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Sophie Germain, mathématicienne autodidacte et pionnière méconnue

C’est une des premières femmes mathématiciennes et la première à recevoir, en 1816, le Grand Prix des sciences mathématiques de l’Académie des sciences. Portrait de cette mathématicienne mais aussi philosophe française dont le nom est peu connu, malgré sa contribution massive au progrès scientifique.

Sophie Germain alias Antoine Auguste Le Blanc

Sophie Germain, fille d’un commerçant en soie et tissus, nait en 1776 à Paris dans une famille bourgeoise et cultivée. Son père, Ambroise-François Germain devient député du Tiers État et figure importante du pouvoir pendant la Révolution française. Dans ce contexte particulier, Sophie a accès aux textes mathématiques et physiques les plus récents et étudie jour et nuit, l’époque de la Terreur ne favorisant pas les sorties extérieures.

Elle commence dès l’âge de 13 ans à se passionner pour les mathématiques, notamment grâce à la lecture des travaux d’Archimède. La diffusion des écrits scientifiques se faisant en latin, elle apprend la langue seule. Parfaite autodidacte, elle dévore les écrits des plus grands de l’époque ; Isaac Newton, Leonhard Euler ou encore Carl Friedrich Gauss passent ainsi entre ses mains. Son père lui confisque même ses chandelles afin de la dissuader d’exercer un métier exclusivement masculin.

Mais Sophie est déterminée à suivre cette voie. Elle finit par obtenir le soutien moral et financier de sa famille et emprunte un pseudonyme à partir de 1794 afin de se procurer les cours de l’École Polytechnique : elle choisit le nom d’un élève ne se présentant plus aux cours et c’est ainsi qu’apparait « Antoine Auguste Le Blanc » dans la sphère scientifique. Polytechnique est en effet interdite aux femmes et ne devient mixte qu’en 1972 ! Joseph-Louis Lagrange, professeur avec qui elle communique de manière épistolaire est impressionné par la rigueur et la finesse de ses analyses et la convoque : la supercherie est révélée au grand jour et, contre toute attente, Joseph-Louis Lagrange devient son mentor.

Une notoriété unique mais une postérité bien moindre

Après cette rencontre, Sophie Germain acquiert une petite notoriété au sein du cercle très fermé des scientifiques parisiens. Elle envoie à l’éminent Carl Friedrich Gauss des analyses mathématiques auxquelles il ne répond jamais. Pourtant, lorsque Napoléon envahit la Prusse et le village natal de Gauss en 1806, Sophie Germain demande au général Pernety de veiller à sa sécurité. Elle est alors obligée de révéler son identité. Gauss lui répondra : « Mais lorsqu’une personne de ce sexe, qui, par nos mÅ“urs et par nos préjugés, doit rencontrer infiniment plus d’obstacles et de difficultés, que les hommes, à se familiariser avec ces recherches épineuses, sait néanmoins franchir ces entraves et pénétrer ce qu’elles ont de plus caché, il faut sans doute, qu’elle ait le plus noble courage, des talents tout à fait extraordinaires, le génie supérieur. »

Et c’est vrai, du génie, elle en a ! Elle est la première à tenter de vérifier le célèbre théorème de Fermat sur les nombres premiers, en inventant sa propre catégorie de nombres premiers. Elle parvient ainsi à un théorème, connu sous le nom de « théorème de Sophie Germain ». Elle ne le publiera pourtant jamais et c’est le savant Adrien-Marie Legendre qui s’en chargera.

En 1816, elle est néanmoins la première femme à recevoir le prix de l’Académie des sciences pour avoir proposé une approche et fait les premiers calculs qui permettent de comprendre les raisons de l’apparition de formes géométriques sur les plaques vibrantes. Ce problème physique de l’élasticité des corps sera d’ailleurs utilisé pour la construction de la Tour Eiffel, mais Sophie Germain ne sera jamais mentionnée parmi les scientifiques ayant contribué à l’érection de la dame de Fer.

Lettre d’admission de Sophie Germain à l’Académie des sciences.
© BNF/BIBLIOTHEQUE ECOLE POLYTECHNIQUE

En 1831, Sophie Germain décède d’un cancer du sein et est inhumée au cimetière du Père Lachaise. Dans son certificat de décès elle apparait comme « rentière », la science n’étant pas une affaire de femmes. L’insuffisance de certains de ses travaux s’explique d’ailleurs par une mise à l’écart de la vie scientifique. Quant à ses écrits philosophiques, édités par son neveu, ils ont inspiré Auguste Comte, père de la théorie positiviste. Un lycée réservé aux jeunes filles porte son nom dans le 4e arrondissement et, pour lui rendre hommage, l’institut Henri Poincaré s’est joint à la Poste en 2016 pour publier un timbre à son effigie.

© Création Edmond Baudoin, gravure Elsa Catelin

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