Paris n’a pas toujours été cette capitale aux grands boulevards et aux immeubles haussmanniens. Certains vestiges tels que les thermes de Cluny, plus grand monument gallo-romain conservé au nord de la Loire, nous permettent d’en savoir plus sur le lointain passé de la capitale.
Les thermes que l’on peut admirer aujourd’hui dateraient du 1er ou 2e siècle. Situés sur la rive gauche de la Seine, à l’angle du cardo et du décumanus de Lutèce, il s’agissait du cÅ“ur de la cité. Au fil des siècles, les lieux connaissent plusieurs périodes de destruction, notamment lors des invasions vikings au 9e siècle. Plus tard, certaines parties des thermes sont utilisées par Philippe-Auguste pour bâtir son enceinte.
Le Palatium de Terminis, ou palais des Thermes, est ensuite acheté en 1340 par Pierre de Châtelus, abbé de Cluny. Les instances religieuses construisent alors un hôtel contre les thermes, dont une partie sert de grange. L’établissement connaît une seconde jeunesse à la fin du 15e siècle lorsque l’abbé Jacques d’Amboise fait construire le somptueux hôtel de Cluny. Les thermes et l’hôtel sont définitivement liés lorsqu’un musée commun ouvre en 1843. En parallèle, les fouilles continuent, notamment au début du 19e siècle et après 1945.
Un lieu convivial et pratique à la fois
Bien qu’impressionnants, les thermes actuels ne sont en réalité qu’une partie bien conservée d’un ensemble beaucoup plus vaste. Celui-ci s’étendait du boulevard Saint-Germain à la rue des Écoles et du boulevard Saint-Michel à l’actuel musée de Cluny.
En plus d’un patrimoine architectural exceptionnel, ces thermes illustrent avant tout le mode de vie romain. À l’époque, l’endroit est un lieu apprécié de la cité, où l’on vient se laver, se détendre et se faire couper les cheveux. Lieu de réunion par excellence, on vient aussi pour bavarder et lire. Le complexe thermal comprend également une vaste palestre, ancêtre du gymnase, où l’on pratique la lutte et d’autres activités physiques. À l’image des Grecs, l’hygiène, les soins du corps et la pratique du sport occupent une place importante dans la société romaine.
Bâtie sur le modèle romain, la ville de Lutèce correspond parfaitement à cette société. Installée sur les flancs de la montagne Sainte-Geneviève, sur l’actuelle rive gauche de la Seine, on trouve non loin les fameuses arènes de Lutèce. Ce qui était autrefois un amphithéâtre faisait partie d’un plus vaste regroupement d’édifices de spectacle. En quelques minutes, les habitants de Lutèce pouvaient donc en profiter pour se divertir et se détendre.
Les premiers grands travaux urbains dans la capitale
Au-delà du mode de vie, ces thermes illustrent aussi le travail d’urbanisme de l’époque. Les bains publics ou privés sont certes l’invention des Grecs, mais la technique est perfectionnée par les Romains. Preuve en est, au Ier siècle av. J.-C., ils mettent au point le système de chauffage par hypocauste. Des foyers produisent un air chaud qui circule sous le sol et dans des conduits en terre cuite aménagés dans les murs. Ce système très efficace permet par ailleurs la construction de thermes aux dimensions impressionnantes.
Utilisés jusqu’à la fin du IIIe siècle, les thermes de Cluny sont alimentés en eau par l’aqueduc d’Arcueil, situé au sud de Paris. Une source suffisante pour alimenter les différentes pièces. Parmi elles, le frigidarium est la pièce la mieux conservée et la plus impressionnante, avec une voûte d’arêtes culminant à 14 mètres du sol. Une piscine profonde de 60 centimètres occupe aussi une partie de la salle. Lors de la construction de l’hôtel Cluny, le frigidarium est utilisé pour abriter un jardin suspendu sur sa voûte puis un entrepôt de vin au 18e siècle, ce qui explique son excellente conservation. Quant aux salles chaudes, à l’image du caldarium, elles sont situées plus au sud et toujours visibles. Malgré les nombreuses recherches, des incertitudes demeurent quant à la fonction de certaines salles.
Parler de thermes est aussi l’occasion d’évoquer un autre travail d’urbanisme de l’époque, l’évacuation des eaux usées. Une question nécessaire face à l’impressionnante quantité d’eau utilisée pour alimenter toutes les salles. Dans le cas des thermes de Cluny, celle-ci se faisait par un égout qui encerclait les thermes, avant de se jeter dans un collecteur situé sous le boulevard Saint-Michel.
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