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L’histoire du plafond de l’Opéra Garnier par Marc Chagall

En 1960, André Malraux, alors ministre de la Culture, prend une décision qui changera le visage de l’Opéra Garnier : il confie au peintre Marc Chagall le nouveau décor du plafond. Polémique, admiration, perplexité…ce plafond fait encore parler aujourd’hui.

Une volonté de rendre l’Opéra Garnier plus joyeux

L’histoire du nouveau plafond de l’Opéra prend place en 1960. La légende raconte qu’en assistant à une représentation de Daphnis et Chloé à l’Opéra, le ministre de la Culture André Malraux s’ennuyait. En levant la tête par distraction, il prend conscience de l’aspect académique du plafond par Jules Lenepveu, qui donne à la salle un caractère triste et poussiéreux. Une idée germe alors dans son esprit : pourquoi ne pas remplacer ce décor vieillissant par une œuvre contemporaine ? Dès l’entracte, il contacte son ami Marc Chagall, alors à Jérusalem où il travaille sur les vitraux d’une synagogue, et dont il admire l’œuvre. Le peintre accepte et entame son travail deux ans plus tard, en janvier 1963. Il s’installe d’abord au musée des Gobelins, puis continue et achève son travail dans son atelier de Meudon.

Cliché du photographe Izis de 1964 dans son intégralité. Chagall travaillant sur le panneau jaune. (ADAGP Paris 2015 Photo Izis-Manuel Bidermanas)

Pour concevoir le plafond, Chagall opère un grand travail de préparation : il réalise une cinquantaines d’esquisses dans des techniques différentes, ainsi que deux maquettes. Le peintre est alors assez âgé : pour l’accompagner dans cette œuvre monumentale de 220m², trois assistants l’épaulent : Roland Bierge, Paul Versteeg et Jules Paschal. En tout, il faudra une année aux quatre hommes pour achever cette œuvre d’envergure.

Maquette définitive pour le plafond de l’Opéra – Gouache sur papier entoilé, 1963
© Archives Marc et Ida Chagall, Paris

 

Les critiques

Pourtant, la polémique gronde. Lorsque que le public apprend que l’œuvre académique de Lenepveu « Les muses et les heures du jour et de la nuit » va être recouverte, les critiques se multiplient. Et cela bien avant son inauguration, le 23 septembre 1964. C’est surtout « l’incohérence » de placer une œuvre contemporaine et surréaliste au milieu du décor néo-classique du Second Empire qui dérange. Un argument farouchement défendu est également le principe d’harmonie de Garnier, qui avait choisi avec soin artistes et décors pour son Opéra. De plus, une partie de la population considère à ce moment-là que l’œuvre d’un peintre étranger, loin de la culture française, n’a pas sa place dans l’un des édifices les plus célèbres de Paris. D’autres affirment que Chagall compte s’enrichir sur le dos des français. Critique que Chagall démentira avec la plus grande élégance en refusant de toucher le moindre salaire.

Pour composer avec ces critiques, Malraux, Chagall et Georges Auric, le directeur de l’Opéra, prennent la décision de conserver l’œuvre de Lenepveu. Pour installer le nouveau décor, des panneaux en polyester, facilement démontables, ont été posés et l’œuvre de Chagall y a été marouflée. De quoi préserver un riche patrimoine tout en donnant un coup de jeune à la vieille institution de l’Opéra.

La composition du plafond

Lors de l’inauguration du plafond, le 23 septembre 1964, Chagall prononce ces mots : « Il y a deux ans, monsieur André Malraux me proposait de peindre un nouveau plafond de l’Opéra à Paris. J’étais troublé, touché, ému…Je doutais jour et nuit. »

Et il faut dire que l’artiste a livré tout son art dans cette œuvre, entre déploiement de teintes vives et respect de la perception visuelle. Si le plafond de l’Opéra fascine tant, c’est d’ailleurs pour ses couleurs chatoyantes. Le plafond est composé de cinq parties, différenciées par des panneaux de couleurs vives. En tout, Chagall rend hommage à quatorze compositeurs marquants des arts lyriques et présents dans le répertoire de l’Opéra. Dans le compartiment bleu, on retrouve des motifs rappelant La flûte enchantée de Mozart et Boris Goudounov de Moussorgski. Sur le vert, c’est le Tristan et Isolde de Wagner et le Roméo et Juliette de Berlioz qui sont mis à l’honneur. Le blanc accueille les décors relatifs à Rameau et à Pelléas et Mélisande de Debussy. Le jaune contient des références du Lac des Cygnes de Tchaïkovski et de Giselle d’Alfred Adam. Enfin, le rouge correspond à Ravel et Stravinski. Les décors qui ne sont pas dédiés à ces ballets et ces opéras représentent des couples légendaires, des créatures féériques ou des monuments parisiens. En cherchant bien, on peut même trouver la représentation d’André Malraux et de Chagall lui-même.

Chagall dira de son œuvre : « J’ai voulu, en haut, tel dans un miroir, refléter en un bouquet les rêves, les créations des acteurs, des musiciens ; me souvenir qu’en bas s’agitent les couleurs des habits des spectateurs. Chanter comme un oiseau, sans théorie ni méthode. Rendre hommage aux grands compositeurs d’opéras et de ballets ». Pari réussi ! Aujourd’hui, impossible aux visiteurs de l’Opéra Garnier de rester insensible à cette œuvre : qu’elle suscite admiration ou rejet, elle déchaine les passions et représente le nouveau visage de l’Opéra.

Virginie Paillard 

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