce chantier de restauration devrait aussi permettre l’ouverture d’un centre culturel dédié au cinéma français qui jouxterait ce lieu culte. Tout cela sera normalement à découvrir au début de l’année 2023.

A ce titre, difficile de savoir à quoi s’en tenir. Il est certain que cette campagne a permis de sauver un cinéma menacé de disparaître. Mais on doute fortement que la destruction d’arbres centenaires était absolument nécessaire pour mener à bien ce projet. On se souvient aussi de la récente démolition d’un mur d’enceinte du site classé monument historique, qui ne nous rassure pas davantage sur la démarche du nouveau propriétaire. S’il se dit véritablement sensible à l’âme du lieu, on attend donc de voir ce qu’il réserve au cinéma et à son emblématique façade.

Romane Fraysse

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