C’est un secret pour personne : les femmes sont les grandes oubliées de l’Histoire. Catherine Bernard est l’une d’entre elles. Dramaturge, romancière et poétesse, elle rencontre le succès de son vivant et se trouve être la première femme dont l’œuvre est jouée à la Comédie Française. Malgré cela, son nom et son histoire sont rapidement effacés et son œuvre est plagiée, par un certain… Voltaire. Portrait d’une femme de lettres incontournable du XVIIème siècle.
Catherine Bernard, une artiste reconnue et récompensée
L’histoire de Catherine Bernard en dit long sur la place des femmes dans la société d’hier et d’aujourd’hui. Bien qu’elle ait connu une certaine notoriété parmi ses contemporains, il ne reste que peu d’éléments sur sa vie et aucun portrait de cette auteure et dramaturge. Voilà ce que l’on sait d’elle.
Catherine Bernard est née aux alentours de 1663 à Rouen, dans une famille de la bourgeoisie protestante. Vers l’âge de 17 ans, la normande quitte sa ville natale pour tenter sa chance à Paris. Elle se convertit au catholicisme suite à la révocation de l’Edit de Nantes, et épouse pleinement la vie de femme de lettres, comme l’explique Edwige Keller-Rahbé dans une conférence dédiée.
Catherine Bernard a laissé une grande diversité d’écrits à la postérité, produits dans les deux dernières décennies du XVIIe siècle. Elle est l’auteure de fictions narratives en proses et de romans, de nombreuses poésies, du premier conte Riquet à la Houppe, mais aussi de deux tragédies. Sa pièce Brutus rencontre un franc succès : la tragédie est jouée plus d’une vingtaine de fois à la Comédie Française ! Catherine Bernard est alors la première femme dont l’œuvre est jouée dans ce mythique théâtre parisien.
La reconnaissance de son travail ne s’arrête pas là. En 1691, elle obtient une pension du roi Louis XIV. On lui décernent également de nombreuses récompenses, dont trois prix de poésie de l’Académie Française en 1691, 1693 et 1697 et trois autres prix de poésie de l’Académie des Jeux Floraux de Toulouse en 1696, 1697 et 1698.
En 1698, Catherine Bernard quitte la scène littéraire et ne publie plus rien jusqu’à sa mort en 1712. Elle décède dans l’indifférence, sans avoir été mariée et sans avoir eu d’enfant.
L’affaire Voltaire
À peine 20 ans après sa mort, Catherine Bernard est dépossédée d’une partie de son œuvre. En 1730, un certain François-Marie Arouet, dit Voltaire, fait jouer une pièce de théâtre nommée… Brutus. Les critiques ne tardent pas à pointer du doigt les nombreuses ressemblances avec la tragédie de Catherine Bernard, tant dans sa structure que dans les vers, comme l’explique Titiou Lecoq pour Slate. Une fois la supercherie révélée, Voltaire tente de se défendre de son plagiat. Il déclare que la pièce n’est pas une œuvre de Catherine de Bernard, mais de l’écrivain Bernard de Fontenelle. Autant avouer avoir plagié un homme, plutôt qu’une femme…
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. En 1751, Voltaire rédige son œuvre Le Siècle de Louis XIV. Dans la notice qu’il dresse de Catherine Bernard, il la décrit comme une “auteure de quelques pièces de théâtre, conjointement avec le célèbre Bernard de Fontenelle, qui a fait presque tout le Brutus…”, minimisant ainsi le travail de la dramaturge. De plus, la relation entre Fontenelle et Bernard reste flou, puisqu’aucune source ne vient confirmer qu’ils se connaissaient vraiment.
Pour ne rien arranger, un lien de parenté entre Bernard de Fontenelle et Catherine Bernard est inventé. On dit qu’il serait le cousin de la dramaturge. Fontenelle étant de la même famille que Pierre Corneille, on imagine alors que Catherine Bernard est la nièce de Corneille. L’erreur est copiée au fil des ans… jusqu’à s’imposer encore de nos jours dans les dictionnaires.
L.B
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