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La jolie histoire des petits voiliers du jardin du Luxembourg

Par Romane Fraysse

Depuis plus d’un siècle, le jardin du Luxembourg est le théâtre de nombreuses navigations. Au cœur des 25 hectares fleuris, face au somptueux palais abritant le Sénat, un grand bassin octogonal voit flotter sur ses eaux de curieux petits voiliers, propulsés par des enfants aux yeux rieurs. Un joli tableau qui témoigne d’une longue histoire de famille, d’artisans et de passionnés.

Au Luco, les Paudeau arrivent à bon port

Dès 1830, les promeneurs du jardin du Luxembourg pouvaient apercevoir de petits bateaux en train de prendre le large au centre du grand bassin. Ce n’était pas un mirage : certains enfants apportaient leurs bricks en bois pour les engager dans des courses effrénées avec ceux de leurs camarades. Peu à peu, la tradition s’installe et les voiliers jettent l’ancre. A la fin du XIXe siècle, une petite cabane prend alors place en plein cœur du jardin pour louer des bateaux.

La famille Paudeau devant le bassin du jardin du Luxembourg

C’est alors qu’une après-midi d’automne, dans les années 1920, un homme se balade dans les allées du Luxembourg. Originaire de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, Clément Paudeau quitte sa rêverie lorsqu’il croise sur sa trajectoire une vieille femme en train de pousser une curieuse charrette remplie de bateaux. Fasciné par ce qu’il est en train de voir, ce grand enfant quitte de ce pas son travail de serrurier pour se consacrer entièrement à la location de ces petits voiliers. Autrefois canotier, Paudeau gonfle les quelques voiles du Luco d’un grand souffle vendéen, et en peu de temps, son visage est connu des amoureux du grand jardin fleuri. Chaque jour, de petites mousses viennent lui rendent visite : ils choisissent un modèle, inscrivent son numéro sur un cahier et partent naviguer pendant des heures.

Puis, en 1929, ce passionné décide de retourner en mer, au sein de sa Vendée natale. Mais la succession est assurée puisque son fils, Pierre Paudeau, reprend l’affaire à l’âge de 23 ans. Vêtu d’une casquette de capitaine, on le croise dans le jardin en train de garder ses voiliers, aiguiller les apprentis à la navigation, puis le soir, ramener son attirail jusqu’à son atelier, au 4 rue Visconti. Figure emblématique du Luco, la famille Paudeau consacrera ainsi près de 80 ans à ses bateaux miniatures.

Là où les voiliers amarrent

Au 4 rue Visconti, une flottille de bateaux sont suspendus au plafond de l’atelier de Pierre Paudeau. A travers la vitrine, on peut découvrir l’homme en train de construire des maquettes qui fileront tout droit sur les eaux du bassin par la simple poussée d’un bâton. A côté, sa femme Arlette est afférée à coudre les voiles en coton. Si ces cotres auriques sont tous constitués d’une coque rouge, d’une grand-voile trapézoïdale et de trente quilles de plombs coincées dans des encoches en bois, chacun d’eux révèle une particularité par sa taille, sa tonture ou sa forme du couronnement. Ceux destinés à la location restaient des modèles simples, tandis que d’autres vendus à des particuliers étaient ornés de détails plus minutieux.

Pierre Paudeau dans son atelier de la rue Visconti

Peu à peu, le nom de Paudeau devient célèbre dans le Tout-Paris, et même par-delà les frontières. L’homme se souvient d’un drôle de visiteur, venu spécialement des Etats-Unis pour lui commander un petit bateau. Ce nostalgique, à qui ses parents avaient autrefois acheté un voilier Paudeau à Paris, souhaitait à son tour en offrir un à son enfant.

Une navigation de tout temps

Aujourd’hui, la famille Paudeau a pris le large. Mais dans le bassin du Luxembourg, les voiliers n’ont pas fini de parler d’eux. Certes, il ne s’agit plus des mêmes petits bateaux qu’au siècle passé : ceux-là ne se dévoilent désormais que dans les salles de ventes aux enchères. Depuis, l’affaire a été reprise en 2011 par Eric Techer, un collectionneur qui fait désormais construire ses maquettes sur les bords de la Rance. Renommée « Les voiliers du Luxembourg », elle garde en mémoire les visages émerveillés des enfants de passage. Et parmi ses 31 bateaux, certains ont le vent en poupe, à l’instar du navire de pirates !

La cabane des voiliers du Luxembourg, août 2016

Depuis 2003, un autre phénomène a vu le jour parmi les navigateurs en herbe du Luco : les Luconautes. Ces habitués se retrouvent tous les dimanches matin pour faire voyager sur le bassin des voiliers, des bateaux à moteur et même des sous-marins ! Une histoire de grands enfants, passionnés de belles aventures, qui prennent un à un le relais dans ce somptueux jardin au cœur de Paris.

Romane Fraysse

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