Tout comme celle des monuments, la liste des théâtres parisiens est incroyablement longue. L’Odéon ou la Comédie-Française, le Trévise ou les Folies Bergère, Marigny ou l’Européen, Mogador encore, l’Olympia… Il ne s’agit certes que d’un simple échantillon, mais tous sont des temples du classique ou de la comédie, de la chanson et de l’humour… On en connaît leur scène, leurs façades, parfois richement décorées, et pour beaucoup, ils sont classés ou inscrits aux monuments historiques. Autant de lieux qui ont également vu se produire les plus grands succès et les plus grands artistes, de Molière à Jean-Claude Brialy, en passant par Caron de Beaumarchais et Joséphine Baker.
Une décoration qui sort de l’ordinaire
Chaque théâtre a son histoire, ses grandes dates et des représentations mémorables gravées à jamais dans son histoire. Si chacun possède finalement ses caractéristiques, tous les théâtres classiques se rassemblent finalement sur un point : celui d’être doté de sièges rouges. Mais même quand on pense tout savoir, la capitale n’en finit pas de nous surprendre ! Il faut en effet se rendre dans le 2ème arrondissement, à quelques mètres seulement de l’imposante colonne Vendôme, pour (re)découvrir un théâtre unique à Paris : le théâtre Daunou. Pour quelle raison ? Tout simplement parce qu’il s’agit du seul théâtre à Paris… à être décoré en bleu. Pour mieux comprendre ce choix, il faut remonter aux grands débuts de cette salle, juste après la Première Guerre mondiale. C’est en 1921 que naît le Théâtre Daunou, à deux pas de l’Opéra Garnier. Dans un superbe style Art déco, ce lieu culturel est commandé par la comédienne Jane Renouardt, grande vedette du cinéma muet, à l’architecte Auguste Bluysen. Toutefois, la comédienne confie la décoration de l’intérieur à sa proche amie Jeanne Lanvin, célèbre couturière française. Cette dernière s’associe à Armand Rateau, considéré comme une référence de l’Art déco, et choisit surtout de ne pas arborer le rouge traditionnel mais bien un bleu qu’elle crée : le Bleu Lanvin. La salle est également ornée de marguerites dorées à l’or fin, la fleur préférée de la couturière.
Terrain de jeu de grands noms de la comédie
Le théâtre est ainsi inauguré le 30 décembre 1921 avec la représentation d’Une sacrée petite blonde, d’André Birabeau et Pierre Wolff, suivi de l’opérette Ta bouche d’Yves Mirande et Albert Willemetz. Une programmation bien différente de celles qui s’y tenaient avant le théâtre. À cet emplacement s’élevait en effet l’église du couvent des Capucines. Sous la Révolution, le couvent est occupé par l’hôtel des Monnaies, puis en 1800 par un cirque. Sous l’Empire, le couvent est rasé et la rue Napoléon, rebaptisée rue de la Paix en 1814, est ouverte à sa place. Sous la direction de Jane Renouardt, le théâtre centré sur la comédie présente également des opérettes et revues, où Fernand Gravey, Gabaroche, Pizani, Arletty ou encore Lucien Baroux y tiennent la vedette. Devenu un théâtre de renom parmi les nombreux théâtres de la capitale, le théâtre Daunou connaît toutefois quelques coups durs, comme un terrible incendie en 1971. Après une reconstruction à l’identique en 1973, la comédie y tient désormais une place prépondérante. Depuis, le lieu a vu se produire bon nombre de grands comédiens et comédiennes : Sophie Desmarets, Odile Versois, Madeleine Robinson, Albert Préjean, Jean-Claude Brialy, Darry Cowl, Louis de Funès, Jacqueline Maillan, Robert Dhéry, Colette Brosset ou encore Robert Lamoureux.
Un édifice historique qui va bientôt rouvrir ses portes
Haut-lieu de l’opérette des années folles, le Théâtre Daunou fait la part belle à un répertoire comique à travers des pièces classiques et contemporaines, sans jamais dévier de sa ligne : faire rire. Depuis 2021, le théâtre est engagé dans une importante phase de réhabilitation complète pour combiner la modernité des équipements, aussi bien pour le public que les artistes, tout conservant la magnificence de sa salle inscrite au registre des Monuments Historiques. Un travail sur l’accessibilité des personnes à mobilité réduite a également été pensé, ce qui implique une légère diminution du nombre de places assises, passant de 450 à 425. L’occasion aussi de réparer quelques modifications ou ajouts disgracieux pour retrouver la symétrie originelle de la salle. Par ailleurs, un important travail est réalisé sur les sculptures, dorures et peintures. L’un des objectifs étant notamment de restituer les bas-reliefs et les fameuses marguerites, dont les plus grandes font office d’appliques. Emblématiques du lieu, tout une série de fauteuils ont été recréés à l’identique, bien qu’une centaine des fauteuils d’origine ont pu être conservés et sont en cours de restauration. Fermé depuis près de 4 ans, cet écrin Art déco doit normalement rouvrir ses portes en septembre prochain. Le rendez-vous est déjà pris pour (re)découvrir ce bijou méconnu de Paris !
Théâtre Daunou
7 rue Daunou
75002 Paris
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Image à la une : Théâtre Daunou © Axel Dahl