Connaissez-vous l’histoire sordide de ce superbe théâtre parisien, auparavant une forteresse et une prison ?

Avec plus de 130 théâtres et près de 300 spectacles par semaine, Paris s’impose comme la capitale de la culture et un haut lieu du théâtre dans le monde. Et si nous sommes habitués à leur présence dans notre paysage quotidien, nous connaissons souvent moins l’histoire de ces bâtiments à l’allure parfois grandiose. Ils semblent avoir toujours été là, et pourtant… L’un des plus beaux, et aussi l’un des plus vieux théâtres de Paris est construit là où, par le passé, se tenaient des spectacles d’un tout autre genre…

Quand Paris se donne en spectacle

Les théâtres de Paris font partie de son patrimoine, au même titre que ses monuments, ses parcs, ses marchés, et tout ce qui la rend vivante et bouillonnante. L’offre est immense, diversifiée, sans cesse renouvelée. Et si l’on aime se rendre dans l’un de ces lieux où s’épanouit le spectacle vivant, c’est autant pour profiter de spectacles en tous genres que pour admirer les bijoux d’architecture dans lesquels ils se produisent parfois.

Le prestigieux Théâtre du Palais Royal, la sublime salle à l’italienne duThéâtre de l’Athénée-Louis-Jouvet, l’emblématique Théâtre Édouard VII, ou encore la Comédie française, véritable institution sont quelques exemples parmi d’autres de théâtres mythiques qui font naître l’émerveillement avant même que le spectacle commence.

Un haut lieu de culture

Ce célèbre théâtre parisien niché en plein centre de Paris est inscrit parmi les Monuments Historiques depuis le 14 novembre 1979. Construit entre 1860 et 1862 à la demande du baron Hausmann qui souhaitait moderniser Paris et la faire rayonner dans toute l’Europe, par l’architecte français Gabriel Davioud, à qui l’on doit, entre autres, le nouveau visage des Buttes-Chaumont, du bois de Boulogne, ou encore les fontaines St-Michel, il est inauguré le 19 avril 1862.

Avec ses 2895 places, le Théâtre Impérial du Châtelet s’inscrit alors comme la plus grande salle parisienne et accueille de nombreux spectacles et fééries comme Cendrillon ou La Pantoufle merveilleuse, plus grand succès du premier directeur des lieux, Hippolyte Hostein. Face à lui, Davioud construit un autre théâtre dans le même style Renaissance : le Théâtre Lyrique, actuel Théâtre de la Ville, faisant de la place du Châtelet un lieu d’expression artistique exceptionnel. De quoi transformer l’âme de cette place dont le passé, lui, n’a pas de quoi faire rêver.

Un lieu à l’histoire des plus sombres

Car si le Théâtre du Châtelet, rénové en profondeur entre 2017 et 2021 et dont Olivier Py a pris cette année la direction, est aujourd’hui un important lieu de culture de la Ville Lumière, la place du Châtelet était auparavant le théâtre de spectacles d’un tout autre genre… En effet, sous l’Ancien Régime, au XIIème siècle, se dressait en ces lieux la forteresse du Grand Châtelet, érigée sous l’ordre de Louis VI sur la rive droite de la Seine pour protéger l’accès à l’île de la Cité, où siégeait le pouvoir. Le Grand Châtelet était relié au Petit Châtelet par le Grand Pont, actuel Pont au Change. S’y trouvaient le siège de la police, un tribunal, la première morgue de la capitale, et surtout une prison, la plus grande de Paris, dont la proximité avec la grande boucherie où les bêtes étaient égorgées offrait un environnement sonore et olfactif des plus insoutenables.

Pour mieux comprendre la réputation sinistre de cette prison, il faut jeter un œil du côté de ses terribles cachots souterrains, dont les noms parlent d’eux-mêmes : la Fosse, le Puits, la Barbarie, Fin d’aises, l’Oubliette… La Fosse avait la forme d’un cône renversé et était toujours inondée, ne permettant aux prisonniers ni de rester debout ni de se coucher. Dans l’Oubliette, les détenus devaient être glissés à l’aide d’une corde et d’une poulie. Le pire, si tant est que l’on puisse établir une hiérarchie de l’horreur, était de se retrouver au milieu des ordures, des excréments et des reptiles dans Fin d’aise…

« Le Grand-Châtelet fut, après le gibet de Montfaucon, l’édifice le plus sinistre de Paris, tant par sa physionomie et sa destination que par son voisinage qui faisait de ce quartier l’endroit le plus fétide de la capitale. »
Jacques Hillairet, Connaissance du vieux Paris

C’est quelques années après le terrible massacre des prisons, le 2 septembre 1792, durant lesquels 116 des 269 grands criminels incarcérés furent atrocement assassinés par des émeutiers, que le Grand Châtelet de Paris fut démoli. Pour la petite anecdote, Molière fut brièvement emprisonné dans la prison du Grand Châtelet, pour ses dettes ! Clin d’œil sinistre du destin peut-être…

Théâtre du Châtelet
1 place du Châtelet
75001 Paris

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Mélina Hoffmann