Si l’on connaît généralement bien la structure et la date de création d’un immeuble haussmannien ou d’une bâtisse Art déco, il n’en est pas de même pour tous les types de constructions parisiennes. Comment savoir si l’on regarde une maison Renaissance ou un édifice du XVIIIe siècle ? Quelles sont les différences entre un immeuble 1900 et une construction des années 1920 ? Voici cinq astuces qui vous permettront de dater plus facilement les façades de la capitale. Il ne vous restera ensuite qu’à affiner votre oeil !
Savoir où l’on se trouve à Paris
Cela peut sembler évident, mais savoir où l’on se trouve dans Paris et connaître l’histoire du quartier dans lequel on se situe est le meilleur atout pour dater un immeuble. Le vieux Paris, le Marais en tête, possède de nombreux édifices datant d’avant le XVIIIe siècle, alors que les édifices situés dans les arrondissements extérieurs (du 12e au 20e) ont été majoritairement construits dans les 150 dernières années. La preuve avec cette carte réalisée par BatiParis qui donne à voir les différentes périodes de construction des édifices parisiens. On se rend immédiatement compte que l’on a plus de chance de tomber sur une façade Renaissance dans une petite ruelle du 4e arrondissement que dans une grande avenue du 15e !
Repérer les saillies
La présence ou non de saillies est l’un des meilleurs moyens d’estimer la date d’une façade. En effet, les encorbellements, très présents au Moyen-Âge et à la Renaissance, ont été interdits en 1667 pour des raisons de sécurité et de salubrité. Cette réglementation aura cours jusqu’en 1882, date à laquelle les saillies sont à nouveau autorisées, à condition d’être situées à plus de 6 mètres du sol. Ainsi, une façade présentant un encorbellement situé à moins de 6 mètres du sol aura été érigée avant 1667 tandis qu’une façade dotée d’un large balcon ou d’une loggia située au-dessus de cette limite datera forcément d’après 1882.
Identifier le matériau utilisé
Plâtre, pierre, brique, toutes les maisons ne sont pas construites avec le même matériau et le choix de telle ou telle ressource n’est pas anodin : il reflète très souvent la période de construction du bâtiment.
Le plâtre : avant le XVIIIe siècle et depuis le milieu du XIXe siècle.
Dans les quartiers les plus anciens de Paris, les façades en plâtre sont presque toujours associées aux maisons du XVIIe siècle construites en pans de bois. En effet, suite au terrible incendie de 1666 à Londres, Louis XIV a imposé que toutes les maisons soient recouvertes de plâtre, un matériau particulièrement résistant au feu. Dans les anciens villages annexés à Paris en 1860, le plâtre est utilisé comme enduit de recouvrement et de protection pour des bâtisses beaucoup plus récentes (XIXe ou XXe siècle).
La pierre de Saint-Maximin : du milieu du XVIIIe siècle au début du XXe siècle.
La grande majorité des façades du XIXe siècle et du début du XXe siècle sont en pierre de Saint-Maximin. Cette pierre puisée dans les carrières de la commune de Saint-Maximin dans l’Oise était auparavant réservée aux hôtels particuliers et aux monuments prestigieux comme le Louvre, l’École militaire ou le palais Bourbon. C’est sous le Second Empire que son utilisation a été étendue aux immeubles locatifs.
La brique, le moellon, le fer, la céramique, le carrelage : le tournant du XXe siècle.
Les mouvements Art déco et Art nouveau n’hésitent pas à utiliser, et surtout mélanger, des matériaux variés comme la céramique, le carrelage et bien sûr, le fer. Ce mélange est caractéristique du tournant du XXe siècle, tout comme la brique, très utilisée dans les anciens quartiers ouvriers de Paris. Avant eux, seul le style Louis XIII (XVIIe siècle) assortissait les matériaux pour des raisons ornementales en utilisant la pierre, la brique et l’ardoise.
Le béton et le verre: les XXe et XXIe siècles.
Très coûteuse, la pierre de taille a été presque totalement remplacée par le béton dans les années 1940-1950. Aujourd’hui, la plupart des constructions sont construites avec ce matériau, ou en moellon, une pierre calcaire plus tendre et moins chère que la pierre de taille. Souvent, elles sont recouvertes de plâtre et de peinture. Le verre possède également une place prédominante.
Lever les yeux vers les toits
À Paris, un toit-terrasse signale une construction du XXe ou XXIe siècle, un toit à pignon sur rue est caractéristique des plus anciennes maisons parisiennes, comme le 11 et le 13 de la rue François Miron, un toit gris clair en zinc date souvent du XIXe siècle et, enfin, un toit gris foncé en ardoise sera plutôt caractéristique des constructions du XVIIIe siècle. On vous explique tout ça en détail dans notre article consacré à la couleur des toits parisiens.
Se rendre dans la rue François Miron
Cette rue du 4e arrondissement est un condensé parfait des différents types d’architecture qu’a connu Paris au fil des siècles. Entre les numéros 2 et 12, on retrouve un ensemble d’édifices construits dans les années 1730 et représentatifs de l’architecture en vigueur sous Louis XV : une façade sobre mais travaillée, des fenêtres en courbes pourvues de garde-corps en fer forgé minutieusement travaillé et un haut rez-de-chaussée à arcades.
Au 11 et 13, ce sont deux habitations à colombage et dotées d’un toit à pignon sur rue que l’on découvre. Érigées en 1644, ces deux bâtisses reprennent la structure typique des maisons populaires du Moyen-Âge.
Au 82, l’hôtel particulier du Président Hénault est emblématique de l’architecture “haut de gamme” du XVIIIe siècle : une ferronnerie florissante, des sculptures de façades en pierre, une porte cochère majestueuse et de hautes fenêtres.
Enfin, juste en face de cet hôtel particulier, c’est un ensemble d’immeubles de rapport du XIXe siècle, entrecoupés de quelques anciennes maisons du XVIIe siècle, reconnaissables à leur étroitesse (n° 31 et 33), que l’on peut découvrir. Entre temps, on sera passé par quelques immeubles modernes du XXe siècle (n° 52) et d’autres jolies bâtisses… que vous n’aurez pas de peine à dater !
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Crédit photo de couverture : Vincent Desjardins / Flickr
Cyrielle Didier