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L’improbable histoire du “Pétomane” du Moulin Rouge

Joseph Pujol le Pétomane

Fondé en 1889 par Joseph Oller et Charles Zidler, le Moulin Rouge n’a guère tardé à se forger la réputation qu’on lui connait. Les deux fondateurs savent parfaitement ce qui plaît au public parisien : décoration extravagante, piste de danse gigantesque, spectacles fantasques inspirés du monde du cirque… Tout est prêt pour que les riches prennent plaisir à s’encanailler dans ce petit coin de Montmartre ! Résultat, un an seulement après son ouverture, le Tout-Paris se précipite déjà au Moulin Rouge. Grâce à l’immense tête d’affiche du cabaret, La Goulue, mais aussi grâce à un jeune homme au talent particulier : Joseph Pujol dit « Le Pétomane ».

Car, oui, l’attraction phare des débuts du Moulin Rouge, c’est lui. Un homme capable de péter à volonté, d’imiter tout un tas de sons, de jouer « au clair de la Lune » rien qu’avec son fondement et d’en faire un spectacle complet. Du jamais vu !

L’homme qui soufflait un vent de folie sur le Moulin-Rouge

La carrière de cet artiste étonnant commence à Marseille, où il naît en 1857. À côté de son travail de boulanger, le jeune homme loue un petit local et commence à réaliser quelques spectacles. Depuis tout petit, il a développé une capacité à aspirer de l’air par son fondement et, donc, de lâcher des gaz à volonté ! Mieux, il est désormais capable de les moduler en mélodies, d’imiter des cris d’animaux ou d’éteindre des bougies. D’abord étonné, le public marseillais s’enthousiasme rapidement pour le spectacle de celui qui se fait désormais appeler « Le Pétomane ». Ses premiers succès l’encouragent et le jeune trentenaire décide de tenter sa chance à Paris. Le 11 février 1890, Joseph Pujol et son « anus musical » font leurs débuts au Moulin-Rouge et rencontrent, une nouvelle fois, un public très enthousiaste.

Le pétomane du Moulin Rouge

Les Parisiens sont unanimes : se rendre à une performance de Joseph Pujol, c’est la certitude de se tordre de rire tout du long ! Entre 1890 et 1894, le Tout-Paris se rend au Moulin-Rouge pour voir (et surtout écouter) la prestation de celui qui est alors l’artiste le plus couru de Paris, mais aussi le mieux payé de France avec ses 2000 francs gagnés par soirée. Parmi les spectateurs venus assister à cet étonnant spectacle figurent Freud (il a dit que c’était pour le travail), le Prince de Galles ou encore le roi des Belges…. Bref, un sacré gratin !

Un intérêt qui s’essouffle rapidement

Mais le public parisien est aussi difficile que changeant et ne tarde pas à se lasser de son chouchou. Fatigué, lui aussi, de toujours faire le même spectacle, Joseph Pujol rompt son contrat au Moulin-Rouge et fonde un théâtre itinérant. Il espère pouvoir s’essayer à d’autres « arts », le chant, la comédie, voire la magie. Mais le succès n’est plus au rendez-vous et le théâtre ne parviendra jamais à prendre son essor. Et puis la donne a changé dans les cercles intellectuels, on se rend compte que se tordre de rire devant un saltimbanque-péteur n’est pas fort glorieux.

Le pétomane du Moulin Rouge

Déjà mal-en-point, la carrière du Pétomane s’interrompt définitivement en 1914. Joseph Pujol est alors père de dix enfants, dont quatre fils qui partent combattre au front. Le cœur en berne et les poches vides, il retournera finalement à Marseille afin de reprendre son ancien métier de boulanger. Personne ne sait s’il osait y vendre des pets-de-nonne…

 Cyrielle Didier

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