Il fut un temps où l‘Église Saint-Médard s’élevait le long de la Bièvre et possédait, comme toutes les paroisses parisiennes, un cimetière attenant. Les siècles ont passés, la rivière a disparu, le cimetière également. Il a été remplacé par un petit espace vert joliment ombragé par des marronniers et des tilleuls, le square Saint-Médard. C’est pourtant bien là , à l’endroit où les enfants du quartier viennent désormais jouer, que les paroissiens étaient enterrés et que des hystéries collectives incroyables ont eu lieu. On vous raconte l’histoire des “convulsionnaires du cimetière Saint-Médard”.
Des fidèles au chevet d’un homme d’une grande piété
Construite à partir du XVe siècle dans le style gothique flamboyant, l’Église Saint-Médard a longtemps été le point de chute des jansénistes, courant catholique minoritaire et victime de l’hostilité des rois Louis XIV et Louis XV. En mai 1727, la lutte entre le pouvoir royal et les dissidents jansénistes est à son paroxysme. C’est alors qu’un diacre janséniste, vivant dans le quartier et réputé pour sa grande piété et son esprit de charité, meurt. François de Pâris a tout juste 37 ans et sera enterré dans le cimetière de la paroisse Saint-Médard. À peine l’homme est-il inhumé que des fidèles commencent à se réunir autour de sa tombe. Ils sont catégoriques : s’agenouiller auprès de la sépulture de cet homme de foi serait source de miracles !
La rumeur enfle et des centaines de jansénistes, mais aussi des catholiques non dissidents, commencent à venir en pèlerinage sur le tombeau de François de Pâris. On y vient pour prier, se recueillir ou encore prendre la terre qui entoure la tombe pour en faire des pansements miraculeux. Le 13 juin 1731, Marie-Anne Couronneau, une pieuse servante marchant difficilement grâce à l’aide de deux béquilles, se rend dans le cimetière Saint-Médard pour prier sur la tombe de Pâris. Immédiatement, la femme se déclare guérie et n’hésite pas à le crier sur les toits.
Les “convulsionnaires de Saint-Médard”
La frénésie gagne alors la foule qui commence à montrer des accès de folie collective. Rapidement, la ferveur est telle que les “pèlerins” hurlent, gémissent, tombent en pâmoison. Leurs corps apparaissent comme possédés, les os craquent, les muscles se raidissent et les yeux se révulsent. Ceux qui assistent à ce spectacle déconcertant commencent à les appeler “les Convulsionnaires de Saint-Médard”.
Dans les rues de Paris, on murmure même que ces hommes et femmes de tous rangs développent des facultés improbables lorsqu’ils entrent en transe ! Ils auraient par exemple la faculté de parler des langues qu’ils ne connaissent pas, de lire dans les pensées, d’éprouver la douleur de leur voisin ou encore de résister à toutes les violences imaginables. Certains convulsionnaires iront jusqu’à torturer et crucifier d’autres pèlerins dans leurs accès de folie !
Par peur que les troubles se répandent dans tout Paris, le roi Louis XV en interdit l’accès dès le 29 janvier 1732, cinq ans après que les premiers “pèlerins” ont commencé à prier sur la tombe de François de Pâris. L’on dit néanmoins que les convulsionnaires ont continué de se réunir en privé jusqu’à la Révolution… voire au-delà .
Église et square Saint-Médard – 141 rue Mouffetard / 32 rue Censier, 75005
Métro : Censier Daubenton (ligne 7)