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Cinq espions et espionnes parisiens qui ont marqué l'histoire

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Par Lisa B

Peut-être avez-vous déjà croisé, sans le savoir, un espion au détour d’une rue ? Ces hommes et ces femmes, dont on ne pourrait jamais deviner la fonction, ont pourtant joué des rôles décisifs dans l’histoire du pays. Auprès des plus grands rois ou pendant des conflits entre Etats, des Parisiens et Parisiennes ont aidé la France à sortir de périodes sombres, tandis que d’autres ont choisi de la trahir en divulguant de précieuses informations. Zoom sur cinq espions et espionnes célèbres

Mata Hari (1876-1917) : une bien piètre espionne

Margaretha Geertruida Zelle naît au Pays-Bas à la fin du XIXème siècle. À 18 ans, elle épouse un militaire et le suit en Indonésie, une ancienne colonie néerlandaise, où elle s’initie à la danse orientale et crée le personnage de Mata Hari, “œil du jour” en malais. Elle divorce finalement de son mari violent en 1902 et débarque en France. Une fois à la capitale, elle séduit la haute société en se produisant sur les grandes scènes parisiennes avec ses danses exotiques et sensuelles. Mata Hari charme tout le monde sur son passage et collectionne les amants.
Quand la Première Guerre mondiale éclate, elle est approchée par le Consul d’Allemagne aux Pays-Bas, qui lui propose une mission d’espionnage. Une bonne information peut rapporter à la danseuse jusqu’à 10 000 francs ! L’appât du gain motive la jeune femme à tenter de glaner quelques informations sur l’oreiller. Elle oublie d’ailleurs assez rapidement ses engagements lorsqu’elle rencontre un bel officier Russe dont elle tombe follement amoureuse. Elle finit par attirer les soupçons sur elle lorsqu’elle propose au chef du contre-espionnage français ses services contre des sommes exubérantes. En réalité, Mata Hari n’avait qu’un objectif en tête : obtenir par ce biais un laissez-passer lui permettant de rejoindre son amant à Vittel, où il était tout juste hospitalisé. Les Alliés se méfient d’elle et la placent sous surveillance. Alors qu’elle est envoyée à Madrid, un de ses messages est capté par la Tour Eiffel, antenne décisive dans l’interception d’informations ennemies. Elle est arrêtée le 13 février 1917 et conduite à la prison pour femmes de Saint-Lazare avant d’être fusillée en octobre de la même année. En réalité, Mata Hari n’a rapporté que quelques informations anecdotiques sur sa courte période d’espionnage. Symbole de trahison, elle est surtout une grande opportuniste ! 

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Mathilde Carré (1908-2007) : le visage de la trahison

Personnage complexe et déroutant, Mathilde Carré suscite aujourd’hui encore, autant de fascination que de répulsion. Surnommée la Chatte, la jeune femme s’engage dans la Résistance, plus par goût du risque que par conviction. Elle voit la guerre comme l’occasion de vivre des expériences palpitantes et de quitter l’ennui que lui inspire son mariage. Aux côtés de Roman Czerniawski, un officier polonais, elle monte en 1940 le réseau Interallié. Parée de son manteau de fourrure et d’un béret rouge, la Chatte part à la pêche aux informations à Vichy auprès du gouvernement de Pétain. Depuis Paris, elle envoie également de précieuses informations à Londres. Installé depuis peu à la Villa Léandre, le réseau est démasqué par l’Abwehr, le service de renseignement allemand.
Mathilde Carré est arrêtée le lendemain et envoyée à la prison de la Santé. Face aux menaces de torture, la Chatte ne tarde pas à se mettre à table, d’autant qu’on lui fait une proposition “alléchante”… Elle est libre à condition de trahir ses compagnons de résistance. Sans hésitation, Mathilde Carré change de camp et met en place un guet-apens permettant aux Allemands d’arrêter entre 50 et 100 personnes. Elle se charge également de récolter des informations via ses contacts britanniques, qui ignorent tout de sa nouvelle activité. Son double-jeu est finalement percé à jour par un agent français du SOE (Special Operative Executive). Il l’extrade en Angleterre contre son aide pour berner les Allemands. Mathilde Carré accepte, se sachant condamnée tôt ou tard par les forces de l’Axe. Enfermée dès son arrivée sur le sol britannique, elle sera jugée coupable le 7 janvier 1949 d’intelligence avec l’ennemi. Condamnée à la peine de mort puis mystérieusement graciée et remise en liberté, elle s’éteint bien des années plus tard, en 2007. 

