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La petite histoire du restaurant Le Grand Véfour

Par Lisa B

Il est l’un des plus anciens restaurants du monde. Erigé en 1784, Le Grand Véfour a façonné l’art de la table et joué un rôle primordial dans l’histoire de la gastronomie française. De Victor Hugo en passant par Colette ou André Malraux, de grands noms de la capitale en ont fait leur cantine au fil des siècles. 

Bienvenue au Palais-Royal

Midi à Paris. Au fond du jardin du Palais-Royal, les cuisines d’un grand restaurant s’activent. Dans la salle, faite de dorures et de miroirs, les clients passent commande. Installés sur leur banquette rouge théâtre, certains choisissent les ravioles de foie gras, quand d’autres préfèrent le pigeon prince Rainier, qui a fait la renommée de l’établissement. Pas de doute, nous sommes bien au Grand Véfour, lieu de rendez-vous des fins palais. Bien plus qu’un simple restaurant, il a fait naître un art de vivre

Crédit : grand-vefour.com

Plantons le décor. À l’origine, le Palais-Royal est un Palais Cardinal, construit à la demande de Richelieu, souhaitant une demeure à côté du Louvre. À sa mort, le palais devient Royal et atterrit aux mains de la nièce de Louis XIII, Henriette d’Angleterre, épouse de Philippe d’Orléans. Quelques années plus tard, Louis-Philippe Joseph, duc d’Orléans et nouveau propriétaire du Palais-Royal, souhaite aménager les jardins pour gagner un peu d’argent. Il fait construire des galeries en 1781, constituées de nombreux commerces, de maisons de jeux, d’un cabaret, de cafés et même de maisons closes. C’est l’endroit à la mode par excellence ! En 1784, le sieur Aubertot, limonadier, y loue un emplacement pour fonder le Café de Chartres, futur Véfour

Naissance d’un des premiers restaurants

Au Palais-Royal, les esprits bouillonnent, on joue, on boit, on fréquente les prostituées. Mais l’année 1836 sonne la fin de cet âge d’or. Les maisons de jeux et les maisons closes sont fermées. Les Parisiens tournent alors le dos à ces galeries, qui ont perdu tout leur intérêt. Précédemment, en 1820, le café de Chartres est racheté par Jean Véfour, qui donne son nom à l’établissement. Son ambition ? Transformer le troquet en luxueux restaurant. 

Aussi étonnant que cela puisse paraître, le concept de restaurant était tout nouveau à l’époque et n’existait tout simplement pas avant la Révolution. Les parisiens pouvaient se rendre dans les bouillons, où l’on servait une palette de mets limitée : volailles, œufs, bouillons et bouillies. Les traiteurs étaient habilités, quant à eux, à servir des plats en sauce. La Révolution vient bousculer cet ordre établi et les corporations sont abolies en 1791. En effet, le Roi et la Cour, qui fuient le pays, laissent derrière eux leur personnel et des chefs. Dépourvus de leur client, c’est tout naturellement que ces derniers se sont dirigés vers le populaire Palais-Royal et ses cafés pour proposer leur cuisine aux parisiens. Les restaurants sont nés ! 

Crédit : Le Grand Véfour via Instagram

C’est ainsi que le Véfour commence à servir progressivement des plats. La recette fonctionne : malgré l’abandon du Palais-Royal par la population, l’établissement est couronné de succès avec ses 2 000 couverts journaliers. Parmi leur clientèle, un certain Sainte-Beuve, Lamartine ou encore Victor Hugo. Il parait que l’auteur des Misérables avait l’habitude de commander systématiquement des vermicelles, de la poitrine de mouton et des haricots blancs… 

Le règne de Raymond Oliver

Malgré tous les efforts réalisés par les différents gérants du Grand Véfour à travers le temps, l’établissement connaît une lente déchéance au début du XXème siècle. En 1905, on annonce sa fermeture dans les journaux. Seul le rez-de-chaussée accueille encore quelques clients. Autrefois temple du raffinement, il n’est plus désormais que simple bistrot. Mais tout n’était pas perdu. Après une traversée du désert, le restaurant est sauvé par le chef Raymond Oliver, qui s’y installe en 1948. Ce Girondin redonne ses lettres de noblesse au Grand Véfour grâce à son talent et sa notoriété.

Catherine Langeais et Raymond Oliver dans l’émission Art et magie de la cuisine. Crédit : INA

À partir de 1954, Raymond Oliver devient la star de la première émission de télévision consacrée à la cuisine : Art et magie de la cuisine. Pendant 13 ans, ce programme qu’il anime aux côtés de Catherine Langeais est un vrai succès, et draine les épicuriens à son restaurant. Colette et Jean Cocteau, fervents amateurs de la cuisine de Raymond Oliver, participent également à sa publicité. Le Tout-Paris s’y presse désormais : Juliette Gréco, Marcel Pagnol, Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, Louis Aragon, André Malraux… Le chef préféré des français règne sur les cuisines du Grand Véfour pendant près de 36 ans. 

Aujourd’hui, le restaurant est dirigé par le chef Guy Martin et propose une carte plus accessible, mais toujours de qualité. Il a été le décor d’une des scènes du film Minuit à Paris de Woody Allen, sorti en 2011.

Crédit photo de Une : Le Grand Véfour via Instagam

L.B

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