Direction les trottoirs des Grands Boulevards, il y a moins de deux siècles, où explosaient les premiers médias de la capitale dans une effervescence bruyante. Sur fond de Second Empire, petit tour des origines de notre presse écrite préférée…
Du bon côté de la Seine…
C’est en 1815 que la machinerie s’active, sous la Restauration. Rive gauche et rive droite se livrent une bataille musclée. Le quartier latin tient bien au chaud les premiers organes de presse. Perdus au milieu des maisons d’édition, la presse souffre de la mainmise politique et religieuse et du manque de communication. Et pour preuve. La mort de Napoléon Bonaparte se fait connaître avec deux mois de retard !
Les journaux commencent à comprendre qu’il y a quelque chose à jouer du côté de la rive gauche. Alors quand ils décident de changer d’adresse pour la rive populaire, c’est l’explosion : intellectuels d’un côté de la Seine, médias de l’autre… le clivage est né !
Rue Jean-Jacques Rousseau : les pavés du succès
Dans son nouveau berceau, la presse balbutiante se frotte enfin aux réalités du peuple et profite du boom économique et industriel du 19e siècle. Comme un pied de nez au quartier latin, Emile de Girardin inaugure, rue Saint-Georges, le journal La Presse, symbole de la presse populaire naissante. Mais c’est plus au Sud que l’effervescence est à son comble : les premiers quotidiens s’installent tout près de la Poste centrale, rue Jean-Jacques Rousseau (rue du Louvre aujourd’hui).
Pourquoi la Poste ? Parce que c’est elle qui brasse chaque jour les dépêches télégraphiques, et qu’elle permet l’envoi express des exemplaires aux abonnés. Meilleure amie de l’urgence, la rue Jean-Jacques Rousseau permet au journalisme parisien d’entrer dans la dynamique de l’info. Havas, première agence de presse mondiale, y  ouvre ses portes en 1835, sous le nom pittoresque d’« Agence des feuilles politiques, correspondance générale ». Elle brasse les informations étrangères pour en fournir au peuple un concentré quotidien.
Cinq ans plus tard, Balzac, journaliste à ses heures perdues, dira d’elle qu’elle est incontournable.
Naissance du Quartier de la Presse
Le monde de l’actualité profite de la Belle Epoque en recensant bientôt une centaine d’imprimeries typographiques le long de l’axe rue Montmartre-rue du Faubourg-Montmartre. Mais c’est sur les Grands Boulevards que la presse trouve bientôt son périmètre de prédilection. Ses trottoirs font l’animation parisienne et rassemblent à peu près tous les ingrédients nécessaires au journalisme de pointe : des banques aux théâtres en passant par les centraux téléphoniques et les gares de chemin de fer, c’est le quartier idéal pour l’info ! Et le plus fréquenté de toute l’histoire du 19e siècle.
Une vague de nouveaux métiers s’expose alors aux passants dans un joyeux tintamarre quotidien : kiosquiers, porteurs, reporters s’entrecroisent un siècle durant sur ces Boulevards. La presse y est à l’abri du pouvoir politique et peut enfin consacrer son royaume : elle s’impose en bâtissant des « hôtels de presse », fleuron de l’architecture haussmannienne où les nouvelles sont plaquées dans les vitrines. A l’intérieur des halls, on organise des réceptions pour le public, avide d’actualités et de représentations.
L’actu pour cinq centimes
C’est lui le maître des succès médiatiques de l’époque, loin devant tous les autres : Le Petit Journal, qui naît d’abord sans bruit en 1863, succède à La Presse à l’initiative de Moïse Polydore Millaud, qui s’est empressé de couler Girardin.
Son secret ? Un rabais alléchant pour le peuple parisien, loin de rouler sur l’or mais toujours aussi curieux. Coûtant 5 centimes au lieu des 15 habituels, le quotidien inonde rapidement les rues de la capitale et atteint le million d’exemplaire dès 1890. On s’en doute aujourd’hui… en lui volant son nom, Yann Barthès a eu le nez creux !
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