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Françoise Arnoul incarne Mathilde Carré dans le film réalisé par Henri Decoin. Crédit : Prod DB-Elysées Films-Metzger-Woog-Fils-Balar via L’Express

Robert Maloubier (1923-2015) : le gentleman agent secret 

Ce James Bond français, comme les médias aiment à le surnommer, a connu une carrière digne des plus grands films d’aventures. Robert Maloubier, dit Bob, a vécu une vie héroïque, menée par une détermination inégalable et multipliant les casquettes de résistant, parachutiste ou nageur de combat. Quand la Seconde Guerre Mondiale éclate, Bob Maloubier est recruté au service de la couronne britannique, au sein des Specials Operations Executive créés par Churchill. À peine âgé de 20 ans mais point dépourvu de courage, il est parachuté pour sa première opération de sabotage dans la zone industrielle de Rouen en 1943. Durant le conflit, sa mission est de faire dérailler les trains, faire sauter les ponts ou détruire les usines.
Le 20 décembre de la même année, il est interpellé par une voiture de la Wehrmacht, l’armée commandée par Hitler. Robert Maloubier parvient à s’échapper mais une balle ennemie lui transperce le poumon et le foie. Ce gentleman intrépide réussit à s’enfuir tant bien que mal et finit par s’écrouler dans un champ par une nuit glaciale. Par miracle, ce froid polaire le maintient en vie et stoppe le saignement. À son réveil, “une gaine de glace” le recouvre. Il parvient finalement à trouver un médecin, et se remet sur pied quelque temps plus tard. Il fera également partie du plan Fortitude, visant à induire les Allemands en erreur sur le lieu du Débarquement grâce à une vague de désinformation. À la Libération, il sera employé par la SDECE, le service de documentation extérieur et de contre-espionnage français où il fonde l’unité des nageurs de combat. Il reçoit des mains de la Reine l’ordre de l’Empire Britannique avant de s’éteindre en 2015 à l’âge de 92 ans. 

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Portrait de Bob Maloubier, premier nageur de combat, lors de la cérémonie du 8 mai à Bordeaux. Crédit : Ministère de la Défense

Le chevalier d’Eon (1729-1810) : au service de Louis XV

Ambitieux, intelligent, scandaleux, romanesque… Connaissez-vous l’histoire de Charles d’Éon de Beaumont, dit le Chevalier d’Eon ? Ce personnage atypique a marqué l’histoire de France par sa personnalité extravagante et son rôle d’espion pour le roi Louis XV. Doté d’une grande vivacité d’esprit dès son plus jeune âge, le chevalier d’Eon accède rapidement à des postes à responsabilités dans le gouvernement royal. Grâce au Prince de Conti dont il est le favori, il parvient à rencontrer le roi lors d’un bal masqué, alors qu’il s’est habillé en femme. Séduit par la personnalité du chevalier, le souverain le recrute comme agent de sa diplomatie secrète, qu’il mène à l’insu de ses ministres. Sa nouvelle recrue est envoyée en Russie, pour obtenir un accord de paix, mais aussi à Londres pour espionner la couronne britannique et préparer un hypothétique débarquement français en Angleterre.
Mais la suite des événements ne va pas se dérouler comme prévu pour le chevalier. Particulièrement friand des soirées mondaines des ambassades anglaises et atteint de la folie des grandeurs, Charles d’Éon de Beaumont fait tout pour obtenir le poste d’ambassadeur de France en Angleterre. Il n’hésite pas à faire du chantage au roi lui-même, le menaçant de divulguer des documents confidentiels à la presse ! Le chevalier ne manque pas de s’attirer les foudres de Louis XV, qui reste inflexible. Pour se faire oublier et échapper à la sentence royale, Charles d’Eon ruse et emploie son stratagème de toujours : le travestissement. Il finira sa vie dans l’anonymat et la pauvreté en 1810. 

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Joséphine Baker (1906-1975) : héroïne de son temps

Célèbre pour ses grimaces désopilantes et ses danses endiablées, Joséphine Baker est aussi reconnue pour son engagement dans la Résistance lors de la Seconde Guerre mondiale. Arrivée en France en 1925, cette jeune américaine native du Missouri s’illustre sur les scènes des théâtres parisiens dans des “Revues Nègres”, sous les projecteurs du fantasme colonial des Années folles. Son succès est fulgurant : le public l’acclame et le Tout-Paris se presse pour la découvrir. La jeune femme sait jouer avec les clichés pour s’ériger en tant que première icône noire dans le paysage français.
Résolument maîtresse de son destin, il était impensable pour Joséphine Baker de rester les bras croisés quand la guerre éclate ! Elle décide alors d’utiliser sa notoriété au service de son pays de cœur. Elle enfile le discret costume d’espionne et se fait inviter dans les ambassades pour boire le thé, prêchant le faux pour savoir le vrai. Son statut lui permet de continuer ses voyages en Europe et en Afrique du Nord, ramenant, au passage, des messages inscrits à l’encre sympathique sur ses partitions ou cachant des microfilms dans son soutien-gorge. Engagée en tant que sous-lieutenante dans l’Armée de l’air en 1944, elle se mobilise également pour la Croix-Rouge. Son engagement lui vaudra en 1961 la Légion d’honneur

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Lisa Back

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