1860… Amoureux de Paris, retenez bien cette date. C’est en effet cette année-là que la capitale a vu son destin une nouvelle fois basculer, sous l’impulsion du baron Haussmann qui lui a définitivement offert un tout autre visage. De 12 arrondissements, Paris est alors passé à 20, en grapillant le territoire de onze villages des faubourgs jusqu’aux fortifications édifiées par Thiers en 1844. Partons sur les traces de ces quartiers parisiens qui furent des villages, et dont l’atmosphère trahit parfois encore le passé.
Montmartre
S’il est le quartier le plus emblématique de Paris aux yeux de la plupart des touristes, Montmartre n’a pourtant été intégré à la capitale qu’en 1860. À ce moment-là, il s’agissait d’un village de 36 000 âmes où les belles maisons et les cabanes en bois et plâtre d’artistes maudits et de sans-abris se partageaient le terrain, et où les moulins profitaient du vent d’altitude pour moudre le blé. L’endroit était également prisé pour ses cabarets et ses carrières de gypse…
Bercy
Au milieu du 19ème siècle, Bercy faisait figure de plus vaste marché de vins d’Europe. Pour les grossistes qui souhaitaient ravitailler Paris, impossible de passer le port de la Rapée sans payer une taxe. C’est pour cette raison que le quartier de Bercy, situé à proximité, devint un lieu d’entrepôt idéal. On en retrouve encore quelques vestiges, comme les chais du Cour Saint-Émilion et le bâtiment abritant actuellement le Musée des Arts Forains. Cette activité permit aussi à de nombreuses guinguettes populaires de voir le jour.
Passy
Avant d’être un quartier cossu du 16ème arrondissement, Passy était un village agréable, qui fit même longtemps office de lieu de villégiature. Prairies, chateaux à tourelles, belles demeures bourgeoises, on y venait profiter d’une atmosphère campagnarde, encore palpable aujourd’hui si l’on s’aventure dans la rue Berton. Le village avait aussi hérité d’une dimension mystique puisqu’à la fin du XVème siècle, des moines minimes charmés par ses vignes et sa belle vue, y avaient fait installer leur couvent.
Belleville et Ménilmontant
Indépendante jusqu’en 1860, Belleville était plus qu’un village puisque son nombre important d’habitants la hissait au rang de 13ème ville de France ! Populaire et habitée par de nombreux ouvriers des carrières des actuelles Buttes Chaumont, elle attirait les fêtards parisiens qui venaient profiter de ses guinguettes et de ses vignes. Quelques siècles auparavant, sa situation en hauteur et ses rues couvertes de lilas, de vignes et ponctuées de petites cascades lui valurent son nom de “Belleville”. Ménilmontant, quartier actuel du 20ème arrondissement de Paris, en était un hameau.
Charonne
Il n’en reste aujourd’hui qu’une petite (mais charmante) église, un cimetière et deux rues piétonnes, et pourtant, on devine l’atmosphère passée de cet ancien village d’ouvriers et d’artisans d’environ 17 000 habitants. Longtemps investi par les vignes et les maraîchages, ce village a accueilli au 19ème siècle de nombreuses petites fabriques de colle, d’allumettes, de cuir ou de chapeaux, et surtout la plus grande manufacture de bougies installée alors rue Aumaire. Il faut également y imaginer une ribambelle de guinguettes très populaires où l’on buvait du vin deux fois moins coûteux qu’à Paris.
Auteuil
Jusqu’à la fin du 19ème siècle et son annexion partielle à Paris, le village d’Auteuil jouissait d’une atmosphère très campagnarde. Attirés par sa tranquillité, son exposition très ensoleillée et la proximité du Bois de Boulogne, de nombreux bourgeois et nobles y posèrent leurs valises. Aujourd’hui encore, ce qui est devenu un quartier du 16ème arrondissement transformé par l’urbanisme et les réalisations Art Nouveau de Guimard, est très huppé.
Batignolles
Une balade au square des Batignolles nous donne le sentiment de prendre une bouffée d’oxygène comme rarement dans Paris, et pour cause : au début du XIXème siècle, ce village était réputé pour la pureté de son air ! Un grand médecin, Charles François Lemercier, y avait même fait installer sa maison de santé. Avant qu’il soit annexé à Paris en 1860, on y trouvait une mairie, une église, la toujours actuelle Sainte-Marie des Batignolles, un marché et également un théâtre pour se divertir.
Grenelle
Avant d’être ce quartier parisien niché entre les métros Dupleix et Javel, Grenelle était une commune du département de la Seine créée en 1830, qui abritait des maisons bourgeoises mais également des fabriques de fer, de platine, de poudres de chasse ou encore d’encre. Avec la construction du quartier d’affaires Beaugrenelle et de ses hauts immeubles, peu de traces subsistent de ce passé villageois, hormis quelques devantures de la rue du Commerce et la petite église Saint-Jean Baptiste.
La Villette
Difficile de l’imaginer lorsque l’on s’y balade aujourd’hui, mais la Villette était il y a quelques siècles un village doté de nombreuses vignes, vergers et de couvents. Une grande sécheresse obligea Napoléon à y faire construire un canal, transformant l’activité du village qui attira dès lors des industries, ou des fabriques d’allumettes, de savons et de bougies. Au moment de l’annexion à Paris en 1860, a débuté la construction des célèbres abattoirs et du marché aux bestiaux, dont subsistent encore aujourd’hui quelques traces…
Vaugirard
Aussi étonnant que cela puisse paraître, l’espace reliant aujourd’hui la porte de Brancion au métro Sèvres-Lecourbe dans le 15ème arrondissement appartenait au village de Vaugirard, réputé au 19ème siècle pour son air pur et… ses navets ! Celui-ci renfermait de nombreuses maisons avec potagers et des cultures maraîchères de grande qualité, avant de se voir investi par des fabriques de carton pâte, bougies, cuir ou de briques. En 1860, au moment de son annexion à Paris, il abritait 37 500 habitants et sa vie s’articulait presque exclusivement autour de la rue Vaugirard.
D’autres villages indépendants ont été partiellement intégrés à Paris en 1860 : c’est le cas d’Ivry, un village très industriel dont la population inspira Victor Hugo pour ses personnages des Misérables, la Chapelle Saint-Denis, un village réputé pour ses industries ferroviaires et du secteur métallurgique ou encore celui du Petit Montrouge riche en pépinières et moulins à farine.
Le quartier s’étendant aujourd’hui du métro Corvisart au parc Montsouris appartenait avant 1860 à Gentilly, un village situé au bord de la Bièvre où l’on trouvait de belles propriétés ainsi que des fermes, alors que les Ternes, actuel quartier du 17ème arrondissement, se trouvait dans un village éponyme bien pourvu en teintureries, blanchisseries et établissements horticoles.