En 1766, le chevalier de la Barre est accusé d’avoir commis des actes de blasphème contre la religion chrétienne. Pris au centre de rivalités locales et victime d’un règlement de compte, le jeune homme d’Abbeville est condamné à mourir dans d’atroces souffrances. Dans son combat contre l’obscurantisme religieux, le philosophe Voltaire prendra fait et cause pour la réhabilitation de la mémoire du chevalier… Intéresserons-nous à cette bien triste histoire…
Les faits
Dans la petite ville d’Abbeville, près d’Amiens, le chevalier de la Barre, issu de la noblesse provinciale, vit chez sa tante, qui l’a recueilli après la mort de ses parents. Lecteur du Dictionnaire philosophique de Voltaire, le chevalier est pétri de la philosophie des Lumières et fréquente les milieux anti-religieux et contestataires d’Abbeville. Attirés par l’interdit et le subversif, le Chevalier de la Barre et certains de ses amis sont les coupables idéaux des autorités après la découverte d’un terrible acte de sacrilège à Abbeville…
En 1766, en effet, des villageois découvrent avec effroi deux crucifix blasphémés, dont l’un recouvert d’excréments, près du cimetière d’Abbeville. Face au tollé généré par cet acte blasphématoire, qui touche en plein cÅ“ur la sensibilité religieuse de toute une communauté, les magistrats, et notamment le lieutenant de police, Mr Duval, se tournent très vite vers le petit groupe des jeunes contestataires. Duval, nourri d’un ressentiment personnel envers le Chevalier de la Barre – la cousine de ce dernier avait refusé les avances de Duval – mène une enquête à charge, recueillant des témoignages plus ou moins vérifiables. Certains villageois évoquent ainsi certaines frasques passées du chevalier de La Barre, considéré comme un dangereux athée, qui aurait à maintes reprises manifesté son rejet de la religion : refus d’ôter son chapeau au passage d’une procession religieuse, chant de chansons impies et à gloire au philosophe Voltaire…
A la suite d’une enquête rapidement menée par Duval, le tribunal d’Abbeville condamne le chevalier de la Barre à avoir la langue arrachée, à être décapité et brûlé pour  « impiété, blasphèmes, sacrilèges exécrables et abominables ».
Le chevalier de la Barre fait appel auprès du parlement de Paris. Mais ce dernier, traversé de courants politiques contradictoires et en plein guerre contre les philosophes des Lumières et les Encyclopédistes, confirme la sentence de mort du tribunal d’Abbeville. La plupart des parlementaires, certains humanistes ou encore l’évêque d’Amiens espéraient néanmoins qu’en tout dernier recours, le roi Louis XV exerce son pouvoir de grâce pour éviter au chevalier de la Barre l’exécution… Rien n’y fera.
Le Chevalier est effectivement exécuté, le 1er juillet 1766. Torturé le matin, il est décapité à l’épée (privilège noble) sur la place d’Abbeville et son corps brûlé, en même temps que le Dictionnaire philosophique de Voltaire. Le bourreau épargnera néanmoins au jeune homme le supplice de l’arrachage de la langue.
L’intervention de Voltaire
Alerté par le retentissement de cette affaire (les condamnations pour blasphèmes au XVIIIe siècle étaient un fait rare…), dans laquelle son nom est cité avec récurrence, le philosophe Voltaire prendra la plume, pour défendre la mémoire du chevalier de Barre, dans la lignée de ses combats contre l’intolérance religieuse et l’obscurantisme. A la même époque, Voltaire défend la famille Callas et Sirven, deux protestants victimes, eux-aussi, de l’intolérance religieuse. Des lettres sont rédigés par le philosophes dans lesquelles il dénonce l’irrégularité du procès – le délit de blasphème n’est normalement plus condamné à mort depuis 1666 –, la disproportion entre le délit et le châtiment exécuté et les nombreuses zones d’ombres qui pèsent sur l’enquête. La personnalité trouble du lieutenant Duval et les potentiels conflits d’intérêts sont pointés du doigt par le philosophe.
Il faudra attendre la Révolution française pour que le chevalier de la Barre soit réhabilité. Dans de nombreuses villes de France, des rues et des statues portent en mémoire ce tragique épisode judiciaire, comme en témoigne la statue représentant le Chevalier de la Barre, installée en face du Sacré-Cœur de Montmartre.
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