Cette église atypique dans un écrin de verdure à Paris renferme d'extraordinaires décors réalisés par "le Michel-Ange russe"

Par Alexandre M

Situé à l’extrémité nord-est de Paris, le 19ème arrondissement est souvent reconnu comme “l’arrondissement des Buttes-Chaumont”. Ouvert en 1867 sous le Second Empire et imaginé pour offrir un grand espace vert aux Parisiens, ce parc fait en effet la fierté du quartier, mais il est loin d’être le seul lieu d’intérêt de l’arrondissement. Difficile de ne pas citer également la Cité de la musique, Le Zénith, la Cité des sciences et de l’industrie ou encore La Géode et le Cabaret Sauvage. Mais en plus de tous ces lieux très populaires, le 19ème arrondissement abrite aussi quelques “bizarreries” historiques, comme cette étrange paroisse…

Retour au début du 20ème siècle, en plein essor de l’immigration russe…

C’est bien connu : pour découvrir un trésor, il faut parfois se perdre dans un dédale de chemins et s’aventurer. Cela tombe bien, c’est exactement ce qu’il faut faire pour venir admirer l’église Saint-Serge de Radonège aux Buttes-Chaumont. C’est en effet en longeant un chemin fleuri, niché dans un écrin de verdure, que se trouve au numéro 93 de la rue de Crimée cette paroisse russe-orthodoxe. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le style de celle-ci a de quoi étonner, tant l’impression d’être face à un chalet est forte. À l’origine église luthérienne allemande, le bâtiment fut confisqué pendant la Première Guerre mondiale puis mis en vente par le gouvernement Français. Elle est ainsi acquise lors de la fête de Saint-Serge par l’Église orthodoxe, alors que l’immigration russe connaît un essor sans précédent en France à cette époque, suite à la révolution de 1917. Les autres établissements, tels que la Cathédrale Saint-Alexandre Nevsky (17ème arrondissement), ne peuvent accueillir tous les fidèles. De plus, la population ouvrière du 19ème arrondissement ne se reconnaît pas dans ce quartier réputé bourgeois.

Église Saint-Serge de Radonège © Arthur Crestani

Une véritable profusion de décorations et de détails

En arrivant devant le bâtiment, l’extérieur offre donc aux visiteurs un curieux spectacle, avec ce porche ouvragé en bois coloré. Et que dire de l’intérieur de l’église, qui a été décoré par le peintre russe Dimitri Semionovitch Stelletsky. Qualifié de “Michel-Ange russe”, l’artiste s’est tourné vers le style néo-gothique russe, avec un véritable festival de couleurs grâce aux vitraux, décorations et fresques qui tapissent les murs de la bâtisse. Aussi étonnant que cela puisse paraître, l’église n’est pas en bois comme on pourrait le croire en admirant les moindres recoins, mais bien en briques. Le porche et les escaliers extérieurs en bois sont rapportés et plaqués sur l’église en brique. Côté décoration, les défenseurs de la foi orthodoxe sont représentés sur les murs des escaliers, certains saints portant un rouleau où est copié un extrait de leurs écrits. Quant aux murs intérieurs, ils sont recouverts de fresques où l’on peut voir douze saints et douze grandes fêtes orthodoxes représentés de chaque côté de la nef. Insolite jusqu’au bout, la profusion de dorures, d’ornements et de couleurs, allant des fresques du plafond jusqu’aux bancs sculptés sont les ingrédients ultimes à cet étrange mais captivant mélange qu’est l’église Saint-Serge de Radonège.

Intérieur de l’église © Paroisse Saint-Serge

Un savoir si précieux sur l’orthodoxie et un lieu comme coupé du monde

Parmi les nombreux trésors que renferme cette église, difficile de ne pas citer l’élément décoratif le plus spectaculaire : l’iconostase comportant plus d’une centaine d’icônes. Comportant plus d’une centaines d’icônes, elle comporte notamment au centre un Christ en gloire entouré de trois animaux et d’un personnage, symbolisant les quatre évangélistes. Sans oublier le chœur et l’autel datant du XVIe siècle, qui proviennent tous deux de chez un antiquaire berlinois. Et qui dit monument religieux dit aussi reliques. L’étonnante paroisse des Buttes-Chaumont est aussi la maison d’accueil d’une bibliothèque contenant plus de 35 000 ouvrages, en diverses langues dont le russe, le français et le grec, d’une librairie religieuse et, enfin, de l’Institut de Théologie Orthodoxe Saint-Serge à Paris, unique en son genre pour ses enseignements en français sur l’orthodoxie. Pour prolonger un peu plus cet enivrant voyage, le jardin qui se trouve accolé à l’église se révèle être un véritable havre de paix, idéal pour profiter d’un petit moment au calme. Sous la gestion d’une association qui a entrepris de restaurer le jardin négligé de l’Église orthodoxe Saint-Serge, ce discret espace vert offre un mélange de fleurs et de plantes aromatiques, qui poussent sereinement au pied des arbres, dans les sous-bois et au pied des murs. Pour admirer au mieux tous les trésors de l’église Saint-Serge de Radonège, une venue le dimanche, le jour de l’Office, est fortement recommandée.