Il y a plus de 300 ans, Paris inventa un système de police performant et très bien organisé. Malgré de faibles moyens humains et économiques mobilisés, les premiers succès de cette police furent manifestes et inspirèrent l’Europe entière ! Entre lutte contre le crime et compromissions avec les milieux interlopes, retraçons l’histoire méconnue de la police parisienne sous l’Ancien régime…
A l’origine de la police, un assassinat retentissant…
C’est à Louis XIV que l’on doit l’invention d’une véritable police parisienne. Dans les années 1660, en effet, Paris est décrite comme une ville à l’insécurité chronique. La capitale est d’ailleurs encore fortement associée à l’épisode de la Fronde (période de guerre civile entre 1648 et 1653) : son image de « capitale du crime » est désastreuse. Surtout, en 1665, un haut responsable de justice, Tardieu, est lâchement assassiné par des truands, dans son hôtel de la Cité. C’est le crime de trop pour Louis XIV qui décida, à partir de cette date, de bouleverser radicalement le fonctionnement de la police à Paris, pour mettre fin au règne des criminels, voleurs et autres malfrats qui sèment la terreur en plein Paris.
En 1667, est mise sur pied une administration policière renouvelée, chapeautée par un personnage très puissant : le lieutenant général de police (à la fois ancêtre de la fonction de préfet et du ministre de l’intérieur). Celui-ci est nommé par le roi, parmi la fine fleur des administrateurs, et devient l’interlocuteur privilégié de Louis XIV : il doit surveiller et informer le roi sur Paris, de façon quasi-quotidienne. Gabriel Nicolas, seigneur de La Reynie devient le premier lieutenant général de police et entreprend de professionnaliser et d’organiser le travail de police dans la capitale. Ses compétences sont élargies et prennent en compte tout ce qui concerne de près ou de loin la vie quotidienne à Paris (les mÅ“urs, la réglementation du commerce et bien sur la délinquance…).
Le fonctionnement de la police à Paris
A la tête de la police parisienne, le lieutenant général a d’abord la mission de conjurer les risques, ce qui explique l’importance donnée au renseignement pour prévenir les émotions populaires, les émeutes… D’autre part, on confie au lieutenant général de police des lettres de cachet, un outil judiciaire d’exception qui lui donne le pouvoir effectif d’arrêter tout individu dont il estime qu’il représente une menace pour l’ordre public à Paris (personne d’autre à Paris n’a ce pouvoir).
Le Lieutenant général de police peut compter sur un personnel étoffé, constitué de 48 commissaires (propriétaires de leurs charges) du châtelet, répartis dans différents quartiers parisiens. Chaque commissaire est assisté d’un inspecteur de police. Ces commissaires et inspecteurs reçoivent les plaintes directement chez eux et font parfois figures de confident pour certains habitants du quartier, que les commissaires connaissent en général personnellement, et à qui ils leur proposent une oreille attentive : le commissaire est enraciné dans son quartier et manifeste une autorité presque paternelle sur ses justiciables. Ces hommes ont également des spécialités et des responsabilités dans des domaines particuliers à l’échelle de tout Paris : il y a par exemple un commissaire de Police qui s’occupe de la surveillance des spectacles, un autre des maisons closes ou encore un autre en charge des enquêtes dites « extraordinaires » (qui ont trait notamment à des affaires politiques). De manière quotidienne, ils doivent faire remonter vers le lieutenant général de police des compte-rendus de leur journée.
Concernant les effectifs sur le terrain, la police parisienne possède un peu moins d’un milliers d’hommes en armes, chargés de la répression des bagarres, de la circulation… Ces hommes du guet font des rondes dans Paris mais peinent parfois à faire face aux émeutiers, comme ce fut le cas lors des révoltes frumentaires (liées à l’augmentation des prix des denrées alimentaires) en 1709, 1740, 1775, ou encore lors des rumeurs d’enlèvements d’enfants, dans les années 1750 : on voit à certains moment des rues qui deviennent incontrôlables. Contrairement aux idées reçues, bien avant la Révolution française, l’émeute populaire constituait déjà une grande crainte pour les autorités. En cas de coup dur, Paris devait parfois faire appel à l’armée, constituée de professionnels, rodés aux affrontements et mieux équipés.
Pour anticiper les révoltes, la police parisienne avait également recours à des « mouches », c’est-à -dire des espions, recrutés dans les milieux interlopes parisiens (parmi les prostituées ou les voleurs notamment). Un budget spécifique était même consacré à la rétribution de ces « mouches » !
Dès la fin du XVIIe siècle, les premiers effets liées à la création de la police se firent ressentir : les chiffres du crime baissèrent sensiblement, et les Parisiens se sentirent de plus en plus en sécurité. C’est notamment sous l’action du Lieutenant général de police, de Sartine, qu’un premier système d’éclairage public fut mis en place à Paris. Toutefois, la police parisienne est parfois associée à la brutalité et à l’arbitraire. Ces conflits avec la police sont en effet palpables lors des arrestations de mendiants, par les archers des hôpitaux généraux (qui coopèrent avec la police parisienne). Des arrestations qui soulèvent très souvent de fortes émotions et produisent des échauffourées dans les quartiers parisiens – les habitants prenant souvent fait et cause pour leurs mendiants.
Signe néanmoins de la réussite de ce modèle policier, la France conserva, en partie, ce type de fonctionnement institutionnel pyramidal, avec notamment la figure du commissaire, toujours présente de nos jours. A partir de Napoléon Ier, la fonction de préfet de police fait son apparition, tandis que l’équipement et les attributions judiciaires évoluèrent peu à peu au cours des XIXe et XXe siècles.
Pour approfondir l’histoire de la police à Paris, n’hésitez pas à vous rendre au musée de la Préfecture de police de Paris, ou à découvrir notre visite guidée insolite du Paris du Crime !
Infos pratiques :
Musée de la Préfecture de Police
4, rue de la Montagne Sainte-Geneviève, Paris 5ème, 3e étage
Métro : Maubert-Mutualité (ligne 10)
Horaires d’ouverture : lundi à vendredi de 9h30 à 17h00
Tarifs : L’accès au musée est gratuit.
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Crédit illustration de Une : @Gallica. Pont neuf, statue Henri IV, estampe, 1740, Georg Brobst